Edgar Bori, de l’utilité de la poésie
« Poésinutile / En dehors des arènes / Trouvé ce goût des lèvres / Défiant la course folle / Des tordus aux chevilles avançant en déçus / Qui cachent en leur mémoire / La clé du va savoir / Que je ne cherchais plus ».
Voici un terrain, un terreau, une terre musicale où poésie et chanson ne font qu’un, à l’opposé de ceux qui justement aiment les opposer. Une œuvre qui, pour qui connaît Bori, est dans la pleine cohérence de son parcours où rien ne semble tenir du hasard. Mais des rencontres, si.
De la permanence du livre imprimé et de l’élasticité du support CD… Edgar Bori sort son nouvel albums. Avec un « s » ? Oui, il est en trois volumes, tous logés en de sobres fourreaux. Et les textes organisés non en livrets mais dans un livre, 116 pages, imprimé d’élégance, classique typo, pleines pages couleurs pastels. Là encore, ceux qui ne jurent que par le numérique passeront à côté de l’événement éditorial car si la poésie s’écoute elle se touche aussi : d’ailleurs elle ne nous touche que mieux ainsi.
Edgard Bori est chanteur. Mais ces trois disques-là ne sont pas chansons, ou pas souvent, ou si peu. Ce sont vers posés sur des ambiances musicales. Chaque poésie est « poésie » et se nomme ainsi, avec fantaisie : poésinavouée, poésirréparable, poésignorance, poésillettrés, poésizi, poésivernale, poésimmortelle, poésigloo, poésinénarrable… En tout cinquante-cinq poésies forment Poésinutiles. La genèse de cette œuvre a pour cadre Limoges, France, où, au terme de son spectacle Garneau/Bori (du nom du poète Michel Garneau), trois étudiants lui demandant d’où vient son inspiration. Bori leur « répond qu’il est souhaitable d’être touché par un moment de vie vraie; puis ajoute qu’après avoir noté l’embryonnaire première idée, l’essentiel est de se mettre au travail. Quittant cette rencontre, certainement nourri du regard allumé de ces trois jeunes, Bori cueille dans sa tête désertée d’envies d’écrire depuis plusieurs lunes le mot poésinutiles. Un moment de vie vraie vient d’émerger » comme le relate le journaliste Sylvain Cormier. Et l’œuvre va s’écrire, long processus de deux ans, avant que vienne le temps de créer l’univers musical, alors partagé avec des amis qui lui prêtent qui leur musique, qui leur voix, qui les deux à la fois. Six ans de préparation en tout… Le premier volet est sorti l’an passé. Au troisième est paru le livre…
Pour Bori, ce projet est l’excroissance du spectacle Garneau/Bori, présenté de 2017 à 2020, où des poèmes de Michel Garneau avaient trouvé un répondant musical chez Edgar Bori. C’est d’ailleurs Garneau, peu avant sa disparition, « qui a inspiré à Bori une suite, un passage du flambeau de la poésie chantée ou récitée : Michel Garneau disait que la poésie, fallait lire ça deux fois. Une première fois pour la traverser, une deuxième fois où tu commences à saisir de quoi ça parle et que le vrai travail peut commencer. »
Le site d’Edgar Bori, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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