Jean Marc Tomaselli, merci la vie
C’est bien un disque de renouveau que Jean Marc Tomaselli nous présente ici, avec son titre qui résume tout : La vie est si belle. Merci à Claire Donjerkovic pour le très beau travail de cette pochette. Tous ces éléments créent une sensation de beauté, de sérénité, où seules apparaîtraient les traces d’une vie, celles que tout homme se doit de laisser à ses proches, à ses amis comme à sa postérité.
Son parcours, maints artistes s’y sont affrontés. Un début prometteur, une adolescence baignée d’influences anglo-saxonnes, du grand-ouest puisqu’il habitait au Maroc près d’une base américaine. Insidieusement ses parents lui transmettent aussi leur culture chanson, de Trenet à Barbara ou Bécaud en passant par Brassens.
Adolescent il reprend les standards américains dans un groupe, voyage avec les hippies de l’époque puis travaille au Club Med, professeur de tennis le jour, animateur-chanteur le soir. C’est là qu’il rencontre l’éditeur Claude Pascal (Renaud, Le Forestier, Moustaki…) qui lui fait signer un contrat chez Polydor pour deux 45 tours et deux albums. Malheureusement à son départ un nouvel éditeur lui impose un rock variété enregistré avec des machines, rejetant les titres pourtant déjà enregistrés.
Après deux 45 tours décevants, une mini tournée de promotion en playback, Jean Marc Tomaselli préfère abandonner la musique plutôt que de trahir son inspiration et fera une carrière commerciale et artistique comme galeriste. Il reviendra à la musique en voyant les miracles qu’elle accomplit sur un de ses enfants autistes, ce qui l’entraînera à fonder l’association Arte Show dont le parrain est Zachary Richard. Deux disques sortent, Plumes Nomades, des titres originaux, puis Chansons d’autres plumes, des reprises (beaucoup de canadiens), avec le très beau duo de chanson Siotantka (Le bois qui chante) qu’il a formé avec Jean-Marc Szkudlarska aux percussions et à la voix… qui chante, bientôt rejoints par Michel Billes. Avec qui il fonde le Festival Lez’Arts O Soleil, jazz voyageur et chanson du monde au château de la Tour D’Aigues.
En 2017 une autre épreuve attend Jean Marc, maladie contre laquelle il a lutté trois ans tout en honorant ses concerts, la musique étant sa meilleure thérapie, et qui lui laisse un peu de répit pour pouvoir apprécier tous les cadeaux que nous fait la vie lorsqu’elle n’est pas trop cruelle.
C’est entouré d’amis et des meilleurs musiciens du cru qu’il a lui-même financé ce bel album. Citons celui que nous avons maintes fois rencontré, le pianiste Jonathan Soucasse, mais aussi Pascal Delalée au violon et à la guitare, aux arrangements des cordes des autres musiciens, contrebasse, violoncelle, guitares… et tous ceux aux vents et aux chœurs, Ben Rando qui l’a enregistré au Studio Éole à Rognes… Les musiciens ont découvert les chansons à l’enregistrement, et chaque titre a été enregistré en une ou deux fois, dans des conditions de spectacle vivant. Tous issus du jazz, cette relative improvisation les a motivés.
Quatorze chansons, toutes écrites et composées par lui, où Tomaselli nous embarque avec sa façon séduisante de poser sa voix, même légèrement patinée par le temps, tel un Guy Marchand un peu cynique. Sujet prédominant : des amours trop tôt finies, Le sémaphore, Depuis j’traîne. La nostalgie côtoie parfois une danse tourbillonnante pleine d’espoir : « J’ai trop d’parties gratuites / Au flipper de mes nuits / On se double, on se quitte / On se dit quelle chienne la vie » (Mes bouteilles à la mer ). D’ailleurs la mer est une autre de ses sources d’inspiration. Il nous confie qu’une nuit de tempête et d’insomnies lui a soufflé cette « Larme à la mer [qui ] vient du temps qui passe » qui tangote sur l’ Hôtel du Nord, reprise de l’album Plumes nomades. Légères ou tristes, ses amours dansent ou voguent sur des bateaux blancs, souvenir de ses périples autour du monde. Point d’eau nous emporte dans des rythmes envoûtants dans une savane en flamme, où les panthères ne sont pas toutes des fauves dangereux.
Souvenirs ou fantasmes, la Fatale aventurière, L‘inconnue de l’Orient express, sont regrets ou occasions manquées, et Captain Nemo parle de rêve de succès : « J’ai enfin le pouvoir / Oui, j’ai trouvé les mots / Et ma chanson d’amour / Passe à la radio ».
Il sait aussi toucher profondément en abordant les sujets éternels, le temps qu’on voudrait arrêter : « Bousculer le ciel, casser les miroirs / À double tour, enfermer dans l’armoire / Sa peur du noir », le travail qui fait perdre les rêves (Le métallo). Et sa plus belle déclaration d’amour va à l’Insomnie qui partage ses nuits : « Dans un corps à corps, une passion douloureuse / Tu me fais l’amour, comme une mante religieuse » sur une splendide et déchirante mélodie.
Tomaselli finit l’album sur une musique plus légère que son thème : « J’m'en irai, j’m'en tirerai quand même / J’mentirais si j’disais que j’en ai d’la peine », nous promettant un retour sur un « bateau nénuphar » dans un chœur joyeux de bouquet final. N’arrêtez pas votre platine, elle tourne encore. Et puis, le sous-titre, Acte 1, ne nous laisse-t-il pas attendre une suite ?
Le compte facebook de Jean-Marc Tomaselli, c’est ici. En concert ce jeudi 2 juin 2022 à La Boutique de la Bière 6, za Bastides Blanches 04220 Sainte-Tulle.
Jean Marc Tomaselli, La vie est si belle, Acte 1, autoproduit / Believe, 2022. Disponible sur toutes les plateformes, à JMT ou Jean Marc Tomaselli.
Merci !