60e anniversaire de la mort de Piaf : NosEnchanteurs passe au crible trois ouvrages sur la chanteuse
On le sait, les éditeurs sont loin d’être des militants. Frileux comme pas deux, ils ne prennent plus aucun risque et ne publient que s’ils sont raisonnablement assurés de faire de confortables ventes : jusqu’à ce jour, l’anniversaire des stars leur a toujours été une occasion bénie. Voici donc un raisonnable nouveau déluge de livres sur Piaf, nouveautés comme rééditions, à l’occasion du soixantième anniversaire de son trépas. Bien moins cependant qu’il y a dix ans : immanquablement la veine se tarit. Nous avons tiré du lot trois ouvrages (parmi lesquels un autoproduit). Un d’eux fait débat en notre sein.
Piaf, bilan et compte d’exploitation !
C’est un livre qui ne se substitue à aucun autre, ne fait pas doublon, ne ressasse pas ce que l’on sait déjà. Et devrait satisfaire plus d’un amateur de l’œuvre d’Édith Piaf, même et surtout les plus sourcilleux. Il est comme état des lieux de la chanteuse, non pas uniquement dans le territoire étriqué de l’Hexagone, mais dans tous les pays (continent américain, Europe de l’Est, etc) où elle mit les pieds, posa son chant et su émouvoir le public. D’un coup (en fait d’un pavé de pas loin de six cents pages) son chant d’investigation grandit à nos yeux et gagne un peu de l’universel, ce qu’intuitivement nous nous doutions. Le travail conjugué de notre ami, chanteur et musicien, le Québécois Steve Normandin et du Hongrois László Pusztai (un spécialiste des finances et de la comptabilité !), à sa manière comptable de l’œuvre de la chanteuse, travail de bénédictins s’il en est, est un pavé dans la mare qui sans mal domine la production éditoriale de ce soixantième anniversaire de la môme Piaf.
C’est un catalogue, rien que le terme pourrait nous effrayer : paradoxalement il nous comble de joie, car ne peut que satisfaire notre curiosité, fourmillant à chaque page d’informations, de précisions, de curiosités, sans compter – ce n’est pas le moindre de l’intérêt de cet ouvrage – des photos rares. Tout y est répertorié, les moindres faits et gestes, et toute la discographie, révisée et expliquée, qui au passage rend caduques tous les parties discographies de tous les précédents ouvrages sur Piaf. À la manière d’archéologues, Normandin et Pusztai recensent et dénichent les pièces, les expertisent, les resituent dans leur exacte chronologie, les commentent avec la précision d’horlogers suisses.
Reste que l’épicentre de ce livre est le Canada – particulièrement le Québec – pour une chanteuse qui lorgne à en loucher sur le voisin états-unien. Quelle que soit la qualité de leurs travaux, l’approche des multiples biographes de Piaf ne s’est que peu ou pas hasardé au-delà de l’Hexagone, tout au plus évoquant la dramaturgie américaine dans un mélo convenu. Steve Normandin n’a pas hésité à tout fouiller, à hanter les bibliothèques et archives américaines et, têtu, obstiné, à s’accrocher à chaque détail. Le résultat est probant, impressionnant même.
De son côté László Pusztai analyse le mythe Piaf en Europe de l’Est, voyant en notre chanteuse pas moins qu’« une brèche dans le rideau de fer » : les communistes bannissent toute forme d’art qui peut venir de l’Ouest. La radio hongroise subit donc cette censure. Néanmoins il existe des artistes « tolérés », sorte de « filtre hongrois » indépendant du régime qui favorisait la diffusion de quelques artistes étrangers : Édith Piaf figurait parmi ces rares vedettes. Des anecdotes de ce genre, et quel que soit le pays, ce livre en fourmille et rend attrayant, passionnant même, cet exercice comptable qui couvre la période de 1935 à maintenant.
Notons que la préface de cet ouvrage est signé par Isabelle Boulay, qui évoque ce jour où la voix de Piaf l’a littéralement traversée. MICHEL KEMPER.
