Renaud, Stop ou Encore ?
De Ghislain Debailleul,
La voix ?
Que l’on songe à Philippe Léotard, Serge Reggiani ou Allain Leprest, Renaud n’est pas le premier artiste qui a perdu sa voix mais qui persiste à enregistrer des albums. Soyons de bon compte, il est même en progrès par rapport à ses deux enregistrements précédents. Une réduction significative de sa dose journalière de nicotine semble avoir eu un effet bénéfique.
Des reprises ?
Certes, mais Renaud a régulièrement rendu hommage aux artistes qui l’ont inspiré ou qu’il aime. Un petit regard en arrière et l’on retrouve par exemple l’album consacré en 1996 à Brassens. Ici Renaud convoque Moustaki, Ferrat, Brassens, Trenet, Higelin, Aufray, Hardy, Bourvil, Dimey … Difficile de parler de mauvaise pioche.
De nouveaux arrangements ?
Un album de reprises vaut aussi, surtout diront certains, par la manière dont l’artiste est accompagné. Je crois que Michel Cœuriot fera l’unanimité quant à la qualité du travail accompli. Quant on sait qu’il a travaillé avec Jonasz, Nougaro, Simon, Souchon ou Voulzy, le risque d’obtenir un mauvais résultat est assez limité.
Des raisons bassement pécuniaires ?
Il existe peut-être un contrat entre l’artiste et sa maison de disque qui le pousse à sortir cet album de reprises. Qui sait ? Mais à la veille de son septantième (soixante-dixième) anniversaire, prouver coûte que coûte que l’on n’est pas fini doit probablement aussi être un moteur pour Renaud.
Des nouvelles chansons ?
Souhaitons que cet album de reprises soit un album de transition avant la parution de nouveaux titres à la hauteur des années de gloire*. Que l’on se souvienne des derniers albums de Leonard Cohen (« You Want it Darker ») et tous les espoirs sont permis.
Des avis chez NosEnchanteurs ?
- Et de 13. Renaud à la veille de ses 70 ans offre des reprises de 13 chansons bien placées dans le répertoire français. Un beau cadeau en somme, un hommage, et un certificat de vie, comme on le dit dans les assurances. L’intention est bien comprise mais le résultat ? L’habitué du chanteur énervé pouvait craindre le pire après l’écoute récente du premier extrait Le métèque. Il n’en est rien. La voix ? Et pourquoi ne continuerait-on pas à chanter quand le corps commence à être cabossé ? Le choix des titres ? Une belle brassée de messages nostalgiques sur fond d’humanité. Comme la reprise de l’Amitié, succès intemporel dans le parcours de Françoise Hardy. Tout à fait honorable la reprise de Bonhomme de Georges Brassens. Quant à La Tendresse chère à Bourvil, on se prend à le fredonner une fois encore, comme un viatique pour traverser des temps cruels. La reprise du titre de Dimey/Carol, « Si tu me payes un verre » annonce un album à venir dans la nouvelle collection de NosEnchanteurs, avec un.e autre interprète. Et voilà le tout servi par les orchestrations fines du vétéran et le bel artisan Michel Cœuriot. « Je suis mort qui, qui dit mieux ? » de Jacques Higelin, un titre un peu oublié, clôt l’exercice. Pour ce dix-huitième album studio Renaud réussit son grand écart entre hier et désormais. - Robert Migliorini
- L’affaire s’annonçait mal. La chanson envoyée en éclaireuse, le Si tu me payes un verre rendu célèbre par Reggiani, s’était avérée catastrophique, avec le chant désespérément sans souffle de Renaud et son clip totalement hors de propos (pour une histoire de rencontre entre deux ivrognes dans un caboulot populaire, on se retrouve dans une brasserie chic parisienne avec le chanteur derrière un coca et Jean-Paul Rouve un café à la main !). Mauvaise pioche donc ! A quoi fallait-il s’attendre pour le reste ?
