Sapho, jusqu’au bout de l’amour

Il y a les femmes du monde : celles-là nous les laissons à Gala et Point de Vue-Images du monde. A ne pas confondre avec ces femmes du Monde (la majuscule fait la différence) qui intéressent à plus d’un titre NosEnchanteurs, pourvu qu’elles soient aussi chanteuses. Sapho est du lot. Chanteuse, rockeuse, poète, écrivaine (treize livres à ce jour), elle est femme de sagesse et de paix, militant sans relâche pour un monde sans frontières où les cultures arabes, chrétiennes et juives pourraient coexister sans entraves.

Pour son vingtième album, elle rejoint la belle équipe d’EPM, refuge logique pour qui aime la chanson. Cet album ? J.A.M. (Jalousie, Amour, Mort), onze titres dont trois in english. Et d’autres où s’insinuent parfois d’autres langues. Des textes peuplés de femmes fatales (« Fous-moi la paix le barbu / Les hommes tombent sous mes charmes »), d’actrices (toute une chanson égrénant le plus beau des génériques qui puisse être, d’Isabelle Adjani à Sophia Loren, de Meryl Streep à Audrey Tautou, Gene Kelly, Marylin, Julie Delpy… Et une autre chanson rien que sur Jane Mansfield), même d’une nommée Cassandre, cette déesse grecque qui avait le don de prédire l’avenir : « Si tu revenais Cassandre / Arrivais aujourd’hui en France / Annoncer / Les catastrophes les maux de la vie / Tu ferais un malheur […] Près de toi Zemmour et Finkie / Seraient des amateurs / Tu installerais la peur. »

L’amour est bien présent, dont les jeux irriguent cet album(comme dans L’Art d’aimer, poème empreint d’érotisme du Palestinien Mahmoud Darwich, délicat ravissement…) même s’il se drape du linceul de l’être aimé, son époux atteint d’une leucémie dormante et depuis disparu : «  Maintenant que la mort rode / Et que le temps se finit / Laissons les lunes nos rendre doux / Que chaque jour soit un bijou. »

Si l’album titre sur la jalousie, l’amour et la mort (les trois sont bien présents), on peut aussi parler de beauté, de peur et d’horreur. En fait, que des ingrédients de la vie. Mixés de musique entre toutes prenantes, du calme à la tempête, chanson où le rock anglo-saxon est en ménage avec la musique orientale, la marque de fabrique de la chanteuse. Nulle surprise à l’écoute de Jolene, reprise de la chanteuse country-rock Dolly Parton : l’éclectisme est dans les gènes de Sapho, dans sa bio-chimie, au confluent de ses vies, de ses envies. Avec, pour cet album, d’excellents musiciens où, aux côtés de Pascal Trogoff (saxophone), Karim Rachedi (basse) et Safwan Kenani (violon arabe) on retrouve Étienne Champollion aux claviers et clavecin.

Tout fait ici de cet objet un objet désirable, plus même, qu’on soit fan de Sapho depuis toujours où qu’on la découvre sur l’instant.

Sapho, J.A.M. (Jalousie, Amour, Mort), EPM 2021. Pour commander cet album, c’est ici.