Corentin Coko, l’oiseau rare – Programmation Venelles 2023-24
Sauvé dans Catherine Laugier, Dossiers, En scène, Festivals, L'Équipe
Tags: Alissa Wenz, Anodine, Barbara Hammadi, Barjac 2023, Ben Herbert Larue, Chloé Lacan, Claire Luzi, Corentin Coko, Gérard Morel, Mehdi Krüger, Nawel Dombrowsky, Nouvelles, Off Avignon 2023, Pascal Mary, Romtom, Theophile, Thibaud Defever, Venelles, Véronique Pestel, Volo
Venelles, MJC Allain-Leprest, 8 avril 2023,
Cette date marque un tournant dans l’histoire de la MJC de Venelles. En effet, le précédent concert en février, celui de Pascal Mary, accompagné de Martin Le Ray au piano, dans ce très beau spectacle Du vide plein les poches, poétique, tragi-comique et si humain – dont nous vous avons parlé en 2021 à la sortie de l’album, et avant lors du spectacle au Off d’Avignon 2019 où il l’avait présenté – était le dernier à prendre place dans la salle de spectacle historique de la MJC. Cette Salle des Fêtes contiguë à la Mairie de Venelles que nous avons tellement fréquentée, où traîne le souvenir de ces artistes que nous aimons, qui y revenaient comme à la maison, et avant tout Allain Leprest lui-même. C’est donc avec un petit pincement au cœur que nous attendions le prochain spectacle.
Le tout nouveau Pôle culturel « L’étincelle » de Venelles, flambant neuf et récemment inauguré avec le Printemps des Musiciens, est un lieu polyvalent regroupant médiathèque, lieux de travail et de rencontre avec un atelier et un studio musical, un lieu de restauration, des espaces d’exposition et deux salles de spectacle, de cent (salle Grâce Kelly) et trois-cent cinquante places (salle Joséphine Baker) avec un jardin urbain et un patio.
Corentin Coko a été le premier, avec Barbara Hammadi au piano, à jouer dans la salle Grâce Kelly ce concert de son répertoire personnel, avec ce tout nouvel album sorti à l’automne, Un nom d’oiseau.
On le connaît comme accordéoniste, comédien, mime, chanteur engagé et œuvrant avec talent pour la sauvegarde du patrimoine historique et populaire de la chanson. Couté, Vian, les chansons de la Commune ou de 14-18, un spectacle autour de Toulouse-Lautrec, le cabaret des chansons oubliées (1930-1939) – ce sera ici Le Bouc à Nanon, chanson légère chantée par Berthe Silva dont il nous fera reprendre le refrain coquin – ou l’anti-capitaliste Eugène Pottier, père de l’Internationale qu’il nous jouera à deux doigts sur le piano de Barbara.
Mais Coko est aussi à la tête d’un répertoire personnel et singulier. Son « tube » de 2009, qu’il avait chanté il y a une dizaine d’années à la Salle des fêtes de la MJC, n’est-il pas titré Tango Des Organes Se Départageant Le Corps De L’Homme, comme un clin d’œil au surréalisme de Vian ? Vêtu de cet étrange costume dont le pantalon tient du pantalon de samouraï japonais avec une chemise rouge, la coiffure ébouriffée, Coko ne ressemble à personne d’autre et s’annonce d’emblée « Je viens ici comme un amant / Les mains assoiffées de tendresse / Le cœur qui frémit d’être sourd / Un chant dans l’âme à dessiner ».
