Off Avignon 2022. Oldan, toute la scène
22 juillet 2022, 95-Au Verbe fou, Avignon
Comment, vous ne connaissez pas Oldan, alias Daniel Olive ? Vous perdez quelque chose. Ou quelqu’un. Dois-je avouer que je ne le connaissais pas non plus ? Pourtant, cela fait un moment qu’il participe au Festival d’Avignon tant en tant que créateur, auteur, qu’interprète. Oldan préfère la liberté, la création, l’écriture, le mélange des genres, la nature, être lui-même, un homme qui marche (c’est le titre d’une de ses chansons) et ne pas regarder en arrière, avoir toujours un projet en route.
En 2022 ce n’est pas moins de trois spectacles qu’il enchaîne à Avignon : une pièce de théâtre, L’homme inouï, qu’il joue également au Verbe fou avec ses musiciens qui sont autant de comédiens, devant une création vidéo autour du « Jardin des Délices » de Jérôme Bosch. Une interrogation intelligente et poétique autour de l’homme, capable du meilleur comme du pire, particulièrement en ce moment où il est en train de tout détruire. Génial et fragile, nous dit-il, mais il reste l’espoir. Puis ce concert. Et enfin, une incarnation poétique, Boire, baiser, écrire, Un air de Bukowski, un seul en scène au Sham’s Théâtre où il boit beaucoup… C’est cru, torturé, passionné et sincère. Car Oldan est avant tout un homme de scène, venu du Cabaret des fous qu’il a créé en 2003 sous le pseudo Mr Max. Ce n’est qu’en 2010 qu’il sort son premier album, Memento, influencé par Bashung et Arno. Par la suite il alterne théâtre et chanson, avec ses deux premières pièces à Avignon en 2013, Serial K (qui deviendra un album en 2015) et Oscar Wilde est mort. Il est depuis un fidèle d’Avignon.
Oldan donc, c’est sept albums, en comptant ce Scène occupation qui est une somme des autres. Si Oldan se refuse à être un chanteur engagé, sa plume est habile à souligner les absurdités et les injustices de notre monde, comme le mépris des favorisés pour les « gens vulgaires » (Chanson chic). Sans jugement, sans solution mais en ménageant toujours une part d’espoir. « Dans le meilleur des mondes possibles / Nous serons unis / A défaut d’être semblables ». Il décrypte bien la solitude de l’humain moderne sur-stimulé, saturé, au bord de l’abîme « Englué de messages / Je nage dans les images (…) désespérément seul » avec « Le bruit du monde »…
Son thème principal, c’est l’humain, ses faiblesses voire ses noirceurs qui le rendent fascinant, cet Ange noir qui commence par une scène d’assassinat théâtralisée, avant de décrire celui qui glisse dans nos peurs « Avec douceur et délice ». Une large part pour ne pas dire récurrente est consacrée à la sensualité « Cette pulsion que rien n’empêche / Lèvres humides et gorge sèche » et à l’amour, dans la joie comme dans la douleur. Et il se présente avec beaucoup d’autodérision, ce qui le rend sympathique, avec un objectif modeste, « Je vais je viens je chavire / Toujours curieux de tout / Admirez mon seul désir / C’est d’être un humain debout », se reconnaissant Rien que le roi de rien : « Mon corps et mon seul empire / Je ne commande qu’à mes pieds ».
Sur scène il coche tous les clichés du rocker avec élégance : entièrement vêtu de noir, chapeau de cuir, bien planté sur deux jambes légèrement écartées, et ce sourire malicieux qui désamorce le côté mystérieux des lunettes noires rondes entièrement opaques. Suivant les moments, on pense à Ferré, à Higelin, Bashung, Gainsbourg dans ce Bottle man, « Allez Arno, tu vois l’bazar », dans ce Moi Dandy, avec Maya K. qui scande le titre, tandis qu’il parle, « Je fais sonner ma trompette / Devant les portes de l’ennui ». Une voix qui s’éraille à la montée, mais reste chaleureuse, avec une excellente diction, pas couverte par les musiciens pourtant très présents – ils sont quatre, Japy lo Pinto au cajon, Denis Richard à la basse, et Patrick Matteis, le compositeur des chansons depuis les débuts, à la guitare électrique - ce qui est fort appréciable dans un concert de rock qui fait si bon ménage avec la poésie.
Et puis Maya K, d’abord discrète aux percussions à secouement, telles ce bâton de pluie qui, avec le miaulement de la guitare, donne l’ambiance à la sensuelle chanson encore chaude, plus parlée que chantée où l’on devine les draps froissés « Le lit, l’odeur, l’abandon … et je retourne à la raison ». Puis aux chœurs, puis à la deuxième voix, en fusion ou en réponse, et en apothéose sur une guitare et une basse lancinantes, dans cette danse d’expression corporelle, sur cette Confidente, entre Eros et Tanathos. Le silence qui suit dans le public avant les applaudissements est une apnée d’émotion.
Reste à attendre La fin du monde… tous serrés pour la photo « On pourra pas la r’faire ». Pourquoi ne peut-on pas (tout recommencer) ? Mais vous, si le monde et lui sont encore là en 2023 à Avignon, vous irez voir Oldan.
Oldan en Quintet « Scène Occupation », au 95. Au Verbe fou, théâtre litteraire. C’était du 7 au 30 juillet 2022, 95 rue des Infirmières à Avignon. Le site d’Oldan, c’est ici.
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