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Clara Ysé, entre douleur et douceur

Clara Ysée (photo non créditée)

Clara Ysée (capture vidéo Verena Paravel / Lucien Castaing-Taylor)

Clara Ysé prend son temps. C’est en 2019 que nous avons fait la connaissance de cette jeune auteure-compositrice, par un EP de six titres et sa chanson-titre, Le Monde s’est dédoublé. Il lui aura fallu encore quatre ans pour passer à la vitesse supérieure et nous offrir son premier album, publié sur l’excellentissime label Tôt ou Tard. A l’écoute des chansons, on ne s’en étonnera cependant pas, tant celles-ci ont des allures d’intemporalité, semblant se moquer d’être à la mode, se riant des frontières musicales, visant à l’universalité. Alors, un peu plus tôt ou un peu plus tard…

Le disque s’intitule Oceano nox. Le dossier de presse nous apprend que ces termes latins sont puisés dans un vers de l’Énéide de Virgile, « Et ruit oceano nox » (« Et la nuit s’élance de l’océan »). De la part d’une artiste – par ailleurs romancière également – ayant emprunté son pseudonyme à l’héroïne du Partage de Midi de Claudel, la référence littéraire ne surprend guère. Pas plus que la haute teneur poétique des paroles, qui fuient la trivialité du quotidien pour nous emmener au loin, où tout n’est qu’émotion, raffinement et intelligence.

65BC3D94-0CAD-40D6-A34A-93A11CACBC41Bienvenue alors dans un monde d’images puissantes et de mots intenses. Un univers éminemment personnel, fait de douleur partagée, de colère rentrée, d’onirisme libérateur. Le cri d’une artiste trop bien élevée pour nous déranger, trop polie pour nous apitoyer, trop forte pour flancher. Chez Clara Ysé, la révolte s’exprime à demi-mot (Sens-tu venir la folie ? / Elle nous saisit / Et l’ancien mode tremble), le malheur n’interdit pas la dignité (Vous êtes souveraines / Femmes qui côtoyez la haine) et la douceur apparente s’avère trompeuse (Si tu savais la haine qui coule dans mes veines / Tu aurais peur). La mort vient en aide aux vivants (Si un jour tu décides de t’offrir au vide / Tu seras mon étoile / Je hisserai les voiles), même si l’absence est lourde à porter (Mais va-t-il arriver / Ce temps espéré / Où tu cesseras de me manquer ?) et le chagrin immense (Comment garder la joie de vivre / J’ai oublié, rappelle-moi).

Cette nuit mêlée d’océan, nous la traversons sur des musiques élégantes aux accents orientaux. Les arrangements sont riches et variés, convoquant la modernité des synthés et la tradition des cordes ou des cuivres, quand le dépouillement d’un simple piano ne s’impose pas. Des chœurs viennent s’y ajouter parfois avec bonheur. Remarquable travail de sage à la co-réalisation (aux côtés de Clara Ysé elle-même) et de Renaud Letang au mixage, qui met singulièrement en valeur le chant ample ou intime de l’artiste, à la diction parfaite et au phrasé jazzy ou lyrique.

Oceano nox est un disque riche, dont plusieurs écoutes n’ont pas encore épuisé le plaisir de la découverte. Clara Ysé fait avec cet opus une entrée fracassante dans le monde de la chanson française, rangeant son siège entre ceux de Barbara et de Camille. Une grande et belle artiste est née.

 

Clara Ysé, Oceano nox, Tôt ou Tard, 2023. Le facebook de Clara Ysé, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

 

« Pyromanes » : Image de prévisualisation YouTube
« L’étoile » : Image de prévisualisation YouTube

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