Souad Massi, des chants d’espoir et de résistance
Etonnantes pâquerettes qui fleurissent quasiment toute l’année. Cette petite fleur défie les obstacles, tenace. On la dit même capable de guérir bien des blessures. En toute beauté. C’est l’image qu’a choisie la franco-algérienne Souad Massi pour la pochette de son dixième album, Sequana, où elle apparait de face, avec deux pâquerettes posées en douceur sur ses yeux. La magnificence de la Création, y compris la plus fragile, oriente le regard. En dépit de bien des craintes et effarements devant le spectacle de monde et son destin.
C’est en cette saison au minimum morose (quoique marquée par une créativité artistique réjouissante dans le domaine qui est celui de NosEnchanteurs) que la scientifique de formation (ingénieure de génie civile) qui a choisi de vivre en France à partir de 1999 offre son bouquet de chansons (onze titres). A 50 ans le dixième album de Souad Massi ouvre un autre chapitre d’une carrière incarnant les deux rives de la Méditerranée. Si proches et parfois éloignées à la fois.
Formée à l’écoute du chaâbi algérois (elle est née dans le quartier de Bab-el-Oued), de la chanson kabyle et après un premier passage par le flamenco et le… hard-rock, Souad Massi s’est inscrite depuis dans le registre du folksong traduisant l’air du temps, mélancolique, et celui de l’engagement, pour ne pas subir. Depuis Raoui (Le conteur) l’admiratrice de Michel Berger, de Bob Dylan et de bien d’autres, comme Francis Cabrel, a tracé sa route, avec sa guitare et une voix au registre étendu, du grave au léger. Les périodes de pandémie sont depuis ses débuts passées par là. Où l’on s’interroge sur ce qui importe, sur ce que l’on transmet aux nouvelles générations, comme les filles de l’artiste. Face à ces inquiétudes Souad Massi chante l’espoir saisi dans les textes en français de l’auteur compositeur Michel Françoise avec qui elle avait déjà collaboré en 2010 (l’album O Houria) : « Entre les promesses du jour / Et la nuit noire / Tu choisiras toujours / L’Espoir ».
Musicalement nomade l’album a reçu le concours d’invités comme, en tant que réalisateur, du guitariste britannique Justin Adams (Robert Plant, Rachid Taha, Tinariwen), de la flutiste franco-syrienne Naïssam Jalal ou du plus cévenol des Britanniques Piers Faccini (sur le titre Mirages). Il est chanté pour l’essentiel en arabe et en français (avec quelques mots en anglais et en espagnol dans un chanson hommage à Victor Jara, artiste chilien mutilé et assassiné en 1973 lors du coup d’état militaire). Sequana tire son titre de l’évocation du mythe d’une déesse gauloise qui veillait sur les sources d’eau douce. Ce thème de l’eau parcourant l’œuvre de Souad Massi. Avec ses drames de la mer évoqués dans Dessine-moi un pays : « Dessine-moi une mer / Mais peu profonde / Car beaucoup s’y sont risqués et noyés / Ont mis leurs vies en péril et ont laissé des plaies / Faisant couler des larmes chaudes de leurs mères. »
L’artiste qui a soutenu les mouvements populaires contre le régime de l’ex président algérien Bouteflika garde espoir : « A l’aube, la nuit, finira par se dissiper / Et le soleil finira par se lever. » La résistance aux formes de destruction sont de rigueur. Où va le monde ? Là où nous nous engagerons suggère Souad Massi. A la suite des poètes : « Regarde où se trouve l’essentiel / D’un royaume immense tu deviendras roi ».
Souad Massi, Sequana, Backing Track Production/Virgin Music Las-Universal 2022. En concert Le 8 novembre aux Clayes-sous-Bois, le 3 février à Paris, salle Pleyel. Le site de Souad Massi, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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