Ce n’est pas à un concert chanson auquel nous avons assisté, mais à un spectacle complet, qui tient de la performance, du conte ou du récital de poésie, du slam, du standup, de l’illusionnisme, et de la chanson éternelle. Son accordéon, les percussions au pied, et la magnifique prestation de Barbara Hammadi, piano percutant, voix qui monte comme un chœur antique, et jouets musicaux, nous ravissent et nous emportent vers des univers aussi réalistes qu’imaginaires. Entre satire aiguisée de la société, et de ces Nouveaux messies , « Tous ces entrepreneurs / Ces patrons et ces politiques / Qui ne compt’nt pas leurs heures / Pour sauver notre République » – auquel répond en douceur La mort d’un globe, si visionnaire, de Pottier – entre empathie pour la putain de 53 ans victime de la société (on pense à Brassens, à Leprest, à Guillo…) et chansons d’amour sensuel « Belle ta peau / Plume tes dents / Lune, ton dos / Terre ton sang », il interpose ses récits, ses rencontres d’artistes, ses leçons de poésie malaise (un pantoum qui vous envoie aux étoiles)…
Coko, c’est un lyrique avec des mots simples, subtilement réunis, mélangeant rêves et réalité, sentiments et passions, un goût pour l’amour qui n’obéit pas aux conventions, et un bel art de la chute, des chansons douces et mélodiques susurrées à nos oreilles, aux chansons humoristiques ou satiriques corrosives clamées avec force. Laisser partir nous touche avec son enfance envolée, Les sirènes (oh le beau lamento de Barbara ! ), qui comme chacun ne le sait pas toujours, sont des oiseaux, mènent éternellement dans leurs rets un homme qui ressemble un peu à Brel. Les relations avec les femmes sont aussi traitées avec humour, quand le matérialisme rend mieux que la poésie, que le mariage (ou l’enfant) vous tombe dessus sans prévenir, ou que vous restez amoureux de la femme de votre vie, « ta mère », ou celle qui a vieilli, « Toi qu’étais belle / Tu veux qu’j'te dise ? / Tu l’es encore ».
C’est ce mélange de tendresse, et d’énergie de vie, de liberté qui nous fait tant aimer ce spectacle de Coko, sincère et vibrant. Une humanité, une présence scénique dans un parfait accord avec sa partenaire de scène, qui s’achèvera en deuxième rappel sur cette inquiète et belle Bouteille à la terre, très Leprestienne. Un oiseau rare qu’il vous faut absolument découvrir si ce n’est déjà fait, à recommander à tous vos programmateurs.
Le site de Corentin Coko, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Corentin Coko sera en concert au Festival Off d’Avignon à la Maison de la Poésie – Le figuier pourpre le 8 juillet à 10h pour une lecture poétique, puis pour le spectacle Un nom d’oiseau aux Scènes de Nuit à 23h30 les 9 et 10 juillet, et à Barjac m’enchante le 31 juillet et le 1er août à 11 heures au Jardin des papotages.
« Les nouveaux messies » clip EPM 25 novembre 2022
« T’étais si belle », Sérignan, 2014
Les deux spectacles qui achevaient la saison 2022-2023 montrent l’éclectisme bienvenu de la programmation :
Le 6 mai le groupe rock à texte Anodine qui alterne les configurations en trio, en duo (vus au Petit Duc à Aix où ils étaient en résidence en janvier), et celle plus rock en quartet, mit le feu à la salle et fit danser les spectateurs de tous âges. J’ai à titre personnel regretté la désinvolture du chanteur dans ses transitions entre les titres, et la difficulté à comprendre les paroles des textes dilués dans un déluge de décibels où même les instruments se confondent, alors que c’est un groupe qui a des choses à dire, que l’on comprenait fort bien en duo, ou même en trio. Heureusement certains passages plus calmes permettent d’entendre, par exemple, « Et même un jour de pluie / Et même une ombre blême / Et même l’instant fragile / Aurait rendu les armes …». On saisit qu’on nous parle de temps, d’addiction à l’alcool, d’ennui, de deuil… en une chanson rock-électro rageuse, brûlante et percutante, avec en références Bashung ou Thiefaine. Le quatuor est actuellement composé d’Arno Villenave le chanteur – guitariste, Fredo Faranda aux guitares, voix, Julien Kamoun à la batterie et Kévin Lecuyer à la basse. Eux ont l’air de bien s’amuser sur scène, c’est déjà ça. (Dans le cadre du dispositif Quart2Tour)
Le site d’Anodine, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Un EP sort en octobre, éponyme du titre Nuit blanche, financement en cours.
Le Cours qui galope bien en trio très rock pourtant, à Arles dans la vidéo ci-dessous était ce soir là inaudible… C’est ce réglage là que j’aurais aimé retrouver !
Le 3 juin Véronique Pestel présentait pour le dernier concert de la saison « Paroles de sages, femmes de paroles ». Un choix de mots de femmes libres, Yourcenar, Colette, Simone Weil, Harendt, Mnouchkine… et les siens propres. Je n’ai pu voir ce spectacle, mais Véronique Pestel sera au Festival Off d’Avignon pour un florilège de ses albums personnels, le Pest’of, du 7 au 10 juillet à 10h30 puis du 23 au 26 juillet à 18h30 à l’Incongru, nouvelle salle 56 rue de la Bonneterie (en face des Halles) .