Steve Normandin et László Pusztai, Édith Piaf, l’icône méconnue, 2023, publié en France par Hermann Éditeurs. 542 pages, 37 €.
« Piaf, un cri vers Dieu » : le pour et le contre
« Édith Piaf a exprimé le cri de l’humanité. » C’est un témoignage empathique et bienvenu que livre le comédien Pierre Fesquet pour accompagner le soixantième anniversaire de la mort d’Édith Piaf. L’essayiste et dramaturge met en lumière l’empreinte de la foi chrétienne de la chanteuse sur sa vie et ses engagements. De nombreux échos confirment cette foi inscrite au cœur d’une vie d’artiste aux accents tourmentés et marquée par nombre de circonstances douloureuses. Plusieurs chansons explicites de son répertoire l’illustrent. L’auteur évoque tout spécialement dans un style fervent et clair la dévotion qu’Édith Piaf portait à Sainte-Thérèse de Lisieux alors que la petite Édith souffrait d’une grave maladie oculaire. Comme l’a écrit son ami Jean Cocteau, « Chaque fois qu’elle chante, on dirait qu’elle arrache son âme pour la dernière fois ». Un portrait spirituel qui donne l’occasion de réécouter nombre des titres d’Édith Piaf. ROBERT MIGLIORINI.
Pierre Fesquet, Piaf, un cri vers Dieu. Éditions Salvator. 152 p. 15,90 €
Un livre sur Piaf et Dieu, sur le rapport de la chanteuse à Jésus et Sainte-Thérèse, pourquoi pas ? L’Édith a tellement chanté sa foi (« Si un jour je perdais la foi, je ne pourrais plus chanter » disait-elle) que c’est une des entrées possible, pertinente même, pour l’aborder. Le sujet n’est d’ailleurs pas nouveau qui, en d’autres biographies, a déjà été plus ou moins abordé. Mais la croyance, le spirituel, sont des sujets assez sensibles pour qu’on n’en rajoute pas : Piaf elle-même a tellement participé à sa légende, son mythe, que cette approche sur la religion réclame un peu de sérieux. Patatras, dès la première page, deuxième ligne, Pierre Fesquet tombe dans le faux et l’usage du faux : faut-il redire encore, notamment à cet auteur qui aurait été bien inspiré de vérifier, que, non, Piaf n’est pas née dans la rue « devant le 72 rue de Belleville » sur « un trottoir glacial », recueillie « dans la pèlerine d’un agent de police » mais bien née dans une maternité, celle de l’hôpital Tenon : c’est attesté dans les registres de l’établissement, avec la date, l’heure de l’accouchement, le numéro du lit et le nom de la sage-femme. Quand on parle de croyance, qu’au moins ce qui est fiable, factuel (un certificat de naissance, ce n’est pas rien) soit respecté. Une telle absurdité dès l’entame du bouquin le déconsidère, ne donnant pas envie d’aller plus loin. Surtout pas sur ces pages où le « miracle de Lisieux » (en fait une kératite alors soignée et guérie médicalement) est relaté sans l’élémentaire distance critique que pourtant il requiert. Si l’auteur se moque à ce point de ce qui est fiable car vérifié, comment voulez-vous croire la suite, qui ne tient qu’à la foi, à l’infiniment fragile ? MICHEL KEMPER.
Droit de réponse droit de réponse à Monsieur Kemper suite à sa critique sur mon livre « Piaf un cri vers Dieu » sur le site « NosEnchanteurs »
Auteur du livre : « Piaf, un cri vers Dieu », je me permets un droit de réponse face à la « critique », véritable tissu de mensonges de Michel Kemper. En première page, j’écris bien : « La LÉGENDE fait naître Piaf sous la voûte des cieux ». En page 2, je précise sa naissance à l’hôpital Tenon, à 10 heures 30.
Or monsieur Kemper sous-entend que je n’évoque pas cette naissance à Tenon, mais dans la rue… Il fallait tourner la page, cher Monsieur. N’ayez pas peur ! Ce bouquin n’a pas été écrit à l’eau bénite mais à l’encre, avec mon cœur au bout de la plume. La preuve ? Les lecteurs le ressentent, puisque 2000 exemplaires ont été vendus en trois semaines.
