Tom Poisson en trio, l’inquiétude, la tendresse et l’espoir
Le Petit Duc, Aix-en Provence, 6 février 2023
Tom Poisson, à la ville Jean-Michel Couegnas, fait partie des artistes que l’on aime à suivre au Petit-Duc, où nous l’avons vu en duo intimiste avec l’extraverti Jérôme Lifszyc en janvier 2020 juste avant la pandémie, dans ses histoires de vie et de résilience contre les coups du sort, toujours prêt à nous réconforter.
Puis, via la chaîne web du Petit Duc, en ouverture de la saison 2021 avec Pierre Roman le rêveur électro, dans la configuration découverte à Avignon en 2018, entre poésie et court-métrages à se faire dans sa tête. Un exercice difficile pour établir le contact avec un public virtuel, confiné, inquiet sans doute de cette situation qui s’éternisait. Ce duo mélodique avait pu rasséréner des spectateurs en manque, et permettre à l’album Se passer des visages - un titre vraiment prémonitoire – de trouver son écoute.
J’avais toujours aussi en mémoire le spectacle ambitieux où j’avais découvert à Avignon en 2016 Tom Poisson et son album Heureux comme les Cerfs-volants, dans une comédie musicale électronique multimédia, avec vidéaste filmant en direct, chanteur.teuse.s-comédiens-danseurs, dans une sorte de film de vie à la Claude Sautet, Tom, Jérôme, Isabelle, Grégory et les autres, où déjà le batteur était relié virtuellement aux autres. Comme une amorce de la démarche chaîne-web. L’album, la pièce, étaient reliés à un livre de nouvelles qui trouvaient leur écho sur scène. Et en parallèle le collectif dont il fait partie, Les fouteurs de joie, qui réjouissent la mélancolie du cirque de la vie avec leur poésie satirique et gonflée. Tom Poisson, qui fait aussi des spectacles et disques pour enfants, ne peut se contenter d’un simple concert de chansons.
Pour ce septième album à paraître à l’automne, qui s’appellera sans doute Les nouveaux dinosaures, réalisé avec Denis Piednoir, Tom semble avoir trouvé un juste équilibre entre ses concerts acoustiques et une atmosphère électronique discrètement concoctée avec Denis, entre un chant naturel, quelques instruments judicieusement choisis, guitare folk ou électrique, claviers, pads de batterie, ukulélé en « boîte à cigare »… , et programmations, le tout réuni par un superbe micro fixe d’ambiance à l’ancienne baptisé « Didier ». Les chansons intimes, les scénarios cinématographiques, la mélancolie et l’humour peuvent ainsi se mêler, entre tradition de la chanson folk et modernité, dans une réconciliation avec la vie telle qu’elle est, mais aussi telle qu’on se la fait. Tom fait son show, mène la danse, n’hésite pas à reprendre Elvis ou un tube de Ricchi e Poveri, Sarà perchè ti amo, mélodieusement accompagné par ses acolytes, pour détendre l’atmosphère quand l’émotion se fait trop prégnante, ou à faire monter le public sur scène. Denis Piednoir, discret, souriant, inspiré, est l’indispensable colonne vertébrale du spectacle.
On voyage sur la route avec les vocalises du public, « Je cours et puis je tombe (…) Je vole à me briser les ailes » ou en train, de ce voyage qu’on préfèrera oublier…pour une mère qui n’est plus, tout en revoyant « le moelleux des fauteuils », les paysages, le pont suspendu, tous ces menus détails. L’émotion est contenue, éclate par moment, sur cette mélodie entêtante qui roule dans sa tête.
Le duo s’est complété récemment d’une jeune artiste, rencontrée par Denis Piednoir, Alice Chiaverini, aussi à l’aise à la voix ( elle est coach vocale) qu’au sifflement mélodieux, au scat, aux percussions ou à l’expression corporelle, tout en douceur. Elle fait souffler un vent de fraîcheur sur ce monde qui ne va pas : « j’entends crier la terre / Et j’entends venir le feu » . Et Tom de poser la question, que faire, « rester dans tes bras ou partir à la guerre ». Ou fustiger « l’odeur du journal de 20 heures (…) Y’a du bruit (…) est-ce qu’on peut ralentir, éviter le pire ». À côté de ces nouvelles chansons, comme cette Ivresse du galop inspirée par un livre syrien, ou la chanson titre du nouvel album qui nous incite à respirer en attendant la fin du monde, nous aurons droit à quelques incontournables, celles dont on ne pourrait se passer, où les chœurs se font si prégnants : « A nos bateaux ruisselants / A nos chevaux jaillissants », Comme des cerfs-volants ou Se passer des visages, et la si consolante « Tu ne vas plus pleurer (…) On part » pour cet ami sans voix que nous sommes tous un peu.
La page Facebook de Tom Poisson, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
« Ma peur », avec Denis Piednoir et Julie Lagarrigue
« Les cerfs-volants », clip officiel
Commentaires récents