Marionèle, des p’tites phrases qui font mouche

Marionèle (photo Jules Reynaud)

« Se sont cachés dans ma mémoire / des p’tits moments improvisés / Et sans efforts et sans y croire / s’y sont bien installés »… Ô joie que de retrouver dans ce troisième album du duo Marionèle leurs « chansons [pêchues et sacrément] bien ritournées ! ». Si cette appréciation d’un de nos confrères de la presse écrite date de 2015 (sortie de leur précédent album La Pacifie), elle vaut tout autant aujourd’hui : tour à tour délicat, planant, funky, cet album admirablement équilibré sait faire sonner la matière mot jusque dans le sens – « Esquiveras-tu la baffe » ?

Et la baffe est avant tout mélodique : titre après titre, la voix (Marie Pistono) surprend, la guitare (Lionel Blanchard) transporte. Après tout, ceux qu’on avait pu découvrir au Off d’Avignon 2015 et 2017 ou encore lors de l’édition 2011 de Chansons buissonnières, trempent aussi à leurs heures perdues dans des genres aussi variés que le disco (avec leur groupe HBNF) et le rap (La Rif et Nos Men). Une ubiquité qui n’est pas sans lien avec leur retour : « J’ai pris un rendez-vous / avec moi-même », chantent-ils ainsi dans Façades et vitrines.

Au rendez-vous, les mots font mouche. C’est sans cesse dans Ton kiff (dont on regrettera seulement le titre peu évocateur) que l’on oscille malicieusement entre tendresse et ironie. Et dieu qu’ils sont bons dans la dérision ! On y fleure les petites failles intimes, on y fleure les grandes faillites actuelles, on y conte enfin de vraies petites histoires de résistances personnelles, le tout toujours à juste distance : « Une autre idée de l’existence / Une fois par siècle on y pense / Une autre image de la France / C’est dans mes rêves et en suspens ».

Une poésie de l’à-côté non sans une pointe d’effronterie (« J’aimerais comprendre la Chine / J’aimerais niquer la voisine / J’aimerais oublier la voix / Et les sirènes de ma routine ») mâtinée d’une musicalité à vous catapulter tantôt derrière un zinc de bal musette (ah, ces riffs d’accordéon !) tantôt dans un sous-sol de rock graveleux voire sous un ciel sans fin de désert américain (ô sublimes et solennelles guitares !).

Baffe ou mouche, cet album vient gentiment nous titiller : c’est doux acidulé, c’est lucide et bien dosé. Un album parfait pour faire s’envoler la morosité.

Marionèle, Ton kiff, Jabuzprod 2023. En tournée locale (Hautes-Alpes et Isère) tout l’été jusque fin octobre. Plus sur leur site ici.

« Pas un pas de plus » :