Miossec, simple et bon
Le douzième album de Miossec s’intitule Simplifier. Un infinitif impératif. Qui claque comme un ordre. A moins que ce ne soit un souhait ? Un objectif ? En tous les cas, un disque qui porte bien son nom.
L’épure s’impose en effet à tous les étages. Dès la pochette, avec ce sobre dessin du regard de l’artiste, mélange de mélancolie, de tristesse et de fatigue. Dans le livret également, qui fait la part belle à de superbes photos – de Vincent Gouriou – d’éléments naturels cadrés serrés (écorce, plante, rocher, nuages…). Un bien bel objet, qui mérite amplement que l’on passe outre l’éphémère streaming.
A cette esthétique minimale du contenant répond la simplicité du contenu. Onze chansons pour seulement 31 minutes de musique. Ça ne musarde pas, même pas trois minutes de moyenne ! Miossec a visé la brièveté et l’efficacité sans fioriture. Oubliez les orchestrations à trente musiciens, l’homme a tout fait seul. Paroles et musique, bien sûr, mais aussi les arrangements, limités à une boîte à rythme et quelques guitares. Tout juste a-t-il été aidé par Alexis Delong à la basse et à la production, sous la houlette de Paul Le Galle à l’enregistrement. Trio de choc pour un résultat aussi cinglant que dépouillé.
Comme il se doit dans un tel projet, les textes vont droit au but. Plus encore qu’à l’habitude, pourrait-on préciser, Miossec n’ayant jamais donné dans la poésie circonvolutive. On retrouve donc sa plume sèche et rugueuse, sans une once de romantisme ou de sentimentalisme sirupeux. Les chansons naviguent entre le froid bilan (Nous ne dirons plus jamais nous / Nous ne formerons jamais un grand ensemble), la métaphore mécanique (Mes voitures / Mes amours et leur fin / Leurs couleurs et leurs allures / Leurs odeurs et leurs destins) et le portrait empathique (celui de Gérald Thomassin, l’acteur soupçonné de meurtre et disparu dans la nature). Le couple y est disséqué selon les préceptes journalistiques (Qui, quoi, où, quand, comment et pourquoi ?), tandis qu’est rendu un hommage amical à Charles (Muzy), patron du Vauban, célèbre restaurant et club brestois où l’artiste a son rond de serviette (ce qui permet au passage d’enrichir son vocabulaire d’expressions bretonnes comme partir en distribil ou partir à dreuze).
L’émotion bien réelle vous saisit pourtant, presqu’à la dérobée. Quand Miossec évoque ceux qui sont partis mais sont toujours là (Mes disparus), qu’il dresse le constat d’un amour loupé (Je souligne) ou nostalgise sa jeunesse (L’adolescence). Des chansons où il baisse davantage la garde et se départit quelque peu du ton abrupt qui est sa marque de fabrique.
Bien qu’il soit encore loin d’atteindre les tréfonds de celui de Renaud, le chant de Miossec n’est certes plus parfait. On sait les ennuis de santé que son trop-plein d’alcool a provoqués, dont on devine les traces dans cet enregistrement. Pourtant, c’est bien cette voix éraillée, abîmée par le temps, porteuse des stigmates d’une existence trop remplie, qui rend si bouleversant cet opus radical.
On résume donc pour les distraits : Simplifier est à découvrir sans retard. C’est pas bien compliqué.
Miossec, Simplifier, Columbia/Sony Music, 2023. Le site officiel de Miossec, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
En concert le 9 avril 2023 à Rennes au Cabaret botanique, autres dates sur son site.
« Tout est bleu », clip vidéo
« Mes voitures », clip vidéo
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