Bonbon Vodou, mystères créoles
Second album, après le African discount de 2018, pour Jerem Boucris et Oriane Lacaille, nos deux de Bonbon Vodou. Si le premier avait agréablement résonné à nos oreilles, celui-ci est plus abouti encore, c’est dire le plaisir…
D’ailleurs, pourquoi Cimetière Créole ? C’est « en référence aux carrés de tombes plantées de fleurs multicolores du cimetière marin de la baie de Saint-Paul à l’île de la Réunion ». Il y a du vaudou à l’endroit comme à l’envers dans la maille des rimes et dans ces notes éclectiques : « Les esprits s’emparent de ton esprit éparpillé / Tanguant dans le cimetière / Tu tapes sur la terre / La vie a tellement de couleurs / Moi je veux me lever / Mon maloya pour Mahdia / Je veux chanter / Tu veux danser, tu veux pleurer / Tu veux quoi ? » Sans les clés de compréhension qu’il nous faudrait aller chercher à plus de neuf mille kilomètres de Paris, on se console de la sonorité des musiques et des mots, jolies constructions qui portent en elle foule de mystères et autant de Rituel(s) que nos deux s’amusent à confronter avec d’autres pratiques, d’ici, de là, de par le Monde : « Poupée, vaudou / Tétine, nichon, doudou / Parades d’amour / Transe des tambours / Barbe, pipe, divan / Parler parler, épouser maman / Zigouiller son père / Payer un peu cher / Rituel ».
Pas mal ici non de surprises mais de cadeaux, avec la participation de René Lacaille, de Piers Faccini, Danyèl Waro (chanteur, musicien et poète de La Réunion) et de Sages comme des Sauvages. L’album nous offre la reprise d’un titre d’Anne Sylvestre, Si la pluie te mouille, dont le refrain est traduit et chanté en créole (comme sur presque l’ensemble du disque) : une autre manière, riche et subtile, d’envisager Sylvestre, sous l’éclairage particulier de lointaines tropiques. « Si la nuit’ i kashett aou / Mon zézère bardzour / Si la nuit’ i kashett aou / Domin Fékler out bonzour… »
Avec le même plaisir musical, un groove pour tout dire envoutant, tout au long des treize titres de l’album, Bonbon Vodou saute allègrement du coq à l’âne. Des écailles du chasteté sous lesquelles se cache une peau de satin à notre société qui se pave et bruit de bottes. De l’intime à l’acéré regard citoyen, en un Petit Palace qui, en ces temps d’élections, devrait nous prévenir : « Ça tétanise le bulletin d’vote / Dans des pyramides de partis / Ça te dit pense utile, vote / Ça te dit rempart démocratie ».
On peut tenter de faire de l’écoute de ce délicieux album un exercice ethnographique, on a plus sûrement intérêt à le prendre pour le délice qu’il est : un parcours culturel malicieux, parfois coquin, une ode à la danse, des propos couturés de bon sens et de réflexions sur la vie, sur la mort (Le Pied dans la tombe). C’est peu dire qu’à chaque écoute, on découvrira de nouvelles pistes de lecture, de compréhension. C’est un de ces albums – à bien y réfléchir, ils ne sont pas si nombreux – qui ne se livrent pas complètement, pas facilement mais avec enthousiasme. Un peu comme une bédé de Corto Maltese en terre vaudou.
Bonbon Vodou, Cimetière Créole, Adone 2021. Le site de Bonbon Vodou, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
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