Dani, 1944-2022
Il y a des jours comme cela : toutes les attentions ou presque sont fixées sur quelques sujets brulants et voilà qu’une disparition bouscule une fois encore le quotidien, offrant un moment de consensus au cœur des discordes. Une voix, des chansons se rappellent à nous. Ces airs qui nous rappellent bien des émotions et des destins plus ou moins cabossés. Ce mardi caniculaire les proches de la chanteuse Dani ont annoncé son décès. Elle avait 77 ans. Artiste multiple à divers titres (actrice après avoir rêvé d’être sculptrice, mannequin, meneuse de revue dans sa boîte de nuit, gérante de magasins de roses) Dani (Danielle Graule) est morte ont indiqué ses proches des « suites d’un malaise », dans la région de Tours, où elle résidait près de sa famille. Dani venait de terminer la tournée consacrée à son album et spectacle, Horizons dorés (sorti en 2020 à l’heure des confinements). Forte de cette énième réinvention elle achevait la préparation d’un nouvel album au titre curieusement annonciateur : Attention départ. L’artiste qui avait, au cinéma, notamment tourné avec François Truffaut (La Nuit Américaine et L’Amour en fuite) a incarné un puissant goût pour les rebonds de la vie et la création, au-delà des épreuves.
L’album « Horizons dorés » alors qu’elle affichait 75 ans se présente désormais comme un autoportrait sans concession et plutôt rieur d’une des plus rock n’roll des égéries des années sixties. Une catégorie qu’elle relativisait de sa voix singulière quand on la présentait comme une icône, une muse ou autre sujet de vénération. Dani cultivait l’indépendance et l’image d’une personnalité irrésistible .
Quatre ans après une compilation et dix ans après son précédent album, Dani orchestrait en 2020 un retour sur disque et sur scène. Carrière à éclipses. Depuis 1966 et son premier 45 tours, Garçon manqué, et le premier succès, Papa vient d’épouser la bonne, chanson des années 30 mise au goût du jour, jusqu’à son retour sur scène en 2001 en duo grâce à Etienne Daho avec la chanson Comme un boomerang que lui avait écrite Serge Gainsbourg pour un éphémère concours de l’Eurovision dont elle avait été exclue.
Tout ou presque est dit dans ce qui est son dernier album Horizons dorés, dans la chanson titre écrite par Pierre Grillet : « J’ai vu des vœux s’exaucer / Connu des mieux différés / Jamais je n’ai renoncé / J’ai rêvé la nuit le jour / Personne n’a su m’empêcher / J’ai rêvé la réalité ». Les arrangements de la guitariste Emilie Marsh venant à l’appui de la force du propos. D’autres chansons comme Dingue, une des six reprises sur les neuf titres, ou N comme never again, évoquent des saisons difficiles pour Dani qui avait raconté ces épisodes dans Drogue la galère. Dans La vitesse, un des trois titres inédits, son parolier lui taillait une chanson sur mesure sous forme de credo : « La seule chose pour laquelle il y a urgence / C’est l’amour / C’est l’amour tout court. »
Dani avait confié en 2020 dans un article de l’hebdomadaire La Vie son lien teinté de rock n’roll à la spiritualité chrétienne, inscrite depuis son enfance à Perpignan et qui l’avait aidée dans les pires moments. Un autoportrait d’une artiste aux multiples facettes non étrangère à une forme de transcendance. Mais ceci est une autre histoire.
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Dani, c’est ici.
Elle disait d’elle qu’elle n’était pas une icône, qu’elle n’avait pas de profession et qu’elle faisait juste ce qu’elle aimait dans la vie…
J’aime son honnêteté… et son… clin d’oeil amusant dans son clip tourné au quartier rouge à Amsterdam… où derrière les vitrines coquines ce sont des hommes, et pas des femmes…
Dani, une icône souriante et malicieuse pour moi !
texte prélevé sur la page facebook d’Emilie Marsh
Ma Danette,
Depuis ce jour de mai 2015 où nos chemins se sont croisés, on ne s’est plus quittées.
Toutes les deux sur scène nous avions quelque chose de spécial « je peux pas l’expliquer » tu disais.
On se parlait tous les jours. Avant-hier encore.
On devait prendre un train ensemble demain, pour aller jouer chez tes amis à Nîmes.
Pendant 7 ans on s’est raconté nos vies, nos rêves, des souvenirs, on a dansé, ri, bu, chanté, fumé dans les loges, pris des trains, dit tellement de conneries, fait beaucoup de concerts, des rencontres improbables, vécu des scènes où tu me disais « on est dans un film » tant le moment était absurde.
Mais quelle chance, et quelle intuition tu as eu en prenant mon numéro cette première fois, comment aurions-nous pu deviner à quel point nous deviendrions inséparables.
Je garde tes mots, tes expressions, ton visage, ta voix évidemment, ta joie, ton audace, ta provoc’, ton immense tendresse, ta générosité, ton amour de la nuit, de la vie, ton amour tout court.
Tu m’a fait devenir la femme et la musicienne que je suis aujourd’hui. Merci ma Dani. Je n’en reviens pas, même si tu m’avais prévenu que c’est comme ça que tu partirais : « d’un seul coup ».
Tu étais très tranquille avec tout ça, moi un peu moins en imaginant à quel point tu allais me manquer.
Ma confidente, ma chanteuse rock n’roll, mon amie, ma famille, my partner in crime, je t’aime à l’infini, je te garde précieusement au fond de moi, c’est quand même pas la mort qui va nous séparer.
Merci Emilie d’avoir trouvé les mots du coeur.