Le site de Véronique Pestel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Bande annonce du Festival (il y a bien une vidéo sous cette image noire d’aperçu !) :
La MJC de Venelles ferme le 30 juin, régalez-vous d’avance avec le programme de la saison 2023-2024, les samedis.
9 septembre 2023 : Ben Herbert Larue (accordéon, ukulele), « Souffles », album 2023 avec Nicolas Josef Fabre aux clavier, bugle, beatbox et Xavier Milhou à la contrebasse. Sur une musique aussi baroque que contemporaine, fastueuse, Ben Herbert Larue et sa voix rocailleuse nous parle d’amitié, d’amour, du temps qui passe trop vite, de la vie, avec poésie, empathie, tendresse, émotion, humour, et un fabuleux goût des mots.
7 octobre 2023 : RECTIFICATIF le 1er août 2023 :
C’est Alissa Wenz qui sera programmée le 7 octobre, à la suite d’un empêchement de Théophile.
Relire notre article lors de son passage au Off d’Avignon le 11 juillet 2023.
Theophile « Abscisse ». Ce mini album fait suite en 2021 à deux précédents EP, il a été demi-finaliste au Prix Moustaki en 2020. Le tout jeune chanteur originaire d’Angers est un auteur-compositeur multi-instrumentiste qui joint inspiration poétique et musique contemporaine exigeante, pop-électro et lyrique en même temps, avec rythme, douceur et énergie. Il sait à merveille décrypter les sentiments intimes sans mièvrerie et l’on attend beaucoup de lui.
18 novembre 2023 : Nawel Dombrowsky « Les femmes à la cuisine ». Plus besoin de vous présenter Nawel , comédienne, chanteuse, militante humaniste, plébiscitée sur NosEnchanteurs, dans ce spectacle musical écrit et composé par Yanowski.
13 janvier 2024 : Romtom « Voyageur » Deuxième album juste sorti sous forme de quatre EP pour Romtom dont nous avons suivi la carrière pas à pas, aussi quel bonheur de le voir enfin sur scène avec ce projet particulièrement personnel et mélodieux !
3 février 2024 : Claire Luzi, musiques du monde brésilienne, choro. De formation piano classique puis mandoline corse, elle a participé à des groupes de musique brésilienne avec Cristiano Nascimento dans le cadre de La Roda. On la retrouve ici en quatuor féminin avec Karine Huet à l’accordéon, Vérioca à la guitare et au beatbox, Emilia Chamone aux percussions, autrice de ses textes où elle parle d’espoir, d’amour, d’égalité , d’écologie…
16 mars 2024 : Mehdi Krüger, avec Ostax à la guitare. D’origine allemande et algérienne, Mehdi Krüger fait danser des mots qui cognent et rêvent, à la jonction de la poésie, de la chanson et de la danse. Habitué des ateliers d’écriture, il participe aussi à des performances entre arts plastiques et cinéma. Son objectif est de « faire danser les penseurs et penser les danseurs ». Une émotion expressionniste qu’il faut éprouver sur scène.
6 avril 2024 : Volo « Avec son frère », une histoire de frangins dont le nom vient d’Ukraine, qui nous content la vie, l’amour, l’amitié, des expériences intimes, familiales mais aussi sociétales et le goût de refaire le monde.
25 mai 2024 : Chloé Lacan rencontre Thibaud Defever pour un hommage au cinéma, revisité de façon décalée, parti pour des suites insoupçonnées. On fait confiance à ces deux là pour toujours nous donner une nouvelle copie de leur art, entre tendresse, humour et poésie.
La saison se terminera le 8 juin par une soirée guinguette autour de Gérard Morel pour fêter les 20 ans de chanson française de la MJC. « La poésie dans l’assiette et dans l’oreille ». Ce devrait être roboratif à tous points de vue !
Le site de la MJC Allain Leprest à Venelles, c’est ici.
Alissa Wenz, « Météo bretonne », clip 2022
Programmation reportée :
Théophile, « Illusion », clip
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