Vincent Tronc, fête de la musique
« Je rigole / et pourtant je vois bien que tu ne trouves pas ça drôle / Pourtant je rigole / Et je sais que nous portons tous des casseroles (…) Au théâtre des hommes on s’éclate et on rit (…)
Drôle de scénario pour dire, quand on n’a plus le droit de rien dire et qu’on a chopé la vérole, puisqu’ils nous ont refilé le mauvais rôle, qu’ils nous ont coupé la parole.
Pour dire à ceux qui ont le monopole qu’ en fait, on en a rien à faire de vos belles tragédies, de vos sourires tristes, de vos gueules enfarinées, de vos chansons débiles, de votre foutu ciné, de votre transparence qui nous fait nous marrer, de votre politesse, de vos belles cravates, de votre science, de votre progrès, de vos belles idées et de vos beaux projets, de votre justice , de votre malice, de votre télé, de votre bêtise, de votre arrogance qui n’a plus de chance et de vos programmes.
Même vos rires sont programmés alors nous… nous on rigole, ça oui… on rigole ! »
Avec ce onzième album, comme à son habitude Vincent Tronc suit son chemin singulier sans se soucier des modes. De la mélodie issue du folk de ce monde petit, parce que nous en abusons, au cri de révolte de ce Je rigole, ne vaut-il pas mieux en rire quand tout vous déborde ? Ce long titre qui commence par un superbe instrumental, flûte, guitare vite rejointe par l’accordéon et le kalimba, nous fête la musique. Pourtant se transforme en coup de gueule, avant de méloper en réflexion douce et philosophique « Je rigole et mon rire jaillit comme une farandole, et je danse et je frôle » qui n’abdique pas son amertume… Un morceau qui se souvient sans doute de ces longues musiques de rock progressif que nous avons tant aimées, un film, une performance artistique… Qui fait encore des chansons de huit ou neuf minutes, dont chacune compte, tant par sa musique que par ses mots ?
Entre dit et chanté, le troubadour à la guitare ou à l’accordéon nous offre son sourire, sa poésie insolite pleine d’humour « J’ai du oublier le code secret de mon satellite », et sa voix réconfortante, même si cet album ne voit pas la vie en rose. Du trad au rock, du populaire éternel à la chanson poétique, Vincent Tronc fait tout tout seul, et le fait bien.
Mais vous avez bien compris que quand il dit que Tout va très bien, on peut le croire… comme on a cru Paul Misraki pour Ray Ventura et sa Marquise. « Tout est calme dans nos cœurs et dans nos âmes », mais le disque est rayé, et cette longue chanson nous laisse à penser… d’autant qu’après il nous l’affirme : C’est pas la fin du monde… Il y a du Génésis, du Pink Floyd dans cette musique, et je vous invite à vous laisser porter par ses notes… Plongez-vous dans cet étonnant bol de riz, aussi acéré qu’il est doux et mélodique. Je pourrais vous commenter chaque chanson tant elles sont toutes inventives, je vous laisse découvrir leur humour mordant et leur poésie. Ces mots là : « Cette fleur qui dit toujours des mots d’amour… » vous bercera de sa mélodie aquatique, flamenca. Comme le disait Dimey, comme le chantait Jehan, « J’ai tout vu, tout connu », mais lui c’est vrai, on dirait qu’il a tout inventé, le rock, l’électro, la chanson, le slam, la poésie…
Dans ce disque désabusé il y a aussi ce doux poème qui, s’il est le plus court de l’album, marque pourtant son empreinte, nous met du baume au cœur et de la tendresse au fond des yeux, Mon seul jardin secret. Vincent Tronc, ses talents de musicien multi-instrumentiste, sa poésie, son humour, sa rage incisive et contenue, mériteraient de toucher beaucoup plus de monde. Mais le business chaud emporte tout par le fond… Il nous reste, dans l’immense offre musicale techniquement à notre portée, à être curieux.
Vincent Tronc, »Tout va très bien » 2022. Au Théâtre des hommes, recueil de textes, chansons et poèmes, 2022. Le site de Vincent Tronc, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
J’ai pris grand plaisir à lire cet article et les paroles de Vincent Tronc à voix haute pour vivre mieux l’histoire dans laquelle il nous entraîne!
Merci !