Off Avignon 2023 : Adélys, la liberté porte un ciré jaune

11 juillet 2023, 19h30, Avignon à l’Arrache-Cœur

Étonnement de voir débarquer Adélys en ciré jaune et pantalon de survêtement, copie conforme de son affiche, dans la petite salle Barbara Weldens du théâtre, certes climatisée, mais dans un environnement plein cagnard, comme on dit en Provence, sans nul doute difficile à supporter pour la chanteuse normande. Qui en a vu d’autres au cours de ses nombreux voyages, cependant plus orientés au Nord : du Québec, où elle a donné de nombreux concerts, sur les traces de Klô Pelgag qui l’inspire, et rencontré la chanteuse Mell qui a produit son premier album. Et jusqu’en Laponie dont elle évoque ce lac glacé qui symbolise les peurs  de la vie mais aussi les désirs : « Sur les contours j’sentais d’lamour / Me suis donnée à Tornesträk ». En passant par « Bruxelles, Bruxelles, je pars en vélo / Je danse sur la selle / Comme l’avion tout là-haut ». En cours de spectacle Adélys enlèvera quand même son ciré fétiche pour être plus à l’aise dans sa danse, tout en expressivité corporelle.

Deuxième crainte, l’entendre amorcer son spectacle sur une simple bande-son, avec de temps en temps une intervention sur une petite console. Mais très vite Adélys, qui a une formation classique de piano au conservatoire, et même une expérience de chanteuse lyrique, sait faire oublier l’absence d’instruments plus complexes, fondant sa voix bien posée au son, nous emportant dans une performance jouée, dansée pour nous faire rentrer dans son univers. Le jaune de ses costumes est un signal, un appel.

Son monde est aussi féminin que féministe, aussi proche de la nature dont la dégradation l’inquiète que de la ville qui la fascine, et son passage à Ottawa chambre 703 lui fait soudain prendre conscience de la présence impalpable de l’Invisible, celle dont on a dit qu’elle n’était rien, la femme de ménage « immiscée / Dans nos paysages même les plus secrets » toujours de passage, toujours affairée, « à faire briller / À porter, à porter ».

TOUTES LES FENÊTRES ET LES RUISSEAUX l’album
Douze chansons pour prendre sa source dans la nature, la défendre contre les menaces, l’eau qui sèche, manque ou déborde (Écoutez le Nord), même si « Y a rien à faire, se laisser faire » (Le déluge).Lutter contre l’artificiel et les barrières : « Sous le bitume les racines opèrent / Et créent des réseaux sans aucune frontière / Tous reliés par les même ruisseaux / Les arbres se parlent sans dire un mot » (Calme comme un arbre).
Renaître nue, [se] fondre dans les eaux (Tornesträsk ), puiser les idées dans les souvenirs au fond des Tiroirs, gagner la liberté de L’araignée sur son fil, penser aux essentiels si humbles et si indispensables (Ottawa chambre 703) et rire de l’animal humain « au costume / De petit pantin (…) sans fil mais connecté » cet animal de type commercial qui se croit si important, si contraint pourtant (Lundi matin).
Mettre les voiles et partir à vélo (Bruxelles les voiles), ne pas être qu’un Corps et pourtant lâcher prise « J’aime quant tu visites en moi / Les rivières et les ruisseaux », bref tirer droit vers le ciel, « Sur mon balcon on voit la mer / Et le défilé des oiseaux (…) d’la poussière (…) J’ai envie de m’échapper (…) de voyager ».
Une quête de liberté qui se fait dans un bel équilibre musical entre claviers, basse et rythmes, boucles vocales et sonores, écrit et composé en voyage, enregistré à Bruxelles et Montréal, produit et arrangé par Mélanie Frisoli (Mell)

Entre standup, chanson, danse, avec le seul accessoire du tabouret roulant, qui fait manège, elle occupe l’espace avec un naturel, une expressivité qui met en valeur son regard original sur le monde, son écriture poétique qu’on n’a pas toujours l’habitude de trouver dans la chanson pop. Du sens, des sens, l’essence de la vie. Une énergie, une pulsion charnelle qui se mêle aux éléments, où l’eau est omniprésente, où le corps est libre et n’a pas envie d’être jaugé « j’ai pas envie d’être un décor » . S’abandonnant pourtant en un véritable orgasme musical, La montée des eaux : « Ça monte, ça monte / Crié, oui j’ai crié ». Pour finir a cappella, repris par le public : « Combien de pas faut-il pour regagner le monde, combien de pas dans la forêt profonde… »

 - Catherine LAUGIER

Adélys, Toutes les fenêtres et les ruisseaux, 2023 à paraître le 1er septembre.

Concert au Off d’Avignon donné du 7 au 29 juillet à l’Arrache-Cœur dans le cadre de Chanson Off en tournée 3C

Le site d’Adélys c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.

En concert le 19 août à Tarascon sur Ariège aux Estivades poétiques , autres dates sur son site.

« L’araignée » clip mai 2023 

« Ton corps » concert janvier 20 22 à Montréal