Spa 2023. Retour vers le passé avec La Zarra
Francofolies de Spa, 21 juillet 2023,
Résumé de la situation : la chanteuse maroco-canadienne a sorti son premier album, Traîtrise, en 2021. Avec un gros succès à la clé, la chanson Tu t’en iras. Puis elle a été choisie pour représenter la France à l’Eurovision et là, les choses se sont gâtées : elle s’est chopé une réputation d’artiste capricieuse en loupant une émission préparatoire, ne s’est pas hissée – loin de là – aux premières places du podium et est ressortie du concours avec une image de mauvaise perdante pour avoir fait, face caméra, un geste de déception assimilé illico à un doigt d’honneur. Bref, à l’heure des réseaux sociaux omnipotents, un bad buzz de première catégorie !
Remercions donc les Francofolies de nous donner une belle occasion d’apprécier ses qualités artistiques, abstraction faite du toutim qui l’entoure.
Et donc, ça donne quoi ? L’impression étrange de plonger dans une autre époque ! Voir La Zarra, c’est un peu remonter le temps, retourner en arrière et retrouver les chanteuses élégantes qui donnaient des galas dans les salles des casinos. Avec une comparaison qui s’impose : La Zarra est la Dalida d’aujourd’hui.
Diva or not diva ? J’ignore évidemment tout de son comportement avec son entourage (peut-être est-elle réellement une ch*** de première !). Il est clair toutefois que son personnage artistique est entièrement bâti sur l’image sophistiquée de la femme fatale hollywoodienne, de la star iconique qui fait rêver les foules. Avec ce que cela suppose de distance calculée et de morgue affichée.
Rien que la tenue de scène en impose, à mille lieues des usages du jour : une longue robe fendue noire et blanche, classieuse et désuète à la fois. Ne manquait que le chapeau à la Geneviève de Fontenay ! Le dispositif scénique renforce cette image de la vedette inaccessible, avec ces 3 musiciens en fond de scène qui y resteront tout le concert (hormis un intermède où le guitariste gagne le droit de s’asseoir sur un tabouret près de la chanteuse). Sa gestuelle renvoie aussi à un temps révolu, avec ses mouvements amples et théâtraux, bien loin de la simplicité de rigueur de nos jours. Quant aux chansons, elles pourraient là aussi avoir été écrites il y a cinquante ans : des romances sentimentales pleines d’amours déçues, de rêves inachevés, de cœur en espérance… Rien d’honteux, mais rien de révolutionnaire non plus. De la variété de niveau supérieur.
Et pourtant, la soirée est belle. D’abord parce que ces chansons sont interprétées par quelqu’un qui sait chanter ! Une voix superbe et un chant varié. Ensuite parce que La Zarra se révèle très sympathique, riant sans cesse, s’adressant au public avec naturel et gentillesse, sans que l’on ressente à aucun moment qu’elle se force à cela. D’ailleurs, le concert fini, lorsque le public aura quitté les lieux, ne laissant qu’une petite dizaine de fans acharnés patientant devant la barrière, elle viendra en toute discrétion les saluer, échanger avec eux, se laisser prendre en photo à leur bras… Pas vraiment le comportement d’une star hautaine.
Soulignons aussi un point anecdotique, qui démontre à la fois l’importance donnée par la chanteuse à son look et son attention envers son entourage. Pour la première fois de ma longue vie de spectateur, j’ai en effet entendu un artiste, dans ses remerciements multiples de fin de concert (aux musiciens, aux techniciens, aux organisateurs, aux attachés de presse…), ajouter à la liste le nom de sa maquilleuse ! Chacun en pensera ce qu’il voudra, mais personnellement, cela m’a autant touché qu’amusé.
Avant d’achever sa prestation par ses deux tubes (Evidemment et Tu t’en iras, chanté en chœur par le public), La Zarra nous a gratifiés d’une chanson inédite, joyeusement funky, dans laquelle elle aborde avec humour ses mésaventures médiatiques. Le titre du morceau ? Diva. Une réponse au parfum féministe : les mêmes reproches lui auraient-ils été faits si elle avait été un homme ? Cela m’a rappelé une ancienne chanson en forme d’autoportrait humoristique, Comme disait Mistinguett, dans laquelle l’interprète faisait le relevé de ses prétendus défauts. C’est Dalida qui la chantait. Quand je vous disais qu’il y avait un cousinage évident…
Le site de La Zarra, c’est ici.
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