Gilbert Laffaille, à consommer sans modération
Bruxelles, le Ceria, 21 janvier 2023
Récital organisé par Le Café de la Rue (Marie-Noëlle Doutreluingne)
Il y a d’abord la chanson d’ouverture. Idéale. « Je m’appelle Jim Douglas, je suis né loin d’ici / Mais j’ai toujours ma place au Café des Amis ». Une jolie ballade nostalgique. Des paroles qui tiennent de l’autoportrait (J’suis passé par hasard tout en haut de l’affiche) et du conseil d’ancien (Faut toujours faire comme si, mais chanter pour de vrai / Sans jamais trop y croire, ni jamais faire semblant).
S’enchaînent ensuite les chansons moralistes (mais jamais moralisatrices). Un regard en biais sur le monde d’aujourd’hui. Fausse naïveté et ironie mêlées. Et un angle d’attaque toujours (im)pertinent. Il y est question d’économie. « Le matin ça klaxonne et le soir c’est bouché / C’est la faute à personne, c’est la loi du marché ». De politique internationale. « Trucs et ficelles, troc et combine ». De consommation effrénée. « Qu’est-ce qui fait qu’on a tout, tout c’que tout le monde a pas ? ». De racisme ordinaire et de bruit qui court. « Comment, vous saviez pas ? On lui a volé son chat / Volé, enfin, volé, p’t'êt’ bien qu’ils l’ont mangé ». De la saturation d’informations. « Vu défiler tant de nouvelles qui s’en allaient comme d’habitude / Des vents de sable du Sahel, dans le Triangle des Bermudes ». De destruction de la nature. « Que l’on te laisse un monde où les pommes sont rondes / Et les raisins dorés ». Et même en passant, un morceau philosophique, osons le mot, une leçon de vie à méditer. Sur la chance de naître au bon endroit. Ou pas. « Ça ne tient qu’à un fil, un mot sur un papier / Ça ne tient qu’à un fil, une vie de va-nu-pieds ».
On ajoute quelques chansons pour mieux cerner l’esprit de leur auteur. « Tout m’étonne, les vagues au galop, un galet dans l’eau, tout m’étonne », « Certains jours de fête, il y a dans ma tête, un petit vélo ». On secoue avec l’énergie de l’humour. « Ah, y en a qu’ont du bol ! Qui ont de longues maladies / Des parents alcooliques, une lourde hérédité / Ah, ils en ont à dire ! Moi, j’ai rien à chanter ». Et on se quitte en trinquant sans chichis. « Moi, j’aime pas les vins chers / Ceux qui s’vendent aux enchères et partent en Amérique ».
C’était voici quelques jours, sur cette grande scène bruxelloise. Il y a eu une plume malicieuse, une écriture allusive, un ton impressionniste. L’art de tout dire sans rien souligner. Des sujets variés et universels pour un résultat intemporel. Il y a eu également des airs d’un fin mélodiste, on oublie trop souvent de le souligner, dont les musiques étaient magnifiées par ses deux comparses guitaristes, Jack Ada et Michel Haumont. Il y a eu enfin le métier d’un artiste aguerri, qui mène son tour de chant en parfait équilibre entre tendresse et dérision, entre délicatesse et swing, entre anecdotes et explications de contexte.
Ce samedi soir, nous avons eu le bonheur et la chance d’applaudir Gilbert Laffaille.
Le site de Gilbert Laffaille, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Gilbert Laffaille sera en concert le mardi 1er et le mercredi 2 août 2023 au Festival Barjac m’enchante. Il prépare un conte musical écologique pour la jeunesse pour après l’été et d’autres pour des albums illustrés.
La ballade de Jim Douglas, 1996, « Tout m’étonne » , audio
Trucs et ficelles, 1980, « Kaléidoscope », à l’Européen en 2013
Extraits concert Chansons …Guitares, août 2022, Verneuil-sur-Avre, Festival La vache et le caribou
« l’art de tout dire sans rien souligner « ….tout est dit.
Un homme et un artiste discret , dont on découvre la profonde richesse en l’écoutant vraiment. Sur scène ( je l’ai écouté avec N Fortin au piano) j’ai réalisé à quel point ses chansons étaient précieuses , en finesse et sans lourdeurs . Les lieux « à taille humaine « , un accompagnement dépouillé sont pour moi le meilleur écrin pour ces œuvres rares.
Merci de ce compte-rendu, chers amis!
À bientôt ! Gilbert
De l’épure , de la dentelle : le grand art de Monsieur LAFFAILLE
Tous ceux qui s’intéressent à la chanson savent que Gilbert Laffaille est l’un des grands de la chanson française.
Mais tous ne savent peut-être pas que son livre autobiographique
« Kaléidoscope » est un formidable bouquin, très bien écrit, pas du tout autocentré et rempli d’anecdotes qui ont du sens.
J’avais déjà dit sur ce site tout le bien que j’en pensais. Je profite de cette occasion pour renouveler mes louanges et conseiller à tous de l’acheter et de le LIRE.
Merci Gilbert Laffaille pour vos chansons et pour ce livre !