Pascal Gasquet, le brasero de la dignité
Les radars de NosEnchanteurs sont parfois défaillants, qui avaient laissé ce cow-boy urbain de côté. Pour notre défense, il est vrai que Pascal Gasquet n’avait pas commis d’album depuis dix ans. Et avoue même qu’il pensait ne plus en refaire. Comme quoi le Covid a eu du bon, le confinement dégageant pour certains le temps d’écrire : ce fut son cas, il s’est pris au jeu… Et voici cet album, que je tiens pour un petit joyau, celui qui passera en boucle tant on ne s’en lasse pas.
Pascal Gasquet a toujours fait dans le blues-rock. On pourrait sans mal mettre ses chansons au même niveau que celles de Dick Rivers, Monsieur Schmoll ou Johnny. Vous avez tout : le feeling et le contenu, qui plus est la pratique, le talent, tout. Mais l’inclinaison est tout de même plus marquée sur le social et la politique, même si, que je sache, surtout Mitchell parfois Hallyday y ont aussi goûté. Je dis Johnny et ne peux m’empêcher de souligner la parenté entre le Requiem pour un fou de celui-ci et De la poussière de Gasquet : chaque fois un forcené en bout de course « Je suis un homme mort / Si les poulets me choppent / Combien d’années de trou faudra-t-il que j’écope ? » avec cependant la dimension sociale pour constante trame, « des usines qui ferment et des mains sans travail » comme Les Mains d’or de qui on sait.
On a chez nous une expression un peu cache-sexe pour qualifier une telle chanson : on parle de « protest-song » alors qu’il s’agit ni plus ni moins que de chanson politique. Comme ce On est là, sans doute l’une des plus précieuses chansons faite sur le mouvement des Gilets jaunes, sur comment ces pauvres hères, ces anonymes, ces déclassés qui n’bouffent qu’un jour sur deux ont osé se parer de jaune sur les ronds-points. « C’est comme un accident de voiture / On se protège avec c’qu’on a / Un gilet jaune c’est moche c’est sûr / Mais c’est surtout pour qu’on nous voit ». Une chanson prenante, émouvante, qui resitue les responsabilités « Ça f’sait longtemps que la violence n’était pas dans nos coups de poing / Mais dans le velours, l’indécence de ces palais élyséens ». On n’étudiera sans doute jamais une telle chanson à l’école de la République…
La voix est celle d’un baroudeur fatigué, corps et cœur cabossés (« Dis, me voudras-tu encore ? / Quand je s’rai moins vivant mais pas mort ? Dis me voudras-tu encore / Dis, m’aimeras-tu aussi fort ? »). Il y a du whisky, de l’eau de feu « pour réchauffer nos os » et, repris de justice ou laissés pour compte, il y a de l’empathie, de la chaleur dans les vers de Gasquet. Ses chansons sont comme braseros où on se réchauffe, y retrouvant sa dignité perdue.
Tout est dans la voix, éraillée et plaintive comme il se doit, dans les guitares et l’harmonica de Gasquet. Seul compagnon de studio, Michel Ramillon, aux programmations de cordes, aux clavier, basse et batterie. Ainsi qu’aux « cafés chauds » en lieu des bières et téquila que cette musique peut nous faire imaginer.
Si vous pouviez me faire totalement confiance, achetez ce disque !
Pascal Gasquet, Café folk, autoproduit 2023. Le facebook de Pascal Gasquet, c’est ici. Pour commander l’album : Bleu Caravane au 06 65 44 64 17 bleucaravane@gmail.com
« De la poussière », audio
« On est là », session acoustique
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