La surprise est donc de mise. Bien que le résultat ne soit pas réellement convaincant, il faut admettre que ce Métèque n’est pas le désastre redouté. Sans rien ajouter à la gloire de l’artiste, il n’est en effet pas honteux pour autant, certains titres (le Ça va ça vient de Lapointe, Le Je suis mort qui, qui dit mieux d’Higelin, La Tendresse de Bourvil…) passant même plutôt bien la rampe. C’est toutefois beaucoup plus dur pour d’autres morceaux, because ce chant qui n’en est plus un. Je n’ai ainsi même pas pu écouter jusqu’au bout son Temps des cerises, ni le Nuit et brouillard… Quand on ânonne les textes comme on réciterait le bottin, l’émotion a du mal à se frayer un chemin. La chanson-titre en est ainsi un bel exemple, tant on a l’impression que Renaud ne savait pas, lors de l’enregistrement de sa partie, que l’orchestration de la chanson serait plutôt rock !
Un tel disque est de toutes manières destiné aux fans de Renaud, dont l’indulgence sera proportionnelle à leur degré de tendresse envers lui. Car objectivement, si elle n’était pas portée par le chanteur énervant, jamais une telle œuvre n’aurait vu le jour ! Qui aurait envie d’écouter un Tartempion chanter avec une telle voix et de cette manière un répertoire irréprochable, certes, mais dont il existe vingt mille versions bien meilleures ??? Soyons francs : s’il n’était signé Renaud, l’album (forcément autoproduit !) aurait vu son horizon limité à quelques groupes rigolards de Facebook. - Pol de Groeve
- Même si la voix n’est évidemment pas au top, on sent qu’il a fait des efforts pour soigner l’album. Renaud a fait un choix de chanson très proche de ce qu’il est, de ce qui l’a construit artistiquement, et l’album est très bien produit. – Vincent Capraro
- Ainsi, en à croire ses indiscrétions au micro d’RTL, Renaud préparerait deux autres albums. Que pouvons-nous y faire, si ce n’est d’espérer ? Renaud est un produit industriel à l’obsolescence depuis longtemps programmée, à la date dépassée, mais qui continue à générer beaucoup d’argent. Plus qu’un produit culturel, il est devenu un phénomène économique, une machine à cash. On ne se bat pas contre l’argent-roi, encore moins contre ses fanatiques, pardon : ses fans. Mais comment écouter Renaud sans peine, sans souffrance ? Chaque chanson est nouvelle scarification. Alors on me dit que certains titres ici sont plus réussis que d’autres. Ce n’est pas que je préfère systématiquement les originaux aux copies, mais, là, y a pas photo(copie).
Qu’on m’entende bien, j’aime Renaud, je l’ai suffisamment dit, assez écrit je pense. D’Amoureux de Paname à La Belle de mai, je dis, je crie bravo ! Puis je suis bien plus nuancé. Ensuite, j’évite, je fuis. La chanson est bien trop large, trop belle, pour m’enfermer dans ce débat étriqué, riquiqui. C’est bien que Renaud chante encore, pour lui, pour ses fans, pour les actionnaires de sa maison de disque, pour tous les gens qui bouffent grâce à son biznesse. Mais ce disque-là ne me concerne pas. - Michel Kemper
- Ça n’avait rien d’évident, le talent de Renaud étant plus dans ses textes que dans sa voix et son interprétation, d’autant que la dite voix dans les derniers concerts était quasiment inaudible (Bravo aux techniciens son pour le disque).
Si certains titres ne me convainquent pas, je trouve aussi qu’il y a du bon : Côté tendresse, j’aime bien L’amitié, La tendresse, Bonhomme (même si la voix tire un peu). Côté fantaisie, belle surprise sur le Boby Lapointe Ça va ça vient, sur le Trenet La folle complainte. Pour l’aventure, le Dylan / Delanoë Le jour où le bateau viendra (même si je préfère Aufray), La Complainte de Mandrin passent bien. Nuit et brouillard est plus difficile, mais qui peut le reprendre ? Si tu me payes un verre est crédible, semi-parlé. Et Je suis mort qui, qui dit mieux d’Higelin devient du Renaud… Beau choix de titres, pas de découvertes, mais un florilège de la chanson française et francophone du XXeme siècle, celle qui a bercé Renaud, en évitant les trop « tubesques », et des arrangements musicaux qui revisitent l’atmosphère de chaque chanson, rock, chanson, jazz .
- Catherine Laugier
Alors, stop ou encore ?
Vous l’aurez compris, à chacun de répondre à cette question. De toutes façons, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. En confidence, moi ce nouvel album de Renaud Séchan, je l’aime !
