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L’insolite mais logique rencontre entre Pierre Mac Orlan et Bernard Ascal

 

Bernard Ascal (copie d'écran)

Bernard Ascal (copie d’écran)

C’est peu dire si Bernard Ascal a de la suite dans les idées : il y a six ans, il nous sortait chez EPM Pâtisseries mécaniques, un disque de « chansons inattendues » de Pierre Mac Orlan et, l’année suivante, nous disait et chantait les Écrits de guerre du soldat Pierre Mac Orlan. Peu de temps après il sortait simultanément aux éditions Rhubarbe L’Amateur de billes, un recueil de nouvelles, et chez EPM, ses Chansons du gai désastre, les deux dans le même ton ou presque. Un ton très macorlanien, « qui peut se réclamer du fantastique social », selon Evelyne Baron, la directrice du musée de Seine-et-Marne. Et de lui proposer une lecture croisée de ses textes et ceux de Mac Orlan. Voici donc la genèse de cet album, dix-septième d’Ascal si mon compte est bon.

On ne vous présentera pas ici Mac Orlan (Wikipédia le fait bien mieux que nous). Soulignons la proximité, la prolixité aussi de nos deux héros, Mac Orlan et Ascal : deux insatiables de la création, remettant tout le temps leur travail sur le métier, quelques en soient le support : peintre, écrivain (poèmes et proses brèves), musicien, compositeur, parolier, chanteur, metteur en Musique de poètes et directeur de collection chez EPM pour Ascal ; écrivain prolifique (même de littérature érotique), essayiste, auteur de poèmes et de chansons, inspirateur au cinéma… Deux singuliers personnages, aux climats particuliers. A distance certes (Mac Orlan est décédé en 1970) les deux se devaient de se rencontrer : quand il y a des gènes communs, il y a notre plaisir. On pourrait presque parler de répertoire commun : à l’écoute de ce nouvel album, c’est trompeur. L’un est l’autre et vice versa, tant que c’en est surprenant.

CD Ascal Mac OrlanIl y a donc à dire et à chanter dans cet opus. Mais rien à redire : c’est prenant, j’ose dire captivant. Rien n’est semblable au commun des disques « de chansons », les musiques (de Loïc Roignant, aux batterie et claviers, et de Gaël Ascal, aux basse, électronique et claviers) sont improvisées, qui ne se calent pas sur de sages partitions de papier, rétives elles-aussi. Elles se mêlent au fantastique familier qui ici règne en maître.

Malade, fatigué, Bernard Ascal avait peur pour sa voix, qu’elle se dégrade d’une séance d’enregistrement l’autre. Mais elle est bien celle qu’on connaît, âgée et granuleuse, tout sauf lisse, qu’on devine à l’unisson de la commissure des lèvres : maligne et souriante. Un beau conteur, de ceux qui ne peuvent que ravir nos soirées (préférez l’écoute de cet album le soir devant la cheminée, comme jadis on le faisait devant la TSF…). L’enregistrement lui même s’amuse à quelques facéties à l’unisson de nos trois artistes : tout confère du singulier à des textes et chansons qui le sont déjà. Des tranches de vie brossées de manière singulière, vues par le petit bout de la lorgnette, fût-ce par le jardinage, la feuille d’impôts, le photographe comme le marchand de glaces ou un devin scientifique… « Balloté entre des règles sociales au service d’un monde meilleur, des violences rassurantes à force d’être organisées et quelques désirs pas tout à fait avouables… » précise le sticker collé sur le disque. Drôles d’écritures, qui effectivement cochent la case « fantastique social » où le monstre administratif est souvent au coin du bois, glacé et stupide. Du pur Mac Orlan, du pur Ascal, vous dis-je. Il y a foule sur cette galette, au gré des dix-neuf plages : Où suis-je dans cette foule ? se questionnent d’une même voix nos deux complices.

Jamais le grand public ne connaîtra ce disque singulier qui est sans doute réservé à une écoute raffinée, curieuse, privilège de gens d’un minimum de culture. C’est dire si nous le conseillons à nos lecteurs : dieu qu’il est agréable de quitter une heure durant routes et chemins tout tracés, et de se laisse bercer et surprendre en des propos et notes insolites, en des fictions surréalistes qui ne le sont pas tout à fait.

 

Bernard Ascal, Où suis-je dans cette foule ?, EPM 2023. Le site de Bernard Ascal, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

 

Pas de vidéo correspondant à cet enregistrement

 

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