Antraigues 2022. Chanson, truites et coquelicots… [2/3]
Festival Jean-Ferrat, Antraigues-sur-Volane, 16 et 17 juillet 2022,
C’est un festival. A moins que ce n’en soit plusieurs… Bien sûr, à penser Antraigues, on pense à sa place forcément en résistance, là où en temps normal boules et cochonnets rivalisent d’adresse, là où est dressée cette grande scène, à côté de La Montagne, face à Lo Podello. Les grands spectacles s’y déroulent. Mais pas l’élégante diversité des autres concerts. Pour découvrir plus encore la chanson et ses esthétiques parfois fort éloignées, on va à La Truite ou aux Coquelicots, à l’Espace Jean-Saussac ou à l’Espace Christine-Sèvres, dans l’église quand elle n’est pas abusivement squattée par un mariage chic et très cher, à la Maison Jean-Ferrat aussi. Ici, tout fait scène. Et les artistes vont et viennent dans ces nouveaux paysages de la chanson, où le public vient avec son pliant y poser son séant, ou sans, à même l’herbe, à même la plage, les galets.
C’est là où on découvre P’tite Gueule, Sèbe, Lwada, Tom Bird, Auguste Wood, Le Caribou volant ou Gyslain.N, générique improbable que le talent d’une programmation a su rassembler. A la croisée des scènes, à la croisées des genres. Superbe prestation, Gyslain.N est ainsi entre la chanson, le hip-hop et le slam, entre prose et vers, récits et poésies : on murmure qu’il a des chances de revenir à Antraigues, sur une plus grande scène que celles des truites et des coquelicots. Beauté, comme l’est l’art séduisant de Tom Bird, qu’on ne peut que farouchement aimer. Truites et coquelicots, ça s’accorde bien au Caribou volant et aux préoccupations que traversent ses chansons écolos, soucieuses de l’environnement, rudement nécessaires : rien que ses notes sont étonnante bio-diversité…
Il faut faire l’effort d’aller applaudir ce « Off » du festival, quitter la buvette centrale, marcher vers la découverte, hors des itinéraires bitumés : c’est toujours gagnant-gagnant, bon pour le cœur, bon pour nos émotions. Aller de Sèbe à Lwada, c’est mieux que de Charybde à Scylla : c’est chercher de nouvelles expressions, c’est sonder la chanson, c’est se dire que ce bon Jean-Ferrat s’active à sa succession et que s’il reste encore quelques sectaires chez l’ermite d’Antraigues, c’est qu’ils n’ont rien compris à cette œuvre que pourtant ils admirent.
Le festival d’Antraigues, c’est ça : non se réfugier dans une esthétique étroite mais au contraire faire la démarche de découvrir. Le slogan du festival, cette année, c’est « J’ai pas fini mon rêve » mais comment voulez-vous le finir quand on abolit ainsi les frontières de l’imaginaire, qu’on ouvre les portes de la poésie : rêve et chanson sont sans limite aucune. Ce festival dirigé avec talent et simplicité par Philippe Chalabreysse et Anja Wissman va bien plus loin que l’horizon, sème des coquelicots hors-saison, fait de truites de somptueux arcs-en-ciel. Il chante, enchante : il augmente notre surface de chansons. Ça en fait l’un des plus beaux qui soient.
Le Caribou volant « Abeilles road » :
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