Ghislain Debailleul
*Renaud vient cette semaine d’annoncer au micro de RTL qu’il pensait à deux autres albums, un deuxième de reprises, et un de chansons originales, sans envisager de retour sur scène.
Renaud, Métèque, Warner/Parlophone 2022. En CD, Vinyle, CD Collector, Box collector et box collector spéciale fans.
Le site de Renaud, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
« L’amitié » (Jean-Max Rivière / Gérard Bourgeois – Françoise Hardy)
« Si tu me payes un verre » (Bernard Dimey / Cris Carol) clip
« Ça va ça vient » (Boby Lapointe)
Pour moi je pense que le seul intérêt de faire ce disque c’est que ça l’a occupé quelques mois et ça c’est déjà énorme.
Tous les arrangements de Cœuriot sont excellents évidemment, et les ingés son en studio on fait un très très gros boulot derrière et se sont arrachés les cheveux( je l’ai de source direct) mais ça à limite on s’en fout.
La plupart des chansons s écoutent plutôt agréablement quelques-unes un peu moins.
Renaud fait ce qu’il peut avec ce qu’il lui reste de voix c’est-à-dire plus rien mais l’âme et le cœur y est et cela compense en partie la voix qui n’y est plus.
Mais fallait-il s’attendre à autre chose ?
Pour moi 7/ 10
100% d’accord avec Michel Kemper !
Qu’il continue à chanter… c’est bien. Mais de là à ce que ce soit diffuser… Non merci.
Et pourtant j’en ai des heures d’écoute de Renaud…
il y a tant de chanteurs, d’interprètes, à écouter, à découvrir… qui ont besoin de chanter. Besoin vital. Je crois que Renaud n’est pas trop dans le besoin, et me passerai, facilement de cette promotion.
Désolé mais je ne peux pas ! Le choix des chansons est excellent mais l’interprétation et la voix me laissent un sentiment de malaise. Je ne suis pas un inconditionnel de Renaud mais j’ai la nostalgie de l’auteur de « mistral gagnant » ou d’ « hexagone ». Je préfère garder ce souvenir là. Pour moi, Renaud n’est plus qu’une ombre de lui même. Je n’ai pas pu écouter un seul morceau en entier. Dommage vraiment ! Ce disque ne me parait pas indispensable ! Et si émotion il y a, ce n’est pour moi que tristesse !
Je ne sais pas pourquoi mais ce disque me touche.
Renaud n’a presque plus de voix (en a-t-il jamais eue d’ailleurs), on ne peut pas dire qu’il interprète magistralement… et pourtant ça marche, ça court, ça vole, ça éblouit, c’est bourré d’émotions.
Je trouve que comparaison n’est pas raison. Les voix éraillées me bouleversent (même de ceux cités ici et dont on écrit – je trouve avec excès -qu’ils avaient « perdu » la voix, moi j’avais retrouvé, pas de souci…). Non ici l’intention est perdue, je trouve. Il n’y a rien. Tout est trafiqué au phrase à phrase. Et ça tout de même, c’est désolant.
Son précédent album racoleur au goût douteux avait déjà laissé une trace amer sur son œuvre des bonnes années la on voit qu il veut survivre au prix d interprétations désolantes… C’est bien triste
Affligent. Stop, il est encore temps
Boucan d enfer a été ma belle découverte de Renaud , un mec d un énorme talent et sensibilité. .. J écoute en ce moment ce nouvel album de reprises et je suis contente qu’ il puisse encore faire ce qu’il aime , malgré tt ce qu’ il a passé, vécu…
J avoue que l écouter » chanter » L amitié me provoque une énorme tendresse , j adore cette chanson qui est la 1ere que je travaille le premier jour de mes cours débutants( j ai fait une FP pour travailler la phonétique avec) , bien sûr que par Françoise. … je crois que je vais passer aussi cette version. …
Je ne connais pas toutes ses chansons mais qd j ai découvert Boucan dans la médiathèque de l Alliance je suis tombée amoureuse de son Manhattan Kaboul et puis de toutes et j ai tjs trouvé en lui une hypersensibilité qui me parle…. sa voix unique y est aussi pour bcp peut – être pas parce qu’ elle est belle mais parce qu’ on la ressent sincère et exprime une grande profondeur humaine. ..
