Almée « C’est vrai »

(…) Les millions, les années
Toute une immensité
L’espèce humaine dans le sillage
De cet horizon sans rivages
La violence du passage
Où sont brûlées les pages
Passé coupable un nouveau temps
Tissé au fil de nos présents
On s’excuse on apprend
A juste être vivants
L’écho du dehors noie nos états
Malgré les efforts j’oublie ta voix

Almée

Paroles et Musique Almée. Monotitre 2023

Nous avions rencontré Almée au Festival DécOUVRIR, chantant en 2020 sur son piano électronique Odessa, « Un peu slave, un peu sud, balnéaire, oubliée / Un peu pâle, un peu prude, un peu désargentée / Tes pavés défoncés, de possibles effacés / Mille facettes, un patchwork, un désordre à aimer ». Une chanson qui prend actuellement une acuité toute particulière. Odessa, c ‘est par essence une ville de contrastes, la « Marseille d’Ukraine » en bord de Mer Noire, sa richesse naturelle, industrielle et portuaire, mais aussi  son passé dramatique, bombardements, mutinerie du Potemkine en 1905, insurrections, terreurs successives, guerre civile, famines, massacres, ses émigrés juifs venus de Pologne au XIXeme siècle pratiquement éradiqués, massacrés ou déportés. Puis la terreur rouge stalinienne, enfin la prospérité, mais aussi la corruption, avant de revenir aux luttes entre pro-Kiev et russophones en 2014. Et maintenant, le blocus, et la résistance.  Pour Almée, l’histoire familiale s’inscrit dans la grande histoire, comme une « étrange odyssée vers soi ».

C’est entre la pop électro séduisante d’un titre comme Préliminaires, ou Plonger, sur le désir, la confiance, la pulsion de vie, qui explore les sentiments intimes, plus sérieusement qu’ il n’y paraît à première vue, et la recherche de ceux des autres, ses proches, par les podcasts « Etats sonores », qu’elle cherche maintenant à approfondir son passé en réalisant des interviews de témoins.  Qu’elle incorporera à ses podcasts, en créant une série sur ce sujet. Lente quête pour se rapproprier un passé qui la conduira jusqu’à Auschwitz. 
C’est vrai est construit autour du témoignage du grand-père d’Almée, Serge Golse, médecin rescapé d’Auschwitz après 2 ans de déportation, lors de son interview par la USC Shoah Foundation. À son retour, il a choisi l’obstétrique comme spécialité et fondé la Clinique de la Muette et sa maternité. L’écriture d’Almée est poétique, distanciée, pour rester universelle tout autant que personnelle. Les arrangements du titre sont d’Alb (Clément d’Aquin) qui utilise des synthétiseurs modulaires pour donner rythme entêtant et profondeur à cette chanson poignante. 

Le clip a été réalisé par Carol Teillard d’Eyry, du groupe Catastrophe, sur une idée originale d’Almée, chorégraphié par Clément Gyselinck, danseur et chorégraphe pour Etienne Daho ou Vendredi sur Mer. Il joue sur la notion d’enfermement et de destin, avec un personnage mystérieux qui manipule les cartes et les êtres. 

Almée est en concert le 28 mars chez Castel à Paris.