Graeme Allwright, un cru inédit (et familial) de derrière les fagots
La disparition de Graeme Allwright a fait de nous des orphelins d’une chanson nourricière, parfois fondatrice de notre identité : nous avons tous, en colo ou ailleurs, chanté ses fameuses Retrouvailles, tenté de prononcer son nom, ruiné nos doigts en tentant d’ouvrir des Petits boîtes… Bien sûr, les artistes tels que lui ne meurent qu’à moitié : leurs œuvres sont telles qu’elles seront vivantes pour encore longtemps, avant de s’estomper puis, un jour, dans longtemps, de disparaître dans l’oubli.
S’il n’y avait qu’une seule chanson de notre Néo-Zélandais à faire récit dans nos vies, c’est bien Les Retrouvailles (« Le temps est loin de nos vingt ans / Des coups de poings, des coups de sang… ») : ce fut le titre, je crois, de pas mal d’albums et compilations de notre chanteur : c’est encore celui qui a été choisi pour ce dernier album.
Un album d’inédits : deux ans et demi après sa disparition, ce sont effectivement des retrouvailles. Buvons un verre encore une fois.
A l’écoute, on comprend vite qu’il ne s’agit pas d’un album conçu d’un même élan. Que certains titres sont distants des autres : dans l’espace, dans le temps, dans l’enregistrement, dans l’intention même. Ainsi ces savoureux titres jazz (l’entame d’un projet d’album) au mitan de cette galette, qui tranchent singulièrement avec l’approche folk des trois premiers titres (dont celui, bilingue, une des deux chansons interprétées avec l’artiste folk Yanne Mathis justement, qui est un émouvant hommage à Cohen qu’il a si bien traduit)… Des textes de Graeme, mais aussi de Leonard Cohen, Gus Khan, Bart Howard, Jean-Luc Morel, Maurice Cocagnac… de Théodore Monod même, ce grand scientifique et humaniste dont la présence aux côtés de Graeme ne dépare pas, bien au contraire. Certes un peu décousu, l’album livre ainsi ses pages savoureuses, qu’on dira un jour mémorables. Ça nous prouve aussi et surtout que Graeme a toujours nourri des projets, en toute liberté : « Comme un oiseau sur un fil / Comme un ivrogne dans un chœur de minuit / J’ai voulu à ma façon être libre ». Qui plus est de transmission. Car – et c’est aussi l’intérêt de ce double-disque – l’ambiance est familiale ; c’est œuvre de générations. Aux côtés de Graeme, on découvre le fils Christophe et les petits enfants Adrien et Alice. Le second CD de ce double disque est même entièrement interprété par Christophe (sur douze titres) et par Adrien (sur trois autres) : gènes familiales qui justement ne se gênent pas.
Autre(s) voix, autre registre, difficile de se faire à une telle et nouvelle proposition qui surgit derrière l’ombre tutélaire du père, du grand-père. Ce deuxième album, c’est surtout Christophe, le fils (bien que ça débute par la reprise d’Hallelujah, cette fois-ci par Adrien, le petit-fils). Je ne porterai pas d’avis sur cette galette. Juste constater qu’à moins d’un talent exceptionnel, il est difficile de se faire un nom à l’ombre d’un aussi illustre papa : ce disque pourra-t-il installer Christophe (par ailleurs comédien) au générique de cette chanson que nous estimons ? Car le népotisme en vigueur dans le showbiz ne fonctionne pas bien dans cette part de la chanson dans laquelle fils et petit-fils s’inscrivent de fait. Fasse pour autant que cet album, intéressant, ne reste pas qu’un simple témoignage.
Le dernier titre du premier CD, Les Retrouvailles, est aussi celui qui clôt le second, mais façon reggae cette fois : une élégante façon d’envisager ce double album pas comme les autres.
Pour commander cet album, c’est ici.
Allwright (Graeme, Christophe, Alice, Adrien), Les Retrouvailles, EPM 2022. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Graeme Allwright, c’est là.
Commentaires récents