Òai Star, punk-rock aïolisé
Difficile de suivre le parcours de Laurent Garibaldi, alias Gari Grèu, l’âme du Massilia Sound System, tant le troubadour marseillais a lancé de projets en collaboration, je dirais même en communion avec d’autres artistes. Un appétit de sons, un appétit de mots, de partages et de rencontres : un appétit de vie tout simplement, même quand elle vous joue des tours, vous enlève vos compagnons de musique, rappelez-vous, Lux Botté pour le Massilia Sound System, Tartar pour le dernier album solo, Barka (Merci). Restent bien d’autres projets avec Moussu T, La rue Kétanou et le Collectif 13, On s’en tape avec Gabko…
Le Òia Star créé en 2000, projet déjanté à géométrie variable punk-rock-électro-reggae mâtiné de chanson occitane, s’était reformé en 2004 avec Lux B, et malgré le décès de celui-ci en 2008, avait continué bon an mal an, sortant huit albums jusqu’en 2016. Gari Grèu rencontre sur un court de tennis un musicien bosniaque immigré à Marseille, Neskho Hadzimuratovic. Qui lui envoie un instrumental ska-punk, qui deviendra sous la plume de Gari Faut secouer. L’emblème de sa philosophie :« Faut rêver, faut y aller tout le temps / Faut gueuler, s’embrasser tout le temps / Inventer, s’emballer tout le temps ». Et même quand on lève le poing« On fait gaffe à pas blesser les nuages ». Avec en invité le Mc Nansky Lamek, point final de cet album du retour, point de départ pour écrire les autres onze chansons.
On retrouve dans le groupe Gari et Neskho à la guitare, basse, claviers, Gabi alias Gabko le percussionniste et Vince le guitariste du duo On s’en tape, JaMin le mandoliniste varois ici à la guitare, et de nombreux musiciens aux cuivres, clavier et à la basse. Amoureux de la belle chanson française bien rangée, passez votre chemin, nous avons ici un rock bien gonflé à l’assent du sud, un lâcher-prise rock’n roll « bien fada », vous êtes prévenus « Rien ne pourra nous arrêter ». Il faut les voir sur scène et se laisser emporter par cette tornade de bonne humeur et de gros son. Mais en y prêtant un peu d’attention, vous trouverez de la profondeur, de la révolte, du beau texte et de la philosophie sous le défouloir. Et de belles surprises musicales.
Si le premier titre s’appelle ACDC, avec le sale gosse Mc Dadoo Daniel qui fut présent sur le sixième album du groupe, Foule Color, et sonne bien rock,« et je monte le son », il n’oublie pas de parler marseillais « aller s’estramasser / On vient s’engatser » et de finir en douceur « Là-haut c’est le cœur, y’a tous les grands frères et les vieux potos ». Jusqu’à s’imaginer au Hellfest, le fameux festival de hard rock et de métal extrême, convertissant les aficionados à la langue phocéenne, « Ils gueulent « boulègue » en faisant les cornes du diable / Ils ont pris un bain de pied de pastaga / Ils croient que « Mets les Watts » c’est Métallica ». Les hauts lieux marseillais de rock et métal, où on les voit souvent jouer ont même droit à leur chanson dédiée, À la maison hantée.
Le fond pourtant n’est pas oublié, si cet Animal aboie à la lune, il n’oublie pas de contester : « Liberé d’un iceberg, dopé par le e-commerce / Infecter Zuckerberg jusque dans son métaverse / Apple et patatra, ils sont tous contaminés / Et qui c’est qu’aura niqué la Silicon Valley ». Un texte révolutionnaire de Cadenel. Quant à Gari, il s’en prend vigoureusement aux « tenants d’idées crados » pour terminer par un vers digne de la tragédie classique : « C’est la merde hurle la salle / Elle vient décorer le mépris », s’adjoint plus légèrement la présence de Guillaume Meurice pour fustiger notre civilisation libérale dans un jeu radiophonique à peine caricaturé sur Radio Pizza, Le point commun, et cache ses préoccupations écologiques sous un conte-rock-rap avec le Mc Le Bast, Scarabée. Parce que finalement, tout ce qu’ils veulent, c’est échapper à toutes ses injonctions contradictoires, à cette démocratie qui dérape, « démocratère, démocramée », aux hystériques, aux fanatiques, à l’arnaqueur (…) l’exploiteur (…) l’oppresseur (…) l’affabulateur (…) « Heureusement il y a les doux dingues » qui ne demandent qu’une chose en des litanies électrisées-électrisantes, Fouta nobis pacem…
Oia Star, Zulu Oscar Bravo India, It’s Ok 2023. Le site de Gari Grèu, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Gari Greu, là.
« Faut secouer », L’Intermédiaire Marseille 2023
« Le point commun » clip 2023
« Fouta nobis pacem » clip 2022
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