Dites-moi si je me trompe
Je n’écoute plus de chansons aujourd’hui. À part quelques chanteurs copains qui me tirent par la manche avec un nouvel album ou de vieilles connaissances, mortes ou vives qui peuplent le versant éclairé de ma mémoire.
J’entends au gré de mes pérégrinations des airs nouveaux et des voix agréables qui passent sans s’attarder. Rien que je ne retienne. Rien qui ne sorte du peloton courant vers la popularité la plus large, rien qui me donne envie d’en savoir plus. Ils essaient bien d’attirer mon attention avec des coiffures invraisemblables, des tatouages sophistiqués, des tenues provocantes, mais cet effort d’originalité est tellement devenu le lot commun que mon regard s’en détourne. Des milliers de stars éphémères assurent la fortune des producteurs, occupant les médias, coupant le souffle des vraies créations.
Je déteste la chanson, moi qui l’ai tant aimée. Je déteste ce qu’ils en ont fait aujourd’hui : un machin qui occupe le cerveau pour l’empêcher de penser, partout, à la radio, à la télé, dans les fêtes, dans les bars et les restaurants, jusque dans les commerces. Ce fléau envahissant entretient la mal-écoute plus dangereuse pour l’humain que la mal-bouffe.
Ce produit répandu avec un alibi culturel donne bonne conscience à ceux qui en profitent mais son apparente bienveillance endort la vigilance de l’auditeur de bonne foi. Pour une majorité d’individus, même parmi les plus saints d’esprit, la chanson est devenue cette soupe populaire à vocation distractive ou décorative qui fait oublier que depuis Brassens et Brel, il y a eu aussi Leprest, Joyet, Pestel, Bobin, Bihl, Frasiak, Bossone…
Mais comment pourraient-ils les connaître s’ils n’ont pas fréquenté les rares temples qui leur sont consacrés ?
Je n’écoute plus de chansons aujourd’hui, mais il arrive qu’on m’invite dans un festival pour y conférencer ou simplement par amitié et c’est là que je reprends un peu d’oxygène avec parfois des découvertes merveilleuses. De vrais artistes, au succès hélas limité au cercle de résistants, aux esthètes, aux élites, à toute cette engeance qui empêche les profiteurs de profiter, les informateurs de formater et la masse de dormir.
Alors, j’écoute les artistes.
Je vous écoute et je vous dis : continuez à chanter, à vous produire là où il y a un peu d’humanité, même si vous n’êtes qu’une poignée d’inconnus, continuez parce que vous avez raison, parce qu’on ne tue pas l’intelligence et la beauté, même avec les chars d’assaut du show-biz. Continuez à être des fruits rares, votre saveur est impérissable, vous êtes la vie.
Je partage , sans réseaux asociaux, je souscris (du cœur ) …
Suis toujours à ton écoute , sache que les petits lieux , même s’ils sont peu nombreux , nous accueillent avec humilité et plaisir , ce qui prouve la détermination de ces programmateurs loin des autoroutes du showbizzzz … Je te ferai passer mes derniers textes que m’applique a habiller de musique … Longue vie à ton amour pour la chansons … Bonne année et des bises Angel …!
Oh combien d’accord sur ce constat ! Le temps est au superficiel, et la chanson en est le parfait reflet.
Il faut vraiment s’accrocher pour trouver dans tout ce fatras de production, les artistes qui perpétuent cette si belle tradition qu’est la chanson profonde et généreuse.
Sans vouloir être pessimiste, je pense qu’il va falloir encore creuser longtemps pour continuer à découvrir les pépites qui au détour d’un coup de pioche nous réjouissent l’esprit et les sens.
Merci à NosEnchanteurs de faire partie de ceux qui alimentent nos sources.
Patrice
je chante les artistes qui auront fait l’Histoire
l’Histoire des chansons de la chanson française
au temps où la chanson avait pour auditoire
un public à l’écoute et assis sur sa chaise
tout a changé un soir du côté de Brighton
durant l’Eurovision le disco s’imposait
la chanson céderait à jamais sa couronne
pour des effets sonores sur des textes anglais
les jeunes interprètes tels des coureurs à pied
hypnotisent des foules qui sautillent des heures
le corps n’a plus d’esprit et le rythme leur sied
aux prétendus concerts dont le bruit est un leurre
que restera-t-il donc d’inscrit dans la durée
à part ces soubresauts un vide d’expression
un manque de culture des jeunesses dorées
loin de toute exigence et toute dimension
© 29 octobre 2021
Oh combien vraie est ta parole Michel… merci.
Que dire d’autre…Heureusement qu’ils nous restent quelques bons endroit avec de bons artistes à voir et entendre. Un grand à eux de nous faire vibrer encore et encore.
