Hélène Piris : fallait pas l’énerver !
Par ces temps moroses, face aux craintes des virus sanitaires ou politiques, voilà un disque salutaire. Revenue de son Tour du monde, précédent album aux accents métissés de musiques du monde et de jazz, tout de douceur et de sensualité, le chant virtuose d’Hélène se fait ici plus tranchant, vif, rapide, la rythmique est dynamique, entre soul, funk et rock, survoltée, avec un petit côté punk pour servir un propos décapant, incisif. Une belle grenade dégoupillée et balancée sur notre société ultralibérale ! Elle tire à vue et fait mouche et, bon sang, que ça fait du bien !
En témoigne le titre éponyme de l’album, revue presque exhaustive de l’état du monde, des mauvais coups faits à la planète et à ses habitants avec cet appel : « Tu crois qu’on va pas s’en sortir ?/ Oui j’avoue moi aussi j’ai des doutes parfois quand j’regarde autour de moi/ mais en même temps si on baisse les bras / Et qu’on fait rien que gueuler comme des harengs derrière nos putains d’écrans / On laisse tous ces tarés continuer à diriger et à tout massacrer ». Le ton est donné et le reste du disque est à l’avenant avec les tranches de vie d’un Michel en butte aux inhumaines absurdités de notre société, de celles qui, du pôle emploi en passant par la banque et l’hôpital, deviennent des machines à broyer. Pourtant qu’on ne s’y trompe pas, point de discours moralisateur, de tribune politiquement correcte, les mots sont percutants et Hélène met le doigt où ça fait mal avec une force et une énergie réjouissante.
Avec humour elle enchaîne les thèmes et multiplie les coups de gueule, les textes au vitriol, mélanges d’ironie et de fantaisie mais aussi regards lucides sur notre actualité. Dans Égalité des chances (et ta sœur) au titre évocateur, elle prend le parti de donner la parole à ceux qui en chient.Mesdames et Ma chérie, toutes deux, s’attachent à la condition féminine, de l’éducation à la vie conjugale, « pour plus qu’aucune femme / devant quelque gourou / ne se mette à genoux ». Quant à l’écologie et au réchauffement climatique, les enjeux sont ici posés dans un amusant dialogue parent-enfant (Collapso sa mère). Le tableau est sombre, jamais noir, il reste l’espoir que l’homme laisse de côté sa violence pour un peu plus de bonheur et d’humanité (Tu sers à quoi), de l’amertume et de la colère retenue cependant lorsqu’elle songe à son amie Fanélie, partie danser ailleurs et à tous ceux qui restent en vie, dictateurs, exploiteurs en tous genres…
Tornade musicale et verbale où la voix et le violoncelle d’Hélène sont portés par une équipe de sept musiciens remarquables – dont une très tonique section de cuivres et les participations de Frédéric Bobin et Sanseverino – cet album est vivifiant, à l’image de son livret atypique et coloré, à la fois festif et engagé, pertinent et intelligent et ne donne qu’une seule envie : celle de suivre son invitation : « Alors viens on s’bouge le cul / C’est bon pour les fessiers / La planète et l’humanité. »
Hélène Piris, Non mais on va s’en sortir, Neômme/Inouie distribution 2021. Le site d’Hélène Piris c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle c’est là.
Hélène Piris fait partie des albums de l’année 2021 de NosEnchanteurs.
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