Quant à la rencontre entre Édith et Thérèse de Lisieux on peut dire qu’elle est miraculeuse. Que me vaut ce ton inquisiteur de votre part ? Pour préparer ce livre, j’ai rencontré Hugues Vassal, photographe d’Édith. Cette dernière lui parlait souvent de sa guérison oculaire qu’elle considérait comme miraculeuse : « J’étais aveugle et je vois ! » Comme Michael Lonsdale, avec qui j’ai travaillé, elle avait senti un parfum de roses, durant sa prière à Thérèse. Jacqueline Boyer (fille de Jacques Pills) qui priait, parfois, aux côtés d’Édith face à l’effigie de la sainte de Lisieux m’a confirmé la dévotion bouleversante de la chanteuse pour la sainte de Lisieux. Tout comme Charles Dumont ou Marc Herrand, un des Compagnons de la Chanson qui harmonisa : « Les Trois Cloches ».
Quant au message laissé, sous votre critique, par un de vos lecteurs qui évoque « les punaises de sacristie », je suis de l’avis de ce Monsieur, je les déteste. Mon grand-père, résistant pendant la guerre a été dénoncé par le sacristain de sa paroisse… À bon entendeur, salut !
Piaf, le cri du cœur de Quinonéro
Nos lecteurs savent le sérieux du biographe Frédéric Quinonéro, dont nous avons souvent chroniqué les ouvrages. Son Piaf (Édith Piaf, le temps d’illuminer…) publié en 2008 aux éditions Carpentier n’était plus disponible : cette réédition (autoproduite) remaniée est opportune.
Avec précision et honnêteté, Quinonéro relate la vie de Piaf, tout en faisant la part des choses entre le factuel et la légende, évitant l’écueil facile du conte de fait. Et ça n’en est pas moins passionnant, qui plus est d’une écriture fluide : ces presque quatre cents pages se lisent sans monotonie. On a beau grosso modo connaître par cœur le parcours de la chanteuse tant il a été déjà narré, le plus de ce livre est que ces pages sont étonnamment vivantes, qu’elles s’animent sous nos yeux de lecteurs. Qu’on n’en perd pas une miette. « Je ne regrette rien. Rien de tout ce qui s’est passé. Parce que ça m’a servi d’expérience. L’expérience pour pouvoir exprimer, ressentir tous les sentiments puisque je suis passé par tout » résumait-elle peu avant sa disparition. Quinonéro retrace ses « expériences » en une dramaturgie maîtrisée, chaleureuse, sans ces excès de zèle et effets de manche souvent reprochés, et à juste titre, à pas mal de biographes de la dame.
L’autre intérêt, et pas le moindre, de ce passionnant ouvrage, est la généreuse préface d’une certaine Juliette Nourredine, celle qui chérit tant les rimes féminines : quatre pages de haut vol. Extrait : « Piaf, qui fit d’un mot d’argot, d’un nom d’oiseau, choisi par son premier Pygmalion, un nom propre connu du monde entier. Elle incarne un art totalement, et bien peu peuvent s’enorgueillir de cette incarnation décidée par le seul juge imprévisible qu’est le public : le fado portugais est Amalia Rodrigues, la musique orientale est Oum Kalsoum, le blues est Billie Holliday. L’opéra lui-même, peut-il exister sans Maria Callas ? Encore aujourd’hui pour de lointains peuples de lointaines contrées, la chanson française c’est elle. » MICHEL KEMPER.
Frédéric Quinonéro, Piaf, cris du cœur, La Libre édition 2023, 393 pages, 20 euros. Disponible sur Amazon et sur le site BoD.
Il semble que le livre de Pierre Fesquet soit un livre militant qui ne s’embarrasse pas de connaissances biographiques pour faire une démonstration très orientée… Les punaises de sacristie ont assez vilipendé cette pécheresse, voleuse de maris pour mettre quelques bémols à ce cri vers Dieu … Est-ce une forme de la foi du charbonnier qui … suite avec Brassens ..