Phanee, the Pool position
Bruxelles, Espace Magh, 15 mars 2022,
Ce mardi 15 mars 2022 est à marquer d’une pierre blanche : il était le jour du premier vrai concert de Phanee de Pool dans le plat pays. Et ce fut mémorable ! Pour le public présent, bien sûr. Mais aussi pour l’artiste, qui a pu se rendre compte que la Belgique n’est pas seulement la contrée de la bière et des gaufres, mais qu’elle recèle également le meilleur public du monde. Spoilons en effet la fin du film : la soirée fut triomphale et notre helvétique chanteuse en était toute chose.
Mais reprenons au début. Sur la scène, attendant l’arrivée de la vedette, un synthé et une guitare, une lampe de chevet, un tourne-disque, un écran affichant le célébrissime détail du plafond de la chapelle Sixtine, La naissance d’Adam, de Michel-Ange. Oui, ce même tableau qui orne les pochettes des deux albums de l’artiste ! Les initiés apprécieront la cohérence sans faille du de Pool Universe. Mais voici que les lumières s’éteignent et que Phanee apparaît… sur le petit écran. Le temps pour son image de saluer le public, la vraie de vraie prend possession du plateau, se lançant dans un dialogue avec elle-même. Immédiate plongée dans le bain : la soirée sera à coup sûr frappée du sceau de l’originalité et de la fantaisie.
La chanson d’ouverture est une idéale carte de visite : « Je suis comme je suis / Jour après jour / Je ne change pas, je vis ». Et de la vie, c’est peu dire qu’il y en aura sur les planches. Car Phanee de Pool sur scène tient moins de l’être humain normalement constitué que du toon issu du monde de Roger Rabbit ! Ça saute, ça danse, ça gesticule, ça grimace, ça bouge les bras, ça remue les mains, ça descend dans la salle, ça secoue les gens… La fille cachée de Zébulon, la cousine de John Cleese s’adonnant à la silly walk, la réincarnation de Tex Avery !
Ce show permanent ne se joue toutefois jamais au détriment des chansons. Dotée d’une diction impeccable, Phanee nous slappe (mi rap-mi slam) ses morceaux d’une voix claire et précise. Des textes à tendance sombre, malgré la joie de vivre que dégage le personnage. Pour une chanson teintée d’autodérision et interprétée en double voix (« Je suis la reine de la provoc’ / I am so chic, I am so perfect »), bien d’autres abordent les rivages de la mélancolie et du désespoir : les ruptures amoureuses, les coups de la vie, les ravages de la drogue… Des chansons finement écrites, bourrées d’images jusqu’à la gueule, tout en non-dit et métaphores, aussi viscérales qu’intelligentes.
Notre Suissesse préférée alterne ainsi moments graves et clowneries, chansons et dialogues. Entre deux tentatives de nous faire danser (mais ce n’était pas trop le truc du public de ce soir-là), elle nous fait reprendre en chœur « sa mélodie, qui s’agrippe à la cervelle, que personne n’oublie, qu’on siffle en faisant la vaisselle », ou nous fait hurler de rire avec ses délires hypocondriaques. La folie règne dans un professionnalisme minutieux et on ne sait qu’admirer le plus, entre cette galvanisante énergie déployée et cette impressionnante maîtrise du spectacle.
Le final la voit interpréter son presque-tube Luis Mariano (avec le mec de Pôle emploi qui, dans le disque, était pédé et est simplement devenu marié sur scène : le politiquement correct toucherait-il même la déjantée chanteuse ?). Le public ne voulant pas la lâcher, Phanee de Pool revient une dernière fois pour nous chanter L’inverse de toi. Des paroles qui semblent résumer la soirée : « Parle, tais-toi, articule / Va-t’en, bouge pas, gesticule ».
Le site de Phanee de Pool, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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