Brin d’Zinc, ce punk-musette en tonnerre de Brest
Rien qu’à tenir en main ce CD – ceux qui ne peuvent concevoir la « musique » qu’en téléchargeant ne me comprendront pas –, vous savez qu’il y a là un disque déjà mémorable. Oh, ce digipack en panoramique et ces sept livrets somptueux ! Ce qu’il y a de bien avec le crowdfunding, c’est que quand vous pétez le plafond de verre, vous avez en poche de quoi faire un CD encore plus beau. Bravo aux concepteurs, félicitations au dessinateur Gildas Java : à lui la Victoire de la pochette si cette récompense existait.
Connaissez-vous au moins Brin d’Zinc ? Sur disque, non : c’est leur premier, sorti comme un poisson frétillant un premier avril, à ces gens qui nous chantent et enchantent la mer, qui naviguent sur la flotte et ne semblent pas en boire souvent.
Brin d’Zinc n’existe que depuis à peine cinq ans : les bretons que sont Paul’O, Anna, Pauline et Ludo (c’est rare la parité !) chantent indifféremment sur scène, devant les comptoirs et sur les trottoirs. Je ne sais l’appellation en vogue pour les désigner : on a dit un temps musique festive, musique populaire… Va pour le punk musette : dans l’esprit c’est bien ça. De la musette qui aime les mots, au point d’en écrire des beaux et des fameux. De brosser des portraits d’un réalisme à la Carné, incarné en presque Dimey, presque Leprest. Des tranches de vies saisissantes, réalistes, des habitués du zinc, femmes et hommes de cœur, un peu beaucoup enivrés : « J’aime tous ces bars à bon marché / Remplis d’histoires, de vies, de gueules cassées / J’aime tous ces bars et l’p’tit café / Remplis de bières à bon marché / Tant qu’les bistrots s’ront pas fermés / Les vrais, les bons, s’ront pas cons devant leur télé ». J’aime, et ce disque me le rend bien, ces trognes de gens ordinaires aux histoires ordinaires, presque banales, qui font ici de si belles chansons. Les zincs, la vie (vous me direz que ça fait un peu pléonasme), l’amour… Et la mer, liquide amniotique de ces gens-là… A la vie, à l’amer titrent-ils. Car la joie que distille cette belle équipe ne se prive pas d’évoquer l’amer de la vie, le doux comme le piquant, le drôle, le mélancolique comme le rugueux (aussi rugueux que la voix du principal chanteur, Paul Blanquart, vu il y a quelques temps à The Voice, qui se le joue bien plus vieux qu’il n’est, rugueux comme s’il avait fumé plus de cigarettes que la régie des tabacs ne saurait en produire).
Des groupes de ce type, il y en a à la pelle : celui-ci séduit, emballe même, par la qualité de ses textes, et la musique qui suit. Une musique qui charrie et additionne ses influences : celte un peu (nous sommes en Bretagne, tout de même), classique, jazz, fanfare et, indiscutablement, le souci et l’amour de la belle chanson : on s’imagine sans mal ce à qui ils ont été biberonnés.
Ils sont Brestois et, à découvrir ce disque excellent, on a envie qu’ils larguent les amarres et naviguent dans l’Hexagone et ailleurs. C’est pour tous publics, toutes générations : la qualité, on la partage !
Brin d’Zinc, A la vie, à l’amer, La Mouche Production/InOuïe Distribution 2022. Le site de Brin d’Zinc, c’est ici.
J’avais découvert « par hasard » brin d’Zinc sur Youtube en cherchant des chansons de marins ou des groupes bretons puis, toujours par hasard, j’ai entendu Paul’O et sa grosse voix éraillée interpréter « Dis quand reviendras-tu » de Barbara à « The Voice »… Frissons…