Nicolas Fraissinet « Comptes d’été »
Allongés sous la treille
L’humeur en balancelle
Le corps alangui
L’humeur en balancelle
Résistant au réveil
Le corps endormi
Résistant au réveil
Le soleil en séquelle
Le corps engourdi
Le soleil en séquelle
Nos peaux foncent pareil
Le corps anobli
Nicolas Fraissinet
Paroles et Musique Nicolas Fraissinet. Extrait de l’album « Cordes sensibles » (2023)
Une des premières chansons de Nicolas Fraissinet, qui figure uniquement dans un EP puis un album promo de 2006. Malgré la douceur première de la ritournelle au soleil, la musique s’emballe en tourbillon, et il y règle ses comptes avec une partenaire avec qui, finalement, il ne passera pas sa vie « La rumeur de nos cœurs qui se rayent (…) Je crois à l’avenir de nos futurs soupirs (…) Je crois à ces voies où nos corps se déchirent / Oh, donne-moi encore de quoi me dévêtir / De toi ».
Cette chanson a été retenue parmi les six titres arrangés en piano-voix-violon pour le dernier spectacle de Nicolas, tel que je l’ai vu à Avignon (inoubliable), avec la violoniste Rosalie Hartog, qui a eu tant de succès, pour être gravé sur le marbre…numérique. Il ne s’agit pas d’une captation en concert mais d’un réenregistrement en studio effectué dans les conditions du « Live ».
On y retrouve la dualité de Nicolas, avec ce Voyageur, de l’album Métamorphoses, 2011, qui « abonne [s]a vie aux absents », et pourtant, cette fois-ci, croit encore à un retour « Pourtant ton cœur demeure mon seul orient / Dis-moi encore que tu m’attends »- les pérégrinations y sont soulignées par les cordes du violon, dialoguant subtilement avec les notes du piano ; mais aussi ces Pensées poulpes : « Je vis en arrière je marche à l’envers de tout / que pourrais-je y faire si je n’ai pas la manière pour vous » dont le violon tourbillonnant, mélodique puis grinçant, souligne le côté drôlatique. Voyeurs (2017) « Je regarde ton image / Dans la serrure / Je découvre l’intérieur / De ta doublure » issu de l’album éponyme, se fait moins sulfureux qu’à l’origine, plutôt acteur d’un jeu à deux passionné.
La fée est une poignante déclaration – jouée au seul piano dans l’album Courants d’air (2014) – d’une jeune anorexique *: « Je ne mange pas / C’est au delà du corps que je refuse tout ça / Je vomis même la mort / Mes parents n’ont rien à faire dans cette vie qu’il m’ont donnée / Mais je voudrais qu’ils s’y intéressent ou qu’ils la reprennent à jamais » où le violon ne pleure qu’en final, s’éteignant en discrètes notes pincées.
À la suite d’un incident de santé, Nicolas Fraissinet ne pourra défendre sur scène à Genève les 1er et 2 décembre ces nouvelles versions de ses chansons tel qu’il le prévoyait, mais cet album permet à ceux qui n’ont pas eu la chance de l’applaudir à Avignon, de se rendre compte de la force et de l’émotion qui se dégagent de ce parfait accord entre le pianiste et la violoniste. Renouvelant ses chansons, leur donnant, à deux seulement, une ampleur toute symphonique, presque épique, tout en soulignant la cohérence de son répertoire.
En attendant de le revoir le plus tôt possible sur scène, il vous faudra commander cet album pour écouter l’ultime chanson, également de 2014, Le silence, et son extraordinaire introduction en solo violon, où à l’orage succède une amère douceur : « Le silence un ange passe et nous blesse / D’une absence fausseuse d’allégresse ».
* Cette chanson a été retenue comme entrée en matière pour des jeunes en souffrance en établissement scolaire
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