Ramon Pipin, le cul birthday de nouilles

Ramon Pipin (photos Thierry Wakx)

Paris, Le Café de la Danse, 25 mai 2022,

C’est ce 25 mai 2022 que Ramon Pipin a atteint le sommet de sept décennies. Comme se laisser abattre n’est pas dans ses gènes, le toujours fringant rocker a décidé de passer ce cap lors d’une soirée inoubliable, entouré d’un max de musicos tous plus talentueux les uns que les autres. Un concert qui passerait en revue ses 50 ans de carrière, de ses débuts tonitruants au sein du groupe Au Bonheur des Dames à ses derniers albums solos, en passant évidemment par cette pierre angulaire du rock français acerbo-rigolo qu’est Odeurs. Toute une vie consacrée à la musique synthétisée en un récital sobrement intitulé Best œuf.

Le Café de la Danse est évidemment bondé. Un public pas tout jeune, on s’en doute, mais prêt à dégainer son sourire et à laisser éclater ses rires. Il sera servi en abondance durant près de deux heures et demi d’un concert généreux. Le Pipin’s Band est venu en nombre et en force : pas loin de quinze musiciens et choristes entourent la vedette du jour, auquel on ajoutera quelques guests venus en renfort : Jean-Michel Kajdan et sa guitare magique, ses complices du Bonheur des Dames Shitty Télaouine et Sharon Glory, le comédien-chanteur Jérôme Sétian… La scène a bien souvent semblé trop étroite pour tant de talents réunis.

Comme toujours avec Ramon Pipin, la perfection musicale n’est pas loin. C’est à la fois rock et classieux, poisseux et aérien. Guitare, basse, batterie sont bien sûr de la fête, mais à l’unisson avec un élégant quatuor à cordes ou des cuivres clinquants. Les morceaux s’enchaînent, mêlant les époques pour le plaisir de tous. Joie de (re)découvrir cet Ego-Dames millésimé 1974, où s’affirmait déjà l’ambition teintée de morgue provocatrice de l’artiste (On entend dans le poste des musiques infâmes / Et nous, on est la riposte, Au Bonheur des Dames), de reprendre en chœur le refrain crétin de Youpi la France (Je suis content de vivre en France / Je me sens bien dans mon pays), d’écraser une larme sur la fausse mélancolie de Ta robe en taffetas, d’applaudir ce sommet de l’égocentrisme qu’est Je m’aime… Plaisir intense de goûter aux nombreuses perles de ses disques solo, où l’humour froid teinté de cynisme va de pair avec une vision désenchantée de l’humanité (Comment éclairer votre intérieur, Stairway to eleven, Polpote Park, Mon avocat est dans la salle…). Bonheur simple enfin de rire de ces twongs (ainsi Pipin nomme-t-il ses chansons courtes, à mi-chemin entre le tweet et la song) farcis de calembours pourris, ou de ses nombreuses chansons qui le mettent en scène avec autodérision, tel un Jean-Claude Tergal de la chanson française (Anecdote, Mon arbre génialogoque, Viandox…).

Le public est aux anges, quoique passablement amorti (comment a-t-il pu rester stoïquement assis sur son siège lors des morceaux de feu que furent Je promène le chien ou Le débat ?). Il s’abandonnera toutefois à l’occasion du final flamboyant, où s’enchaînèrent le grand classique d’Odeurs Que c’est bon chanté par la Clarabelle d’origine et le grandiloquent et martialement ironique Nous sommes tous frères.

La soirée d’anniversaire va s’achever par la traditionnelle remise de cadeau, qui voit Laurent Baffie et Jean-Marie Bigard monter sur scène pour offrir au récipiendaire hilare un magnifique urinal doré. Il est alors temps de se quitter sur le Vilain petit zoziau entonné a capella par tous les participants de la soirée. Conclure un concert par ce vers transcendant « Sois bien sûr, vilain petit zoziau, que je t’encu-cule », il n’y a assurément que Ramon Pipin pour faire ça ! Est-on bien certain qu’il affiche 70 balais ???

Le site de Ramon Pipin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« La porte du jardin » au Café de la Danse, mise à jour 1er juin 2022 
« Nous sommes tous frères » :
Répétitions du « Best oeuf » :