Georges Chelon, de retour sans jamais être parti
Namur, La Templerie des Hiboux, 12 mars 2022
Mars 2022 a – enfin – permis à la Belgique de renouer avec un grand vétéran de la chanson française : Georges Chelon. C’était pour deux soirées, les 12 et 13 mars, à la Templerie des Hiboux, sympathique fermette transformée en salle de spectacle sise à Temploux, près de Namur. L’occasion pour les deux correspondants belges de Nos Enchanteurs de passer la soirée ensemble et, dans le même élan, d’écrire le présent article à deux mains.
Georges Chelon reste un chanteur des plus féconds, une sorte de Jean-Louis Murat avant l’heure, qui nous gratifie d’un nouvel album presque chaque année. Et comme le disait Anne Sylvestre : ce n’est pas parce qu’on est un vieux pommier qu’on donne de vieilles pommes ! La parfaite définition pour l’auteur Chelon. Depuis ses débuts, il arrive toujours à nous surprendre avec des textes ancrés dans l’actualité, écrits dans une belle langue qui a l’air de couler d’elle-même, naturellement. Sa plume de poète a engendré plus de 500 chansons en 57 ans de carrière. Sa source d’inspiration semble intarissable. Et le musicien qu’il est n’est pas en reste, lui qui est le compositeur de toutes ses chansons, n’hésitant pas à parer de ses mélodies les pensées d’autres auteurs (sur son dernier disque, par exemple, deux inédits de Brassens…).
Quelle que soit la formule scénique (en solo avec sa guitare, en duo avec un pianiste, en trio ou quatuor, ou accompagné du fidèle Pierre-Louis Cas dit Pilou…), comment ne pas être frappé par la qualité de sa voix chaude, proche de nous, apte à détailler des textes qui sonnent justes ? Une très grande sobriété mise au service de ses chansons, mais aussi une bonne rasade d’autodérision, qui font de Chelon un artiste qu’on a plaisir à retrouver à chacun de ses récitals. Et ce d’autant plus qu’il n’hésite pas à chaque nouveau tour de chant à puiser dans ses nouveaux titres. Son répertoire est tellement vaste qu’il nous offre une grande variété d’atmosphères et de thèmes. Sans oublier son goût pour l’un ou l’autre titre un peu leste, en digne héritier d’une longue tradition française.
C’est tout cela que nous avons pu apprécier en ce gai samedi soir. Certes, les accros aux concerts rocks saturés de décibels et zébrés de lumières multicolores ont été bien avisés de passer leur chemin. Ici c’est l’auteur-compositeur-interprète qui vient simplement offrir ses chansons, en s’accompagnant de sa seule guitare, sous quelques projecteurs discrets. Peu ou presque pas de discours entre les titres : à quoi bon parler entre les chansons, puisque tout est dit dans celles-ci ? A presque 80 ans et devant une salle modeste mais comble, Georges Chelon picore dans son inépuisable répertoire.
À l’entame de la soirée : Merci d’être venu. Un remerciement sincère à son public fidèle, avec cette touche d’ironie lucide qu’on aime tant chez lui : « Merci d’avoir traîné quelques jeunes avec vous / Ils me connaissent peu, très peu ou pas du tout / Qu’importe, ce qu’il faut, n’en prenez pas ombrage / C’est baisser à tout prix notre moyenne d’âge ». Pour la suite, tout au long des 90 minutes de son récital, il alterne chansons plus anciennes (Le petit chat m’aimait, Le Duc de Guise, Orange et Citron, Le Cosmonaute et, bien entendu, l’incontournable Père Prodigue), quelques chansons grivoises qui font rire le public de bon coeur (La salopette, La clef) et des chansons extraites de ses albums plus récents (Créer, Chez vous, chez nous, Ensemble et, issue de son dernier CD, Abîme). Enfin, se souvenant qu’il a mené à bien le projet fou de mettre en chanson la totalité des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, il nous en offre deux titres, Le Léthé et le célèbre Albatros. Comme une sorte d’autoportrait ? « Le Poète est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l’archer / Exilé sur le sol au milieu des huées / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ».
Rien n’empêche Georges Chelon de continuer d’avancer, ni l’âge, ni la fatigue de fin de récital et certainement pas les petits accidents de mémoire qui émaillent son concert. Le temps de fermer les yeux, d’écouter un fan de la première heure qui lui souffle un mot oublié, de retrouver ses esprits et de placer ses doigts sur les bons accords, et la machine redémarre. Le troubadour achève son récital par Chanteur d’un autre temps, avant de nous quitter sur l’air joyeux et entraînant de la Cité de Carpaccio, ponctué des applaudissements nourris d’un public visiblement conquis et ravi d’être là.
Georges Chelon ? Le garant d’une soirée réussie ! Ça fait 60 ans que cela dure et ce n’est pas près de s’arrêter.
Pol de GROEVE et Ghislain DEBAILLEUL
Le site de Georges Chelon, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« Le duc de Guise »
« Père prodigue »
« Chez vous, chez nous »
un grand merci pour vos reportages sur Georges Chelon, souvent boudé par d’autres médias, encore merci de lui être fidèle