Gari Greù et On s’en tape, Òai et Aïoli
20 octobre 2022, Le Petit-Duc à Aix-en-Provence,
Qui pourrait croire, à voir cet incroyable spectacle, qui nous a dopés de joie comme aucune drogue ne pourrait le faire, que Gari Grèu puisse être parfois mélancolique ? Lui qui partage son amour de la vie, de la langue et de la musique avec tant d’artistes, autant d’amis sans doute. C’est que les rencontres, si elles rendent heureux, vous laissent désemparés quand elles finissent, et bien trop tôt. Lux Botté (LuxB), né Luc Serge Villegas, avec qui il a fondé le mythique Massilia Sound System (MSS), parti en 2008 à 47 ans. [MSS, c'est aussi Papet J (René Mazzarino) et Moussu T (Tatou), pour un groupe de reggae occitan évoluant vers le rock.]
Jean-Georges Facon, dit Tartar, le griot blanc à la longue barbe, aka Bomoshiba, amoureux de voyages, d’humains et de mots, poète, punk, vedette du Théâtre de la rue à Aurillac, français, belge, breton, occitan, burkinabè, bref du Nord, du Sud et d’ailleurs, qui a écrit avec lui son dernier album, Barka, est parti en août 2021 à 66 ans. Ce n’est pas Gari qui nous parle de ces décès, car pour lui ils sont toujours vivants.
Gari, Laurent Garibaldi pour les intimes (il nous confiera regretter que ses parents ne lui aient pas transmis l’italien, dans leur volonté farouche d’intégration) a commencé comme MC, maître de cérémonie, et jamais le terme n’est autant approprié. Il est en quelque sorte la version marseillaise du troubadour occitan, toujours prêt à partager avec moult artistes. Son intégration à lui, c’est rencontrer les humains et mettre en commun ce qu’ils ont de meilleur. Avec Lux B, fils de pieds-noirs il avait aussi fondé Òai Star, dont il nous chantera On y va. Avec les onze membres du Collectif 13, toujours en activité, dont Mourad Musset de La rue Kétanou, Guizmo de Tryo, Gerôme Briard et Erwann Cornec du Pied de la Pompe, Alee ou Syrano, il chante en rock, en rap ou en reggae le bon côté de la vie, l’amitié et la paix. Venus des six coins de l’Hexagone et même d’ailleurs, ils luttent pour la bonne cause en combattant la morosité, comme le dit Syrano, « La lutte dans la joie ».
Ici c’est accompagné des toulousains du duo On s’en tape – Gabko alias Gabriel Martin le magicien-percussionniste en tout genre (body-percussions et batterie), qui ouvre le spectacle en un époustouflant numéro de percussions corporelles « La main (…) est un oiseau qui s’envole » suivi de tours de magie humoristiques, et Vincent Gilbin le guitariste compositeur – qu’il vient nous présenter quelques titres de son dernier album Barka, et d’autres de son répertoire mythique et collectif, en marseillais, en reggae, en rapn’roll, en burkiné, en trad, en rock, en universel. Avec JaMin (Benjamin Cadenel) le mandoliniste varois expert tant en reggae qu’en rock-électro et en chanson. Barka veut dire merci en mooré (Burkina Faso) où Tartar et Greù ont créé un concert commun en 2014, de l’arabe Baraka, abondance, benédiction. Et ce sont bien des tonnes d’amour et de joie qui vont déferler sur la salle. « Mais voilà, moi, ma joie, mon délire, j’ose à peine le dire / C’est de lancer mes rimes au vent. »
Les musiciens nous accueillent en chœurs, en divagations, en liesse, jusqu’à ce que surgisse Gari, son accent marseillais et sa bonne humeur proverbiale, avec ce titre du Collectif 13, Les enfants d’Ulysse « Alors on danse, on voyage (…) Ce qui compte ce n’est pas le but / Ce qui compte c’est le chemin ». En douceur et en énergie, ponctuant le concert de multiples « Aïoli ! » faisant interjection de ralliement. Il faut y être (une salle pleine, avec énormément de jeunes, qui hurlent, chantent, applaudissent, dansent sur place…) pour comprendre qu’il n’est pas question de lui résister.
Du tango marseillais Les retrouvailles, écrit avec La rue Kétanou pour le Cabaret Sauvage, sur cette mandoline virtuose, à cette ode au voyage et à la liberté écrite avec Moussu T « Mes pieds, deux bordilles sorties d’un caniveau / Ils guinchent à deux les épluchures de lumière / Ils ont connu plein de poètes chez Bronzo ». De ce refrain repris en chœur par le public « La vie est courte mais elle est large, Merci de la partager », chanson de liberté coécrite avec Tartar, à cette version moderne de la chanson de Misraki, Marquise, du Collectif 13 tellement d’actualité, faisant le plein des rimes en -ise pour conjurer la crise, rétorquant peinardise à emprise. Du Marché du soleil de MSS « Tu verrais la joncaille, les perles et les diamants / Des sourires en pagaille, un peu tous les accents. », au refrain repris en chœur par tou.te.s, au doux Il arrive (que l’on prenne le temps) sur la musique coécrite avec Tartar.
Laissant aussi la voix à JaMin, avec cette dansante réunion de famille, si réconfortante, Marche mon frère « (…) Danse ma sœur (…) Pardon mon père (…) Tiens bon ma mère (…) La vie est devant nous ». Ou retrouvant l’humour vengeur du Massilia Sound System, avec cette Mouche « qui emmerde le milliardaire, qui fait la misère aux puissants », ou cette étonnante (Et rou la la ) Bouteille sur Bouteille, chanson de type médiéval sur les dangers de prendre femme, prétexte à une étonnante magique multiplication des bouteilles de Gabko, et reprise en super bonus a cappella en final.
Tout en n’étant pas dupe du monde qui nous entoure, Gari Greù et ses amis sont un vrai médicament contre la morosité. N’hésitez pas à vivre l’expérience intense d’un de leurs concerts, et soudain le mot convivialité prendra tout son sens. Une salle en délire qui tape des pieds, crie, ne veut pas les laisser partir. « On leur dit merci, merci, on leur dit merci, merci merci merci ! »
Le site de Gari Greu, c’est ici. Celui de Gabko-On s’en tape, là. Celui de JaMin, ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Gari Greu, là.
Les enfants d’Ulysse, ici avec Collectif 13
Nos pieds clip
JaMin, Marche mon frère
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