Off Avignon 2022. Y’a de l’a joie au Cayenne Club
29 juillet 2022, Théâtre l’Arrache-Cœur, Avignon
Un homme à tête de cheval se tient silencieusement sur scène, une guitare en bandoulière, en shorts et chaussures de randonnée. À ses côtés, un autre en combinaison orange pastel, presque timide, contemple sa batterie. Le spectacle de Mehdi Cayenne commence sous le signe de l’étrange. Mais le cheval cède la place à un artiste souriant, déjanté, dont l’accent québécois, l’humour, la séduction, les mots ne visent qu’à une chose : offrir de la joie. Une joie brute et sauvage qui a traversé l’Atlantique à la nage. « Je vous chante que tout ira mieux. »
Le public hésite d’abord, face à cette déferlante de générosité sans retenue ni pudeur, ce chanteur « un peu gauche, un peu maladroit » qui danse avec l’entrain d’une fin de concert dès sa première chanson. Il s’en moque, sûr de son univers : nous sommes au Cayenne Club, la vie est dure dehors, là où « le système est normal », mais ici l’espoir est possible.
Mehdi Cayenne est un homme de voix. Il joue avec son timbre, module du grave rocailleux du crooner au suraigu de fin de chanson. Son groove venu d’Amérique, aux lignes mélodiques fracturées mais parfaitement maîtrisées, est déroutant pour nos oreilles habituées à la chanson française. Les instrumentations sont minimalistes, simple ligne de basse à la guitare électrique ; le rythme est porté par la batterie sans faille d’Olivier « Maître » Bernatchez.
On se laisse peu à peu gagner par son programme de révolte contre l’absurdité du monde. « La meilleure vengeance c’est de bien vivre : il y a une sorte de lutte dans l’allégresse. » Les sourires naissent sur les visages, des rires éclatent tandis qu’il se démène sur scène, grimpant en haut d’un escabeau, renversant son pied de micro, courant et sautant avec une énergie folle qui lui fait — très littéralement — tremper la chemise.
Mehdi Cayenne est un homme de mots. Il joue avec les contraires, les inventaires à la Prévert : « croque-pomme, zombie, Cayenne Club, bandit. » On peine malheureusement à tout comprendre, entre débit rapide et petite salle peu adaptée aux coups de grosse caisse. C’est dommage car il tresse images et métaphores avec un talent de poète, que l’on goûte avec une émotion intense quand la musique s’apaise en fin de concert, et qu’il récite « nous bâtissons des cathédrales » a cappella dans une lumière vacillante.
Il joue avec le public, passe dans les gradins entre les chansons, parle beaucoup, entraîne les spectateurs à chanter avec lui refrains ou chœurs. Il tombe doucement le masque du saltimbanque à mesure qu’il se rapproche de nous, livre des images d’une enfance difficile comme une clé de son entreprise de lutte contre le manque de sourires. On sent les fractures sur une belle reprise de Souchon, Foule sentimentale. Pour la dernière chanson, les frontières s’effacent, le public monte sur scène à son invitation, et tous en cercle autour de lui nous chantons : « je vais danser jusqu’à ce que mort s’ensuive, et que qui m’aime, et que qui m’aime me suive. »
Épaule contre épaule, la salle passée sur scène s’incline en un salut collectif face aux gradins à présent vides. Mehdi Cayenne repart au Canada. Il laisse un peu de sa joie là.
Le site de Mehdi Cayenne, c’est ici ; ce que Nos Enchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Prochains concerts en août et septembre au Canada, détails sur son site.
Dans le cadre de Chanson Off, sélection Fédéchanson (anciennement Adami), dispositif parrainé par Les Bains-Douches, le Festival Chant’Appart, L’Estival, La Manufacture Chanson, le Théâtre de Poissy, Le Train-Théâtre qui met à l’honneur la chanson francophone actuelle.
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