Mouhet 2023. Camerlynck, l’ami, le confident
Festiv’en Marche, 26 mai 2023, grange Fernand-Maillaud à Mouhet,
Qu’on l’appelle récital, tour de chant, concert ou autre terme encore, une soirée avec Christian Camerlynck est forcément autre chose. Bien sûr, il se retrouve sur scène, avec sa pianiste (Nathalie Fortin, prodigieuse complice), y fait le beau, chante, enchante et parle abondamment. Mais…
C’est par l’arrière de la salle qu’il se fraie un passage parmi le public : « J’aime tant vous entendre / Parler de chez vous. » Et de regarder, saluer chaque spectateur… Prise de contact pour celui qui va nous ouvrir sur l’instant son « cahier à souvenirs ». Vous n’y étiez peut-être pas, mais juré que ce livre est grand, vaste comme le monde, plein de gens, de vies. De bonheur, de mouvements aussi… Tel ce « Grand cerf-volant / Un côté rouge un côté blanc » qu’il emprunte, comme beaucoup d’autres, à son ami Gilles Vigneault. C’est même un florilège de chansons du natif de Natashquan : Camerlynck poursuit son oeuvre de « réintroduction » de Gilles Vigneault dans l’écosystème de la chanson en France : il y a peu, plus aucun de ses disques n’y était encore disponible ; Camerlynck a su convaincre le label EPM d’abord de l’édition d’une anthologie, puis d’autres disques, et ce bien beau double CD, Amis de bel ouvrage dont ce spectacle est tiré. Des chansons-poèmes de Gilles Vigneault « et de sa parentèle », à savoir Jacques Debronckart (A quoi tu joues, Adélaïde, En moi, Je suis la femme), Anne Sylvestre (Avec toi le déluge, Une sorcière comme les autres), Michel Bühler (Chanson de l’attente), Félix Leclerc (En attendant l’enfant, Le Tour de l’île) et Laurent Sillano (Nous mourrons riches, Se défaire).
A peine récital, dis-je : le propos de Camerlynck amène naturellement les chansons et poèmes, comme aux détours d’une longue conversation. Car l’artiste n’est pas que chanteur, il est conteur, qui plus est merveilleux, qui fait de nous ses complices d’émotions, nouveaux détenteurs de ses incroyables souvenirs : « Partager avec vous, c’est notre seule ambition ». Là, il parle pour deux, Nathalie Fortin et lui. Nathalie qui complète, corrige, rapproche, reproche même, commente, dialogue avec lui, avec le public aussi, comme le ferait un Jiminy Cricket rivé à son piano.
Jack Monoloy, Pendant que, Mon pays, Les Gens de mon pays, Berlu, J’ai mal à la terre… enfin Vigneault se chante de nouveau sur une scène de l’Hexagone et ça fait un bien fou. C’est nature, sincère et généreux et ça, Camerlynck le restitue à merveille. Dans le boubou africain en waox qui l’habille, l’hiver du Québec se pare d’une chaleur inédite, précieuse.
Mouhet a vécu là une de ses grandes soirées, tant que les disques (vous savez, ces machins de laser qu’on dit à tort ne plus se vendre) de Camerlynck se sont écoulés comme un produit de grande consommation, d’absolue nécessité. On voulait prolonger ainsi cette rencontre pas comme les autres, d’un ovni de la chanson, de ce chanteur imposant tant par sa stature que par son talent. Retenons encore ce moment précieux partagé entre Camerlynck et Lémofil, ce jeune conteur-chanteur-slameur lauréat du tremplin de la veille : duo quasi improvisé entre le presque novice et l’ancien, authentique, sensible, émouvant. Deux artistes qui la veille encore ne se connaissaient pas. Comme un passage de relais. Bravo !
Le site de Christian Camerlynck, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Merci Michel je suis ému. Vraiment