Que ça fait plaisir de vous lire ! Ce que vous dîtes raisonne tellement en moi ; c’est ce que je pense depuis si longtemps et j’avais l’impression à être presque seule à le penser ! De plus dans les chansons actuelles trop souvent on ne comprend pas les paroles, inaudibles ou couvertes par une musique forte qui écrase tout. Vous me direz que ces paroles sont souvent si peu intéressantes, qu’au fond ils mettent cette musique à fond pour qu’on ne comprenne pas ! …. quel dommage que les » vrais » chanteurs soit ignorés systématiquement des médias … bien amicalement à tous les amoureux de la chanson qui me lisent !
Merci de cet article qui dit tellement bien ce que j’éprouve, ce que je ressens…et comme je suis heureuse de connaître ces artistes qui loin de la bouillie radiophonique nous font partager leurs univers, leurs richesses. J’essaie de ne jamais manquer une occasion de parler d’eux et de ces lieux qui les invitent.
Merci à ces derniers et merci aussi à ces artistes, à Nos Enchanteurs et à tous ceux qui nous permettent, pour peu qu’on ait un eu de curiosité, de les découvrir puis d’aller les voir et les revoir.
Jacques Ferret
Comme pas mal de « vieux » de mon age, histoire d’entretenir mes cellules grises, je regarde Questions Pour Un Champion. A chaque fois qu’une question de culture générale faisant appel à des connaissances musicales ou « chansonnesque » est posée, je me mets en colère… toujours des œuvres en anglais, toujours des références à des œuvres formatées du show-biz. Pour une émission qui se veut une émission culturelle française, ils pourraient sans peine faire mieux.
Comme je te comprends Michel.
Merci pour ce vigoureux plaidoyer en faveur des chanteurs de proximité. Merci pour ce coup de gueule contre le nivellement par la base, contre le cortège des pseudos artistes qui ont leurs ronds de serviette permanent dans les mêmes médias. Ceux qui leurrent le grand public en lui faisant croire que la chanson se limite à ces usurpateurs, alors qu’il n’a jamais eu autant de choix dans la vraie vie, mais ça mérite un effort de curiosité, sortir de la torpeur et de l’enfermement télévisuel.
J’adhère totalement à vos propos, je suis un amoureux fou de la chanson française mais ce que l’on nous vend aujourd’hui dans les médias comme étant la nouvelle chanson de qualité ne me touche absolument pas alors qu’il existe des tas d’artistes formidables dont les programmateurs radios et télés ne parlent jamais (ou Jamait par exemple) mais certainement parce qu’ils ne les connaissent même pas, ne cherchant pas plus loin que ce que le showbiz leur apporte sur un plateau (d’argent bien entendu)
Quand on voit qu’on nous a matraqué Stromae pendant des mois en nous le présentant comme le nouveau Jacques Brel alors qu’à part sa belgitude je cherche encore un point commun entre eux
Longue vie à Nos enchanteurs et aux lieux et festivals résistants
Tu as raison Michel, cette soupe indigeste que nous servent les marchands et le service public n’en finit pas d’abrutir nos oreilles et nos cerveaux. Paroles inaudibles révélant le vide abyssal de ces pseudo chansons alors que tant d’artistes talentueux ont pris courageusement le maquis.
Hélas, moi aussi je ne peux que partager le point de vue de Michel Trihoreau. C’ést triste máis c’est ainsi: il y a soixante ans les quelques radios publiques et privées qui existaient prenaient plaisir à nous faire découvrir dés chanteuses et chanteurs débutants. Sans ces stations, je n’aurais pas connu ces nouveaux venus qu’étaient Anne Vanderlove, Anne Sylvestre, Leny Escudéro, Pierre Barouh, Georges Chelon, Jacques Bertin, etc, etc.
Aujourd’hui, alors qu’il y a pléthore de stations de radio, on n’y entend jamais Frédéric Bobin, Jean Duino, Chritophe Andréani, Eric Guilleton, Gérard Pierron, Sourigues, etc.
Du temps de Jean-Louis Foulquier, Claude Villers, Alain Poulanges ou Philippe Meyer on écoutait France Inter.
Aujourd’hui on entend angl’inter.
Salut Michel. Vivant a l’étranger, je suis épargné par la soupe en français, sauf si je regarde quelques trucs en ligne. Mais je choisis de toute façon. Le fait est que les médias privilégient le strass, les belles gueules et les propos insipides. Grand bien leur fasse. Il y a toujours Youtube, le bouche a oreille et des tribunes comme la tienne, celles de la grande Catherine et du sieur Kemper pour survivre. C’est comme le cinoche : on est pas obligé de rester scotché a Netfix et aux blockbusters. Mais je partage ton coup de gueule, en pensant aussi a l’amertume compréhensible, même excessive, de Denis envers la « chanson crétinisante ».
Merci Michel de m’avoir cité auprès des Leprest, Bobin, Bossone… ma famille de cœur, ma famille de chansons.
Malheureusement je suis comme toi, je dis souvent que je n’aime plus la chanson (d’aujourd’hui). Est-ce moi, est-ce elle ? On s’est pourtant tellement aimé !
