Camille Laïly, la patte délicate
Liège, Le Blues Sphère, 25 mai 2023
Elle n’a l’air de rien, Camille Laïly, quand on la voit grimper sur la scène de la petite salle liégeoise, gracile et fluette telle une biche d’un animé japonais. Il ne nous faut toutefois guère de temps pour réaliser que c’est un sacré bout de femme ! Déjà son sourire radieux, idéal pour ensoleiller la soirée. Et puis cette façon franche et amicale, sans chichis, de s’adresser au public, qui nous la rend tout de suite si sympathique. Tout cela n’est pourtant qu’accessoire, l’essentiel est bien ce qu’elle est venue nous offrir : de jolies chansons poétiques sublimées par un chant magnifique de pureté.
Le pari est d’ailleurs risqué. Rien dans le dispositif scénique ne lui permet de faire diversion. Aucun comparse pour l’accompagner (en d’autres temps ou lieux, elle chante aussi, nous dira-t-elle, dans une formule en trio), pas de light-show pour en mettre plein la vue, aucun décor mirobolant pour occuper l’espace. Juste un tabouret, un micro, une guitare et une chanteuse-autrice-compositrice. C’est peu pour imposer un univers, largement suffisant si le talent suit.
Quand, environ une heure et quart plus tard, le public quitte la salle avec une expression de bonheur sur tous les visages, on comprend que le défi a été relevé. Rares sont ceux en outre qui n’ont pas acquis un CD, histoire d’assouvir leur envie de découvrir ce répertoire dans la quiétude de leur salon. Comme un démenti au discours ambiant qui voudrait nous faire croire que les gens ne seraient plus enclins qu’à la chanson facile et légère, qui ne demande aucun effort d’écoute.
Le répertoire de Camille Laïly n’est pas de ceux qui s’écoutent distraitement en vaquant à ses occupations. Son écriture est exigeante, suppose un certain bagage parfois, demande en tout cas une attention soutenue, rien n’y étant surligné. Mais on peut tout aussi bien s’y abandonner sans chercher à tout comprendre. La poésie ne sert-elle pas à cela, à quitter les abords du quotidien pour un ailleurs plus beau, simplement porté par des images qui nous font dériver ? En cela, les fines mélodies qu’elle a concoctées et le chant qu’elle maîtrise brillamment sous tous ses atours nous suffisent pour embarquer au loin.
Ce fut donc une très belle soirée. L’artiste nous a régalés de chansons issues principalement de son nouvel album (son premier sous son nom, après deux autres sous le nom de Les lueurs de Lily). L’éclectisme et le bilinguisme sont cependant du voyage, avec un détour en espagnol par une chanson traditionnelle argentine, une surprenante reprise en japonais de la chanson du film Le voyage de Chihiro, ainsi qu’une version épurée de la Confession d’un malandrin d’Angelo Branduardi (en version française). Elle chante armée de sa seule guitare, parfois a cappella avec un épatant accompagnement rythmique de percussions corporelles et claquements de doigts. Tout n’est que fraîcheur et délicatesse, plaisir des sens et raffinement de l’esprit.
Après une ultime reprise (laissons-en la surprise) d’un grand auteur, Camille Laïly achève sa prestation sur Tu toi nous, morceau issu de son album précédent. Un hymne à l’amour et au charme de la langue française. Un parfait résumé du concert écoulé.
- Pol de Groeve
Camille Laïly, Crépuscule, Les Frères de la Côte/Inouïes Distribution, 2023. Le site de Camille Laïly, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
« Libre », session A Thou bout d’chant 2022
« Les cataractes », clip officiel 2023
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