Yoanna, « femmes, vies de merde »

Yoanna et Mathieu Goust, le débat d’après concert (photos MK)

10 février 2022, festival Les PolySons, lycée agricole de Précieux-Montbrison,

Nous sommes en pleine campagne, dans une salle polyvalente sommairement grimée en salle de concert, au cœur du lycée agricole de Précieux, dans la Loire.

« Ils sifflent lorsque tu passes / Ils reniflent, ils persiflent / Ils te matent, ils te défroquent de leur regard de prédateurs en rut ». Du fond de la salle s’élance notre a-ma-zone, le torse ceint de son accordéon, qui s’en va guerroyer de ses mots parfaitement affûtés, trempés de curare : « Quel que soit le décor / Il y a des loups dans tous les porcs / Il y a des porcs un peu partout / Balance, balance / Encore un peu plus fort ! / Balance, balance / Ton porc par-dessus bord. »

Elle, c’est Yoanna, qui n’est pas soluble dans la mièvrerie, indomptable, perdue pour ceux qui aime récupérer les idées et les monétiser. Les Victoires de la musique ne connaîtront jamais son nom, c’est mieux ainsi.

« Habituellement, je chante devant des vieux, jamais je n’ai eu un public aussi jeune » se réjouit et s’inquiète à la fois la chanteuse, rejoignant sur scène son complice batteur et claviériste, Mathieu Goust.

Car sa chanson est crue, sans ambages. Sa chanson est féministe, qui chante « les femmes, vies de merde ». Pour dire le fait, faut-il négocier les mots ? « Il déverse sa force / Il t’insuffle sa haine / Il te souffle, il te fume / Il te brûle, il te saigne / Tu n’est rien d’autre qu’une matrice, une côte en plus / Des mamelles et des emmerdes posées sur un utérus ».

Des mots comme ça, s’ils passaient en radio, ce serait bon à vous faire changer de station… Mais nous sommes ailleurs, et le prof d’éducation populaire trouvera matière à nourrir son cours. « Vous verrez avec vos profs pour les explications de texte » lance d’ailleurs Yoanna à son jeune public. Sans faire d’elle une pasionaria, la colère anime les vers de la chanteuse, avec calme et précision. Et talent.

2^e sexe, tel est le titre de ce concert, tel est celui de son récent album. La somme du bon sens et de la grande gueule qu’elle est. La somme de l’expérience sans doute, je dis ça je ne sais mais tout semble vécu : l’indignation naît rarement en compulsant un dictionnaire de rimes… Yoanna est une guerrière et les porcs lui sont ennemis. Pas qu’eux d’ailleurs, son carquois garde quelques bonnes flèches pour ceux qui détruisent l’environnement, ceux qui sapent l’idée de la démocratie, ceux qui nous exploitent : « Travailler pour des prunes / Travailler pour que dalle / Travailler pour les riches / Travailler pour des sales / Marche marche marche / Marche et crève ! » Concert exemplaire en des conditions rudimentaires.

À l’issue de cette prestation, en bord de scène, Yoanna et Mathieu répondent aux questions des lycéens, des lycéennes surtout, débat riche et parfois surprenant. On en souhaite bonne ré-exploitation aux profs ; pour ce lycée agricole, on souhaite bonne moisson.

Le site de Yoanna, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

« La nuit s’est échappée » 
Également en tournée de concert avec le spectacle jeune public « Y’a quelqu’un ? » (teaser)