Lavilliers, métamorphose peut-être, mais si peu
Bernard Lavilliers (photo de presse Thomas Dorn)
Il serait de bon ton, pour faire chorus avec nos éminents collègues de la presse nationale, semble-t-il tous unanimes, de s’extasier sur cet album. Ce que nous ne ferons pas. Album après album, la production de Lavilliers est constante, toujours dans le haut (parfois le très haut) du panier. Pas ici.
Pourquoi, pour un tel et a priori intéressant projet, ne sélectionner que des titres évidents, des « tubes » (On the road again, Traffic, Betty, Noir et blanc, Petit, La Grande marée, Les Mains d’or, Le Clan mongol…), pour la plupart déjà mobilisés sur chaque compilation ?* Pourquoi ne pas avoir carrément confié les clés à l’orchestre pour que l’ADN du symphonique s’inocule dans la chair des titres retenus, pour faire fusion, véritable re-création ? Car il faut souvent tirer l’oreille pour percevoir le symphonique et ce qu’il apporte. L’écoute de ce CD me fait songer à un diorama musical : au premier rang, large d’épaule, notre Lavilliers ; au second ses musicos du moment (Tribolet, Lapie, Reininger et Faucher) et, loin derrière, le symphonique, plus en illustration. Il y a cependant des versions qui dénotent : rien que l’intro d’On the road again vaut l’écoute. Affadi, Traffic surprend sans nullement convaincre. Par contre, le symphonique donne une profondeur de champs surprenante à La Grande marée… On aurait pu attendre que l’orchestre restitue et amplifie la folie du Clan Mongol, mais la batterie endigue tout possible élan, le casse, dommage.
Bonne compile tout de même, avec un intéressant inédit (c’est toujours bon pour appâter le chaland), La Bandiera rossa, que Lavilliers destinait à Serge Reggiani. Et, surprise, la présence de Flavia Coelho, en duo sur O gringo. Mais c’est tout.
Il n’y a pas Métamorphose, loin s’en faut, mais un avatar discographique de plus, certes sympathique, décliné en toute une gamme commerciale, des CD aux vinyles colorés avec poster dédicacé. Quitte à diriger votre achat, suggérons la version luxe du CD qui, sur une deuxième CD, accueille neuf titres du Ferré d’octobre 2006 enregistré avec l’Orchestre national de Lyon, sorti uniquement en DVD avec alors vingt-cinq titres : c’est dire s’il en manque beaucoup pour faire le compte.
* Huit de ces titres étaient ainsi sur « Acoustique » de 2014, un CD qui était déjà une revisitation du répertoire de Lavilliers.
Bernard Lavilliers, Métamorphose, Barclay/Universal 2023. Le site de Bernard Lavilliers, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« On the road again » : 
« Noir et blanc » : 
On a échappé de peu à Stand the ghetto et La Salsa…
Et QHS qui est la plus magistralement symphonique de toute son œuvre (merci François Bréant) aurait été la bienvenue. Dommage…
J’ai ressenti aussi cette impression de séparation entre le chanteur, les musiciens et l’orchestre symphonique, renforcée par l’image de cet enregistrement avec Lavilliers isolé comme dans un aquarium.
Les chansons les plus fortes, les plus rock, Traffic, Les Mains d’or, O’Gringo sont comme affadies.
Noir et blanc perd de son urgence pour gagner en douceur.
Guitar song, Petit, Noir tango s’en sortent bien.
Attention fragile donne le flux et le reflux après La Grande marée, et L’Espoir garde sa douceur réconfortante, avec l’envolée des cordes frottées, remplaçant les notes du piano de Jeanne Cherhal, la version originale, par de beaux arpèges de guitare.
Personnellement j’ai beaucoup aimé Le Clan Mongol, avec ces notes du destin au piano sur fond de cordes frottées qui le rythment, et ce tourbillon qui l’emporte « je suis l’autre…« . Et ses mots « J’ai dépassé la limite du scénar original / Rien à voir avec le mythe étalé dans le journal » prennent une signification puissante !
Quant à la voix de Lavilliers, elle reste intacte, chaude, de velours… toujours aussi enveloppante et rassurante.
