Antraigues 2023. Gyslain N. : la consécration !
15 juillet 2023, Festival Jean-Ferrat, Antraigues-sur-Volane,
L’an passé en scène ouverte et présentement sur la grande scène tant c’est une évidence : Gyslain N. fut sans doute le concert le plus fort de ce festival, le plus apprécié aussi (pauvre Auteuil qui passait derrière…).
Slam, chanson, on ne sait plus et peu importe. Il est des artistes qui estompent les frontières entre les genres.
Ce fut une commande spéciale du festival que de « chanter Ferrat et danser sous les bombes ». De quoi bomber le torse ? Nenni. L’humilité de cet artiste lui est seconde nature. Danser sous les bombes, c’est ce qu’il fait au quotidien, c’est même le titre de son récent album. Mais Ferrat… Chaque année, la grande scène accueille un chanteur, parfois un groupe, avec Ferrat pour feuille de route, élémentaire politesse envers celui qui repose à quelques centaines de mètres de là. Mais souvent dans des interprétations appliquées, sans beaucoup d’originalité, encore moins d’audace. Pour Gyslain N., reprendre Ferrat c’est « un peu comme toucher aux diadèmes de la Reine ». Il pénètre les textes, leur inocule son art où slam et chanson s’adoubent mutuellement, y diffuse une fabuleuse énergie, régénère ces chansons, n’en déplaise aux puristes. Ma môme, Nuit et Brouillard, On ne voit pas le temps passer… Nous redécouvrons Jean Ferrat, non forcément sous de nouveaux oripeaux mais quand même. Interprétations au-delà du respectable… impressionnantes ! Et que dire quand ce natif du Cameroun reprend Ma France, la fait sienne : « De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine / Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson… » Parenthèses sublimes au mitan d’un concert d’égal niveau : au-delà du brillant !
Comme Ferrat, comme Aragon, Gyslain N. ne chante pas pour passer le temps. Ses propos sont humanité, solidarité. Et dénonciation. Solaire, il « marche à la lumière des lucioles qui marquent mon chemin », trace un discours de sérénité, de dignité et de bon sens malgré que, comme nous, il « danse sous les bombes ». Il danse et le chante, avec lucidité et humanité.
Mi slams, mi chansons, ses textes sont de longues et captivantes poésies, hymen idéal de l’oral et de l’écrit : « On ira danser sous les bombes, on ira tanguer sous les ondes, on ira briller sous vos ombres, on ira, on ira… »
Dans un long discours, Gyslain revient sur ces événements qui tapissent l’actualité de ces derniers jours (faut-il rappeler à nos lecteurs tant les émeutes urbaines en réaction à l’assassinat d’un jeune par un policier que la meute politico-médiatique qui se rue sur la chanteuse Izia, ça et d’autres encore d’une France en pure folie ?) : nous sommes là à l’écouter, bouches bées, terrassés ou peu s’en fait de propos d’une grande sagesse, nous souhaitant à tous de guérir non de la sensibilité mais de la sensiblerie : « Âmes sensibles, ne vous abstenez surtout pas ! »
Antraigues a cru en Gyslain N. et a eu, en retour, le plus grand moment de ce festival, avec une ovation d’anthologie. On ne l’oubliera pas de sitôt.
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