Barjac 2022. Nour ouvre la voix
Sauvé dans Anne-Marie Panigada, En scène, Festivals, Gabriel Kerneis, L'Équipe
Tags: Barjac 2022, Nour, Nouvelles
1er août 2022, Barjac m’en chante, chapiteau
Dans la chaleur du chapiteau de Barjac, un quatuor : Nour chante au piano accompagnée d’une contrebasse, d’un violoncelle et d’un violon. D’elle, on gardait le souvenir des concerts aux accents parfois sombres de sa tournée d’Après l’orage. L’orage est passé avec son nouvel album, L’élégance des mots crus. Sur scène, le ton est posé dès la première chanson, autoportrait d’une chanteuse Impulsive porteuse de « l’insatiable espoir de bouffer cette vie avant qu’elle ne [la] bouffe. »
De l’énergie débridée, il y en a à revendre dans ces chansons aux paroles explicites mais jamais vulgaires. Du Cul-de-Sac avec ses métaphores religieuses érotico-humoristiques où « amen » rime avec « hymen », aux Mots crus chantés sous forme de joli duo avec son compagnon Erwan Pinard, en passant par le Ballet, longue danse haletante qui fait vibrer les corps : « je ne connaissais pas ton absence, cette blessure, cette béance ouverte par tes mains plongeant dans mon bassin. Je ne connaissais pas cette danse faisant chavirer mes chimères, deux pas en avant, trois pas en arrière […] trois pas en amer ». L’amour se fait aussi moins charnel, plus simple dans un style de jazz vocal scat dans Lumière bleue.
Les instrumentations sont impeccables : harmonies riches emplissant l’espace, multiplicité des styles et des techniques, des pizzicato aux glissando, polyphonies des musiciens, piano préparé à la John Cage, percussions sur le corps de la chanteuse et des instruments, jeux figuratifs où les cordes font entendre le va-et-vient d’un coït ou le chant des oiseau. Dans ce foisonnement musical, la voix ressort claire et virtuose : passant sans effort apparent d’un souffle soutenu à des onomatopées explosives, elle laisse deviner un grand travail pour nous promener des aigus aux graves avec cette impression de facilité.
Les thèmes sont variés, inattendus : l’histoire d’un petit oisillon qui vit dans La maison en carton, le Sale temps du poète dans le monde contemporain, les fluides en tous genres qu’il faut Laisser couler dans un flot de mots qui emporte. Cette belle inventivité déborde des textes pour s’inviter sur scène : Nour la parcourt en tous sens, s’assoit sur son piano, grimpe dedans, se saisit d’un maillet pour pourchasser un oiseau-garou dans le public. Cette frénésie finit par gagner la musique qui se fait, le temps d’un morceau de poésie expérimentale, déviante et angoissante aux accents de free jazz pour traduire l’instabilité du monde. On regrettera seulement dans ce bouillonnement quelques transitions moins adroites, où la poésie cède le pas au trivial. Le vrai regret, c’est que les concerts de l’après-midi à Barjac sont trop courts ! Mais il faut conclure, alors — comme pour se souvenir des épreuves passées qui ont semé les graines de cette vitalité — le tour de chant se termine sur Après l’orage. Une manière pour Nour de faire éclore sur les ruines fumantes « des roses, des lilas, des choses toutes délicates ». Suspendues.
Le site de Nour, c’est ici ; ce que Nos Enchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
L’impulsive (live)
Le grand vide (live)
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