Terriblement déçu ! Ce qui est en effet désolant c’est d’avoir un outil symphonique à dispo et de voir la tiédeur du résultat et des arrangements. Rares sont les artistes qui ont été à fond dans une utilisation intéressante. Parce qu’ils ne savent pas lâcher leurs formation clavier et rythmique batterie pour laisser la place à toute l’audace et l’originalité. On a en effet du déjà vu avec un effet symphonique au second plan. Dernièrement, le projet symphonique de Philippe Katerine arrangé par le talentueux Lucas Henri laisse est un exemple génial et magnifique d’une utilisation d’orchestre en chanson https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/concert-inter/hyper-weekend-festival-du-samedi-21-janvier-2023-2127379?at_medium=Adwords&at_campaign=france_inter_search_dynamic_podcasts&gclid=EAIaIQobChMItKTkovraggMVLrZoCR3N_QFEEAAYASAAEgKRufD_BwE&fbclid=IwAR2GHW7EsENUHpx_jmGx2VQ0ZqsCLsxzkPEQzVb_a30u32TsG8qU3YCVXHE
Je pense que le symphonique ne passe pas à l’écoute cd mais en live ça doit valoir le coup, ça doit être beaucoup plus puissant
(commentaire tiré de la page facebook « Bernard Lavilliers Y’a peut-être un ailleurs », suite à une réponse de ma part où je donnais raison à une personne qui disait que c’était « l’album de trop ». A la suite de quoi je reçu de nombreux et fort désagréables commentaires – pour ne pas dire très hostiles voire haineux – : ainsi sont les fans qui ne peuvent supporter qu’on critique, même avec raison leur idole. Rappelons encore que « fan » est le diminutif de « fanatique »)
Un album que j’ai dû écouter à plusieurs reprises pour bien m’en imprégner. Un album (que dis-je ! je parle à l’ancienne) un CD qui m’a surpris, déstabilisé à la première écoute. C’est justement ça qui est intéressant lorsqu’un artiste que l’on aime passionnément vous déstabilise au point de vous laisser bouche bée. Donc, à la première écoute, je ne retrouvais rien, à part quelques titres, mais rien ! J’avais en mémoire les versions de Radio France puis, plus loin, le Ferré du Châtelet. Première réaction : à quoi bon ce CD ? Mais, méfiance sur les premières impressions qui se calquent toujours sur de l’antériorité. J’ai laissé passer quelques jours pour le réécouter attentivement. Là, j’ai perçu toute la subtilité du travail, la volonté de ne pas laisser une trop grande place à la symphonie au point de boursouffler l’émotion, d’écraser la qualité des textes, lesquels sont d’une importance capitale ; faut-il rappeler que Bernard Lavilliers est un chanteur ? Un chanteur qui donne toujours dans « le très haut du panier » comme le précise si justement M. Kemper, avant de confondre l’art de la critique avec le dénigrement, je l’ai connu plus pertinent. La critique doit se hisser au-dessus de l’objet de sa critique, comme l’a fort bien exprimé Oscar Wilde dans son remarquable ouvrage « Intention ».
Oser réadapter « Trafic » en symphonie est une gageure, un casse-binette. Quand on a en tête la puissance, l’énergie de la version originale, cela semble être une idée folle, une prise de risque énorme, et qu’il faut saluer. Il eût été si convenu de reprendre des titres qui d’emblée semblent se prêter à une adaptation symphonique : QHS, L’amour et la mort, Y’a peut-être un ailleurs, La musique voire San Salvador… Un artiste qui ne prend jamais de risque, qui s’installe dans un systématisme confortable et qui fait carrière en pratiquant du copier-coller devient un fonctionnaire, il assure son capital.
Certes, on peut aimer ou pas, c’est normal, humain même. En comprendre le pourquoi, aussi. Mais quand ce pourquoi bascule dans la faiblesse argumentaire, il faut savoir se taire. Mais il faut impérativement « pisser sa copie pour bien marquer son territoire… » Dommage, car j’avais apprécié la biographie de M. Kemper. Reconnaissons-lui le courage d’avoir partagé sa critique dans le groupe même où il savait se faire torpiller. Mais son esprit provocateur doit s’en délecter par ailleurs, et ce n’est pas un peut-être.
Je n’ai pas encore eu la chance d’écouter tout l’album mais j’ai eu cette impression que l’orchestration symphonique ne sublimait pas aussi bien les morceaux comme j’ai pu l’entendre pour d’autres artistes qui ont fait cette expérience qui j’imagine doit être exceptionnelle… peut-être parce qu’on on ne peut pas surpasser les originaux…
Lu sur facebook :
Philippe Proust [à propos de "On the road again"] :
Le seul morceau à peu près acceptable (mais dispensable) de cet album totalement indigeste. Qui nous a foutu ces couches épaisses de violonades insupportables ? C’est pour le prochain Disney ?
Ces arrangements sont une horreur !! D’autres s’en sont beaucoup mieux sortis.
Je me lave les oreilles avec les versions originales.