Zèbre à trois : le facteur est passé !
18 janvier 2022, festival Les Polysons, Théâtre des Pénitents à Montbrison,
Devant moi, une centaine d’écoliers, nid à virus comme me le souffle mon copain Jean-Michel, en télétravail à Ibiza. Et c’est vrai que, quand ces gosses s’enthousiasment, c’est viral : j’en suis contaminé.
C’est un spectacle « noir sur blanc », tant que c’en est le titre. En fait, c’est de la chanson épistolaire. Dans le rock on se crie beaucoup ; ici, on s’écrit. En pleins et en déliés, et en bien plus de mots que peut en contenir un SMS. Quitte à faire, on remonte à madame Cromignone et monsieur Cromagnon, qui taillaient le bavette en taillant les pierres sur lesquelles il gravaient leur correspondance. C’était long, on ne pouvait pas gommer les fautes d’orthographe et corriger la syntaxe. Et lourd pour les facteurs.
Les Zèbres à trois (Hervé Peyrard, Ludovic Chamblas et Laurent Chieze) qui comme tous bons mousquetaires sont quatre, chantent et musiquent ces courriers. Les dessinent aussi. En direct et sur grand écran, à la manière d’un DJ graphique, par le talentueux Sylvain Lubac, dit « monsieur Lu ». C’est dire si notre jeune public est sollicité, qui à regarder ce qui nait sous le pinceau, qui à écouter la chanson qui se déroule à leurs oreilles. Le mieux – conseil de pro - c’est de faire les deux.
Donc, on fait des lettres. Tous les types de courriers ? (lettres de démission, de demande d’emploi, de licenciement, charmantes missives de l’ami huissier, lettres anonymes du voisin corbeau, de condoléances, de « vous-avez-gagné-le-premier-prix » ou la facture gastronomique de Comme-j’aime, prospectus du festival Les Polysons, que sais-je ?). Non, pas toutes. Mais d’abord la lettre, sinon d’amour, au moins d’amitié, style « Avec toi, j’me sens vraiment moi / Je serai heureux pour toi ». Et des lettres importantes, qui ne souffrent d’aucun retard. Comme celle (de menace) à son réveille-matin : « Ça va être ta fête / J’en peux plus de ton tic-tac / Demain matin si tu sonnes / De mes deux mains j’t'assomme ». Ou celle aux vacances, leur demandant gentiment de bien vouloir rester… Celle de l’amateur de selfie qui écrit à Narcisse, celle à sa maman cause au p’tit frère qui gonfle son ventre à la manière d’une montgolfière. Et celle, sévère, à l’hiver.
Que des paroles bien écrites (quitte à faire, c’est mieux), superbement musiquées, bien menées, rythmées. C’est à la posture de tous ces gosses qui, de leur fauteuil, swinguent et rockent, les bras en l’air à la manière d’une presque ola, qu’on mesure l’adhésion, le total enthousiasme.
De toutes ces lettres ouvertes, je dois avouer ma préférence à celle de réprimande de l’océan à l’adresse des humains qui passent leur temps à le saloper. Et celle, appel à la liberté, de cette chèvre qui s’excuse auprès de monsieur Seguin : « C’est plus fort que moi / C’est plus fort que tout / La vie qui pousse en moi / Ne craint pas le loup ». Et cette autre aux bisous qui nous manquent trop (le Covid est passé par là…).
C’est un concert qui donne furieusement envie de prendre plume ou pinceau, de rédiger, calligraphier, hiéroglypher, de dire, d’écrire… On dit qu’Hervé Peyrard et ses trois copains reçoivent chaque jour plusieurs sacs de lettres. Et qu’ils répondent à toutes, joli travail d’intermittents à temps complet. MICHEL KEMPER.
Le site de Zèbre à trois, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
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