Ceci dit bien d accord avec le commentaire de Catherine Lauger
Merci de ce post et de tous les commentaires.
J’ai pu avoir la chance de suivre la création de cet album des tout débuts quand cela n’était qu’une occupation en mai 2021 et qu’il était inimaginable que ce soit autre chose au prémices quelques mois après ou l’on sentait que Renaud voulait se prouver à lui même et à tous qu’il pouvait refaire un album en passant par l’enregistrement et la sortie du disque… les premières chansons finalisées que j’ai écouté m’ont profondément touché, comment cette voix si abîmée peut m’amener une émotion si particulière… quand j’ai écouté pour la première fois le disque dans l’ordre j’étais épaté car ça fonctionne, c’est cohérent, c’est sur le fil du rasoir de l’émotion pure et de la fragilité absolue !
Avec la notoriété qui est la sienne et le matraquage programmé sur la sortie de cet album , l’occasion était intéressante de mettre en valeur la chanson française. Renaud n’a pris aucun risque sur le choix des artistes et surtout des chansons, qui est particulièrement convenu. Une forme d’arnaque…
« Je suis mort, qui qui dit mieux »
En conclusion du dernier spicilège renaudesque, ce verbe emprunté à Higelin aurait presque une valeur performative. Titre après titre, (feu) notre si cher chanteur énervé, à l’instar des amours mortes de Gainsbourg, n’en finit pas de mourir.
L’idée de base aurait pu être séduisante : les précédents albums de reprise de Renaud avaient plutôt constitué de bonnes surprises, exhumant tantôt des pépites méconnues, célébrant également des répertoires aimés avec humilité, et même sobriété, ce qui vu le bonhomme n’était pas une mince affaire.
Si l’ex-renard clame la sienne, de sobriété, les arrangements de ce nouvel opus croulent sous une débauche de lourdeurs inutiles, et de platitudes laborieuses n’apportant rien aux chansons, si ce n’est un lissage-ripolinage calibré pour ne pas heurter les oreilles des familles faisant leurs courses au supermarché. Le choix des morceaux va dans ce sens, et cajole plus du côté de la tarte à la crème de la grande distribution que de celui de la chanson française en finesse et sensibilité. Dommage.
Reste alors la question de l’interprétation. Bien de l’encre a coulé, autant que les substances, sur la voix de Renaud, rauque, poussive, a bout de souffle. Ce genre de plat calciné peut tout à fait convenir à des artistes qui en prennent leur parti, et se servent de ces outils cabossés pour être au plus près de leur sensibilité (Leprest, Fontaine…), livrant des interprétations uniques et saisissantes, faute d’être techniquement « aux normes ».
Ici, hélas, Renaud semble n’avoir que les Santiags sur terre, « la tête est déjà partie » – dixit Fernandel. Il est donc à côté de ses pompes, et semble courir après le fantôme de lui-même plus qu’après son souffle au fil d’un album qui en manque cruellement. Le souffle de l’âme du poète, celui qui transcende finalement tout, n’est pas là. C’est à peine si le bonhomme parvient à ânonner péniblement ses textes lourdement fardés d’un vocoder permettant aux fans de jouir du mirage d’une lueur d’espoir – « tiens, il chante mieux » – mais il n’y a rien à sauver là-dedans. A part qui peut.
Quand je l’entends aujourd’hui massacrer des chansons que j’aime, et même les siennes, j’ai mal pour lui. J’ai découvert Renaud ,bien avant qu’il n’explose, en 1978 et qu’il bouscule la chanson Française, c’était en 1975, un soir très tard à la télé, il chante gueule D’Aminche, dès le lendemain j’ai couru les disquaires de Saint-Étienne, Renaud !? C’est qui? Aucun ne le connaissait, quand je chantais la java sans joie, les copains me disaient tu nous saoules avec tes vielles rengaines. Quand Renaud chante une chanson d’un autre auteur elle devient du Renaud, dixit Charles Trenet. Pour moi le chanteur Renaud est mort artistiquement, après Boucan d’enfer. Mais je suis très heureux qu’il ait pu vaincre ses démons, je lui garde toute mon admiration, pour son Œuvre, je lui souhaite un Joyeux Anniversaire, paix et sérénités. Il est, et restera un grand de la Chanson Française.