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Mouhet 2023. Lantoine et Cousineau, mots et silences

François Pierron et Loïc Lantoine Photo Didier Kovacs

François Pierron et Loïc Lantoine (photo Didier Kovacs)

Festiv’en Marche, 29 mai 2023, Grange Fernand-Maillaud à Mouhet, 

 

Étrange mais somptueux plateau. On parlera tout autant de poésie que de chanson. De poésie chantée et de chanson pas chantée…

Elle, est la délicatesse même ; lui est plus dans la rugosité. Les deux font grand usage des silences qui, certes différemment, nourrissent leur propos.

Nous les connaissons, nous les aimons. De les voir se succéder sur la même scène est certes singulier, et passionnant. Commençons à l’envers, par le Lantoine, en d’étonnantes conversations, dont certaines à décrypter, cause au patois. Et si c’est patois, c’est l’autre : le parlé chti. On l’a parfois comparé à Couté du fait de sa rusticité, de son insolence, de comment il nous interpelle, de ses mots gorgés d’ivresse tant qu’à les tordre on récolterait le houblon. Ça faisait longtemps que je ne l’avait vu dans son format d’origine : avec François Pierron à la contrebasse. Retour à la source. Un Pierron qui, au-delà de son imposant instrument, participe pleinement au récital, chante même parfois, suppléant son copain et complice. Pour être sûr de retrouver ses mots à la même place que les fois précédentes, Loïc les a consignés sur papier et son regard lorgne souvent sur le pupitre. Ses titres peu connus, pas éventés, certes, et même parfois d’autres qu’il trimballe depuis mille ans, de ceux qui dans nos cœurs font Badaboum. A nouveau il hurle son indignation envers ceux qui disent du mal au Johnny, à celle qui lave son précieux vomi… A nouveau il cause, caquette, bruite, résonne, expose et explose. C’est du Lantoine millésimé, aux élucubrations à consommer sans modération. Surprenant cependant quand il fait longs silences, qu’il semble chercher sinon la saillie, au moins la répartie qui suit. Mais il retrouve le fil de ses pensées, fait la culbute et retombe sur les pieds de ses vers, parfois des millepattes.

 

Marion Cousineau (photo Nadine Le Roscouet)

Marion Cousineau (photo Nadine Le Roscouet)

Marion Cousineau est elle aussi conteuse-chanteuse. Elle aussi fait de ses silences l’entame ou la prolongation de ses chansons. La voix apaisée, d’une remarquable douceur, la franco-québécoise s’est cousu main un répertoire où chaque mot, chaque vers est redoutable précision, où tout explore l’émotion, avec retenue, dans un art étonnant qui vous laisse pantois.

Au piano, à la guitare ou a cappella, elle travaille le sensible, va dans le dedans des choses, explore. On peut avoir du mal à restituer un tel récital. Alors je pioche dans ce que j’ai déjà écrit sur elle : « Cousineau cherche à allumer la lumière, même dans ce qui est difficile. Rien n’est ici en surface : il faut entrer. L’opus n’est fait que d’empathie, de sensible, d’émotions. De ce monde, pour partie immuable, dont nous pouvons seulement changer le rapport à elles. « Dis-moi capitaine / Dis-moi vieux compère / Qu’arrive-t-il aux peines / Qu’on emmène en mer ? » Destinées de femmes, souvent […] Et nous, le souffle retenu, d’écouter chacune de ces chansons nues que seul vêt le choix des mots, nuancier d’élémentaire pudeur : la vie, la mort, l’amour, le viol, son corps : « Y un trou, là, au milieu / Non c’pas un trou c’est un nœud / Non c’pas un nœud c’est un puits / Où retombe chaque nuit / Ce dont je fais ce que je peux»

Parce que Leprest trône sur un des murs de la salle, Marion ose Sarments, jadis créée par Francesca Solleville, l’un des plus beaux moments de ce festival. Et nous gratifie d’un des titres qu’elle a offert au groupe Mes Souliers Sont Rouges : La Foi en l’homme, qu’elle garde envers et contre tout.

Un tel « concert » est en tout point unique. Chaque mot, chaque geste, chacun des silences. C’est au-delà du beau, on n’a pas encore inventé les mots pour qualifier Cousineau. Au sortir, on n’est plus tout à fait le même.

 

Le site de Marion Cousineau, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

Le facebook de Loïc Lantoine c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Loïc Lantoine à Lille avec François Pierron et Bastien Charlery en 2021 Image de prévisualisation YouTube
Marion Cousineau à Venelles en 2021 « Au milieu » Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Mouhet 2023. Lantoine et Cousineau, mots et silences

  1. Marc Pommier 7 juin 2023 à 14 h 28 min

    C ‘est du Loïc LANTOINE… Jamais pareil un Lantoine de l’instant… Il ne peut laisser indifférent même si j’ ai préféré ses spectacles vu il y a plusieurs années ! Parfois, les mots sortaient mal du micro et d’ autres moments le Lantoine revenait ! merveilleux François Pierron, un soutien incontestable pour Loic. Son « Papa » que je ne connaissais pas avait un côté perturbant mais ô combien écorché !!!

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