Rémo Gary & Cie : « Foutez-nous la paix ! »
La Révole, 11 novembre 2023, Théâtre municipal de Bourg-en-Bresse,
Un onze novembre au ciel bien terne, pluvieux. Il y a foule sur le parvis du théâtre dont le fronton s’orne d’une banderole sans ambiguïté aucune : « Foutez-nous la paix ! » En ce 105e anniversaire de l’armistice, le slogan est plus que jamais d’actualité, face à nos médias et politiques va-t-en guerre. Le public vient de partout, de Nancy ou de Marseille, de Lyon ou de Bordeaux, des Deux-Sèvres, de Belgique ou de Suisse. De partout vous dis-je. Et il n’est pas sûr que tout le monde trouve place.
Dix ans après sa Jubilation (son jubilé, sa retraite), encore dans nos mémoires, Rémo Gary récidive. C’est le regain, la Révole (« c’est comme ça que l’on dit ici quand on fauche une deuxième fenaison »), un bis bien venu, en se disant qu’il nous fera bien un ter. Un ter pas minable il va de soi.
Tout un après-midi ensemble, fait de chansons. Pas celles pour tuer le temps, pour nous abrutir, non : celles qui lèvent le poing, se dressent en haut des barricades, osent prendre la parole pour en quelque sorte dire guerre à la guerre, à un moment où on nous enjoint de nous taire, où on nous culpabilise, où on nous darmanise. Bien sûr, tous ici pensent à Gaza, où le colonisateur bafoué éructe de haine et de vengeance. Tous ici pensent à l’Ukraine pareillement, autre territoire qu’on tente de rayer de la carte. « Et puis voilà que c’est la guerre / Le monde a changé de couleur / Et puis voilà que c’est la guerre / Le monde a changé de douleur » chantera Michèle Bernard.
Nous ne ferons pas le compte-rendu de cet après-midi : peut-on faire le procès-verbal de l’émotion, du talent, du total engagement ? J’en laisse le soin à la DCRI, le renseignement français.
Vous le savez, on ne va pas vers Gary pour entendre une sirupeuse chansonnette, formatée, aseptisée. « Pas de crânes cassés / Ni d’hommes pansés / Pas de peuples cabossés / Pas de larmes versées / Ou, en tous cas, guère / On mourra bien sans la guerre » entre-t-il en scène avec pour complice Romain Didier, au piano. Suivront les collègues et complices, d’un même ton, même combat. Des Yvan Dautin, Mona Heftre, Thomas Pitiot, Rimé Mc, Hélène Maurice, Lily Luca, Michèle Bernard, Thibaud Defever, Henri Courseaux…
Avec des points d’orgue, oui, mais lesquels ? il y en eu tant. Si, permettez : Jeanne Garraud reprenant Une sorcière comme les autres de l’absente qu’est Anne Sylvestre, l’émotion fut plus que partagée, énorme.
La chanson est engagement, elle est par nature, par l’histoire, politique, chacun ici en est convaincu : on vient en connaissance de cause. Pourtant Rémo, pour qui « notre parole n’a pas besoin de sécurité mais de liberté » va plus loin encore en invitant un de ses camarades de lutte pour un discours résolu, contre la guerre il va de soi. Raisonnement implacable, sans doute un des plus grands moments de ce rassemblement, nourri d’applaudissements. Autres interventions parlées : un sketch anti-papal d’Henri Courseaux et une mini-conférence de l’universitaire Stéphane Hirschi, sur la chanson et la guerre, histoire de bien resituer.
Une exemplaire chorale de vingt-et-une dames, Des Femmes chantent ; Michèle Bernard en duos avec Rémo ; du Bakounine et du Prévert, du Lacenaire, du Louise Michel, un Henri Tachan aussi… non, il m’est impossible de tout restituer, tout consigner. Il n’y avait ni Arte ni aucun média pour témoigner. Absents, Manoukian et Nagui ne sauront toujours pas ce que « chanson engagée » veut dire. Et il n’est pas sûr que la manif nationale et institutionnelle du lendemain ait eu autant de force et de détermination dans la voix : verrait-on défiler les présidents des deux chambres pour supprimer les guerres ? Ce serait désarmant.
« Non, non, plus de combats ! / La guerre est une boucherie / Ici, comme là-bas / Les hommes n’ont qu’une patrie / Non, non, plus de combats ! / La guerre fait trop de misères / Aimons-nous, peuples d’ici-bas / Ne nous tuons plus entre frères ! » Cette chanson, anonyme, est de 1917, écrite lors des mutineries dans les tranchées. C’est par elle que s’est achevé ce rendez-vous de Rémo Gary.
Merci, merci Rémo pour ce slogan. Peut-on lier à la marche pour la paix de dimanche , je ne sais pas trop. En tout cas il me semble préférable de marcher pour… et pas contre l’…. ou contre les …