Erwens, en émotion et en passion
En (un peu plus de) trente ans de chanson, Erwens, Renaud Jeune à l’état civil, avant tout homme de scène, nous arrive avec le quatrième album de son répertoire personnel. Il faut y rajouter des albums consacrés à Brassens avec le trio Callipyge, puis à Ferrat, ces grands de la chanson, et Brel sur scène, qu’il fait revivre sans jamais les copier, avec fougue, passion et humour. Toujours modeste, souriant et à l’écoute de son public, il qualifie ses propres textes et mélodies de chansonnettes, ne se prétend pas poète et pourtant ses mots sensibles et sincères touchent tout autant que ses mélodies, s’insinuent comme autant de caillou[x] blanc[s].
Cet album, À cordes et âme, semble étudié dans ses moindres détails pour satisfaire les amateurs de beaux objets comme les mélomanes et les goûteurs de mots : c’est un très beau digipack à trois volets, merci Sylvain Boucansaud pour sa création graphique, CD à gauche, livret complet des textes des chansons illustré des photos ©Audois et à l’oreille, clé USB format carte de crédit à droite. Et en couverture la magnifique photo en mouvement, en émotion et en passion prise par Jean-Marc Moutet à la Ferme-Théâtre, qui rend si bien compte de l’artiste, où le rouge orangé de la guitare, rappelé par la peau et le reflet des cheveux, contraste avec le bleu gris de la chemise en couleur complémentaire, comme un tableau qui aurait été soigneusement composé. Si j’insiste sur ces détails, c’est qu’ils sont le reflet de l’album, un travail d’artisanat d’Art.
Mais quand nous parlera-t-on du contenu de l’album, me direz-vous ? Douze chansons intimes, des déclarations d’amour parfois sensuelles, parfois lyriques, tout simplement tendres, un amour qui vous sert de carburant (Le plein de toi)… Parce que c’est ce qui fait le plus vibrer nos corps et nos âmes, parce qu’on s’aperçoit au fil de la vie qui s’écoule que c’est ce qui nous tient debout, vivant, quand on se demande, « Mais où vont nos pas / Quand on ne fait pas / La moitié de ceux / Qui nous rendent heureux ». La génèse de ses chansons, il nous la donne dans la très belle Les mots par la fenêtre, où l’amour vient à bout des poèmes blasés. Et puis le temps qui passe, « Tu es le vaccin, et le rappel / De mes années poivre et sel (…) C’est avec toi, les deux mains prises / Que je s’rai roi » ou encore « J’fais la collection des trous d’mémoire / Le plus fou c’est qu’parfois (…) j’les oublie ».
Ces chansons, certaines anciennes, d’autres moins, toutes ciselées pendant le confinement, épurées volontairement pour épouser au plus près leurs vies sur scène, ont été enregistrées au studio toulousain du multi-intrumentiste Laurent Gilly qui en a fait tous les arrangements : des ballades folk, « Mais sous ma plume dérisoire / Je t’invente et tu pars déjà » (Loin de tes yeux), jazzy, même blues ( J’mets du bleu), où la mélancolie se cache sous l’humour, « j’ai r’mis un coup sur le chat / Pas sur les sacs poubelles, ils étaient déjà bleus », avec quelques accords manouches « Que reste-t-il / De nos rêves d’enfant / Regrets trop faciles / Souvenir futiles / Pour en faire des chansons ». Pas de cordes ni de cuivres, mais essentiellement des guitares nylon, folk, basse – ah cette complainte désillusionnée, Une larme d’occasion - celles de Laurent Gilly et d’Erwens, avec l’ajout parfois de percussions et programmation. Et l’accordéon du complice de scène Jo Labita sur trois titres, dont cette Là où tu vas qui résonnera longtemps dans vos oreilles, et qui a tant séduit Nicolas Peyrac qu’il l’a reprise à son répertoire… Cet accompagnement discret et chaleureux qui nous donne l’illusion et l’envie d’écouter Erwens au coin du feu, ou au fond d’un jardin de feuilles et de fleurs.
Erwens, À cordes et âme, Airprod, 2022. Le site d’Erwens, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Pour le faire venir chez vous, écrire à info@erwens.fr
Là où tu vas, Saint-Maximin 2020
Une larme d’occasion Saint-Sylvestre 2022 à la Ferme Théâtre
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