Les contrepieds dans le plat de Nicolas Bacchus
7 avril 2023, L’Epallle Théâtre/L’Autre Lieu à La Ricamarie,
Il est rare de voir Bacchus en scène autrement qu’en solo, avec ses guitares, question de budget. C’est dire si cette « sortie d’album » fêtée la veille chez À Thou bout d’Chant à Lyon et ce soir à La Ric’ est un concert entre tous précieux… Avec Lucas Rocher à la guitare électrique et Sylvain Rabourdin au violon et à la mandoline (la veille, à Lyon, il y avait aussi Christophe Devillers à la contrebasse ainsi que Garance, Frédéric Bobin et Annelise Roche : rien que du beau monde).
Bacchus est à L’Épallle-Théâtre comme il serait dans une famille d’adoption : chéri et désormais familier, il fait partie des meubles et c’est commode (à tiroirs).
Bon, ça faisait dix ans qu’il n’avait commis de nouvel album (seul son estimé confrère Jean-Jacques Goldman le bat question rythme d’escargot) : c’est dire si celui-ci, Contrepieds, était attendu, qu’il ne fallait pas le gâcher.
Disons-le tout net : c’est du Bacchus, en verve, en forme, en pleins et en déliés, en poésie comme en propos qui ne passeraient pas à L’Île aux enfants, ou alors très tard, après le passage du marchand de sable. Il faut dire que Nicolas Bacchus chante Comme Joan Baez (il fait bien ce qu’il veut)… Dans les nouveaux titres de Bacchus, plein de signatures sympas, à commencer par celle de l’ami Mie (de son prénom Éric), Manu Galure et Lucarne. Et Frédéric Bobin, Alex Beaupain, Vladimir Vissotski, même Bertolt Brecht, à qui il pique des titres. Mais c’est avec un inédit de Jean Richepin (inédit car jamais porté en chanson) qu’il débute, fier d’accoler son nom à celui du grand poète : Ouvrez la porte aux petiots, tant il est vrai que Bacchus n’est pas bien grand.
Il y a dans ce spectacle et ce disque à boire et à manger : je veux dire qu’il est copieux, de mille saveurs, de l’entrée au dessert, du savoureux et gouleyant. Avec ce hors d’œuvre, ce chef d’œuvre qu’est ce J’ai tout commencé très tard signé Manu Galure : « J’ai chanté bien trop tard / Pour qu’on me trouve un talent / Qu’on dise dans dix ans / Vous verrez, vous verrez / D’ailleurs chanter des chansons / C’est plus vraiment de saison / J’ai tout commencé tard / Des choses dépassées ». Dépassé, ce nuancier d’émotions, du rire aux larmes, que chante Bacchus ? Non. Le désir d’humanité ne peut l’être, le désir du désir non plus, plus particulièrement envers les hommes. C’est rien que de la poésie, sans cesse contrariée – il est comme ça – par sinon de la provoc au moins de l’humour acide et acéré, comme un crayon trop bien taillé. Comme un rascal à la veille du week-end pascal.
Contrairement à hier à Lyon, où c’était une concert bien dans les formes, ici c’est plutôt formule cabaret : peut y chaut d’ailleurs tant l’art de Bacchus est d’une rare élasticité, comme une CTT (chanson tout terrain) bienvenue.
Presque sociétaire du lieu, devenu indispensable, irrésistible, Bacchus y reviendra le jeudi 8 juin. On s’en délecte par avance.
Nicolas Bacchus, Contrepieds, Bacchanales/InOuïe Distribution 2023. Le site de Nicolas Bacchus, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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