Mélanie Dahan Quintet, quand le jazz est là, la chanson s’en vient
20 janvier 2023, Le chant des possibles, Chaîne Web du Petit-Duc à Aix-en-Provence
Mélanie Dahan (1) fait partie de ces grandes dames qui conjuguent le jazz et le texte, et n’est-ce pas là une définition de la chanson. Elle vit de sa voix, que ce soit doublage, voix off, coach vocal, et bien sûr chanteuse de jazz, depuis une quinzaine d’années. Une voix claire et veloutée à la fois, expressive et tout en nuances, virtuose aussi, mais sans effort : à la fois une interprète et une vocaliste. Son premier album, une mise en musique des textes de Bernard Dimey avec Giovanni Mirabassi, date de 2008. Depuis, elle s’est toujours entourée de pianistes de la plus grande qualité : Baptiste Trotignon, Thomas Enhco, Pierre de Bethmann, Manuel Rocheman, Franck Amsallem…, explorant le monde anglo-saxon avec Keys, puis les sonorités latines avec l’album quasi éponyme, qui déjà chantait en français Julien Clerc, Le Forestier, Michel Legrand, Ferré, Brel ou Trenet. Un choix ambitieux qui nous ouvrait déjà l’appétit, nous confortant dans l’idée que de nombreuses divas du jazz font beaucoup pour la chanson.
Son quatrième album a pour nom Le chant des possibles (2020), et ouvre encore des champs plus vastes, sélectionnant des poèmes les plus élevés, les plus touchants de la culture mondiale, dans un éclectisme bienvenu qui n’a jamais tant mérité le nom de florilège. Ces plus beaux poèmes qui parlent, forcément, de temps, d’amour et d’espoir. C’est Jérémy Hababou, musicien franco-israélien, pianiste, qui signe toutes les musiques de l’album – à l’exception de la chanson d’Aznavour, Parce que, du musicien Gaby Wagenheim -magnifiée par la voix et l’interprétation de Mélanie Dahan – et de celle de Paul Misraki.
Sur scène, on retrouve la contrebasse et la basse de Jeremy Bruyere, si profondes sur L’escapade des saisons, d’Andrée Chedid, si subtiles sur Le temps, de la même, « Je défie le temps / Souverain il me toise / Tandis que je m’effrite / Année après année / Je dynamite le temps / Il explose », si friselantes sur ce magnifique Trésor, de Catherine Fauln, poétesse belge de souffrance et de passion, décédée jeune, qui saisit si bien les rêves de l’enfance, dit/chanté, puis vocalisé : « J’ai un poulain gris / J’ai une fenêtre qui s’ouvre sur le paradis / J’ai une poupée sans visage / J’ai une lanterne magique pour les images ».
Et encore le saxophone de Benjamin Petit et la batterie d’Arthur Alard, qui s’enivrent sur Les chevaux du ciel de Tahar Ben Jelloul, avec les vocalises de Mélanie Dahan qui s’envolent en toute liberté.
Au piano, remplaçant Jéremy Hababou, c’est Laurent Coulondre, souvent vu au Petit Duc – il nous avait étourdis avec la liberté de son Gravity zéro, en 2020 – qui prouve aussi ses qualités sur un jazz plus classique : en variations sur la mélodie de l’inattendu poème d’Houellebecq, La possibilité d’une île, il fait valser les cœurs et les corps « Il a fallu que je connaisse / Ce que la vie a de meilleur / Quand deux corps jouent de leur bonheur / Et sans fin, s’unissent et renaissent ».
Telle une comédienne, Mélanie Dahan donne à chaque titre la couleur qui le met le plus en valeur, et passe sans peine de l’Odelette d’Henri de Régnier, dont le romanesque symbolique fait penser aux riches heures des poètes médiévaux, un joyau chanté avec tendresse « Si j’ai parlé / De mon amour, c’est au vent / Qui rit et chuchote entre les branches / Si j’ai parlé de mon amour, c’est à l’oiseau… » à Quand je serai enfant, de Bernard Joyet, ou à la contemplative L’étang de Paul Misraki, où le piano se fait liquide comme dans les Jeux d’eau de Ravel : « Sur la lande, au bord de l’étang / Où la brume est bleue / Seule, je flotte et l’ombre s’étend… ». Avant une fin tout en liberté, éclatante. Sommets de jazz et de chants.
(1) Connaissant Gérard Dahan et Myriam Daups depuis longtemps, elle n’est pas apparentée au premier, sauf par la passion du jazz et de la chanson
Le site de Mélanie Dahan, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Mélanie Dahan fête ses quinze ans de carrière le 18 mars 2023 au Pan Piper à Paris avec tous les musiciens américains, les cubains, ceux de ce soir et Jeremy Hababou, de ses quatre albums.
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