J’avais peur d’être un peu seul à ressentir ce vide mais ta très chouette chronique, bien que pessimiste a le don de me rassurer.
Amitiés
Salut, Michel
Ravi que, de nouveau, nos vues se rejoignent : le règne sans partage de la daube planétaire n’est pas le moindre de mes désenchantements actuels. La bise !
On pourrait s’en tenir à la simple question du gout et de l’esthétisme qui change pour expliquer cette sensation, mais non. Il me semble qu’il y a une pure et simple vérité technologique. Aujourd’hui la musique est beaucoup plus produite qu’elle n’est jouée. Cet état de fait se retrouve à tous les maillons de la chaine, de la fabrication en Home studio ou les « compositeurs » passent beaucoup de temps solitaire à réaliser leurs « sons » frileusement à grands renforts de clique et de recalage de notes, auxquels viendront s’adjoindre des musiciens tous aussi frileux tout aussi adepte de la quantification. Sur scène la plupart des shows seront constitués de machines et d’effets sensé donner de l’effet mais paralysant toute vie. Avant les musiciens passaient beaucoup plus de temps en collectif à faire de la musique ensemble parce que la musique c’est avant tout un instant fragile et partagé.
Bonsoir les uns et les autres, en vous lisant, je vous rassure en vous disant que c ‘est vous qui aimez et portez la vraie chanson. Comment peut on appeler le reste, de la bouillie ? Oui, il existe toujours des découvertes dans les petits lieux. J’aime un nombre incalculable d’ artistes. Certains ont quitté ce monde, mais d’ autres nous enchantent. Concernant ce qui passe à la télé, c ‘est plus que désolant !!! C ‘est une censure qui s’est installée depuis de très nombreuses années ! Là aussi, les quelques décideurs ne voient que le tiroir caisse, la rentabilité, comme dans d’autres secteurs. Et pourtant, il y a de si belles chansons dans notre paysage de proximité. Nos partages sur les réseaux sociaux de nos artistes préférées sont importantes, Nous remplaçons ce que ne veulent plus faire les médias, une diffusion assez large ! Le public n’est pas idiot, il est capable d’aimer des artistes que l’on ne leur a jamais présenté. Même si ce n’est pas en grand nombre, je le constate avec des commentaires ou des clics venant de personnes qui ne sont pas autant passionnés et amoureux de cette belle chanson.
Que tout cela est trop vrai ! (voir, par exemple, la plaie liste de notre radio nationale de service public !(et les grandes émissions catastrophiques proposées par FR3, autre service public !)).
Et que ce n’est pas nouveau : relire quelques pages de « En avant la zizique » de l’ami Vian (1958). Et d’autres qui depuis ont suivi.
Et que ce n’est pas fini: les gougnafiers font de l’audience et se reproduisent dans une inculture encouragée et soutenue. C’est moins ambitieux mais c’est plus facile et ça rapporte plus !
Il ne sert à rien de pleurer le passé. Il faut agir. Qu’avons nous fait pour témoigner de l’existence de cette chanson de qualité qui ne passe pas dans les radios ? Peut-être que la création d’un média consacré à elle serait la bienvenue. Les festivals, c’est bien, mais c’est souvent réservé à une élite qui a le moyen de débourser ne serait-ce que le prix d’un billet, les festivals, c’est un peu le monde des entres-sois. La création d’une radio n’est pas si compliquée à l’époque du Web. A moins que cette radio existe déjà ? Je ne la connais pas.
On a fait, qui plus est chaque jour, sur NosEnchanteurs
Ils sont nombreux ces chanteurs ou chanteuses français à avoir un beau timbre de voix, à chanter sur une belle musique des textes qui sont sans doute de bonne qualité, mais qui par la tonalité donnée aux mots chantés ceux-ci sont trop souvent incompréhensibles et même inaudibles .Pourquoi? Une nouvelle mode renouvelant ce temps où l’on se régalait de chansons en anglais (ou autre langue) dont on appréciait la musicalité sans connaître vraiment la langue des paroles?
Surpris que ce que je dis là (et qui s’applique aussi à pas mal d’acteurs de cinéma), ne soit pas davantage dénoncé.
Honte de devenir un peu sourd (ce qui a tout prendre serait moins grave que de devenir « gaga ») !?
Je partage, ôcombien cette réflexion, il me reste quand même Florent Marchet et Clarika et rien que pour eux, j’écoute encore des chansons.
La chanson d’aujourd’hui, celle dont les radios et le show-biz nous bassinent les oreilles, est à celle dont nous parle Michel Trihoreau (Leprest, Joyet, Bobin, etc)
ce que les « exploitants agricoles » de la FNSEA sont aux paysans de la Confédération paysanne.
C’est toute la différence entre l’industrie (il faut que ça rapporte vite et beaucoup) et l’artisanat ( la satisfaction du travail bien fait, même s’il ne permet pas de s’enrichir)