Les concerts de l’année 2021 : le choix de nos rédacteurs
Sauvé dans Agnès André, Anne-Marie Panigada, Catherine Laugier, En scène, Francis Panigada, L'Équipe, Nicolas Céléguègne, Pol De Groeve
Tags: Alissa Wenz, Anne Sylvestre, Barbara, Ben Herbert Larue, Bernard Joyet, Clotilde Moulin, Debout sur le zinc, Delphine Coutant, Dominique Babilotte, Entre 2 Caisses, Feu ! Chatterton, Francesca Solleville, Frédéric Bobin, Jack Simard, Jacques Brel, Jazz des cinq continents, Jourdàa, Jules & Jo, Juliette, Karimouche, Kent, Korafoland, Léonid, Les Innocents, Les monsieur Monsieur, Lila Tamazit, Loo K, Louise O'sman, Manu Katché, Michel Jonasz, Michèle Bernard, Natasha Bezriche, Nicolas Bacchus, Nouvelles, Raphaël, Renan Luce, Yoanna, Yves Jamait
« Merci Anne » ©Anne-Marie Panigada
L’an passé, confinements oblige, nous avions tellement peu de concerts à retenir qu’il ne pouvait y avoir notre « classement » annuel. Cette année, crise sanitaire encore et toujours : beaucoup moins de concerts, tant que certains de nos rédacteurs ont dû renoncer à cet exercice. Car, pour sélectionner, encore faut-il avoir le choix… Reste que cet exercice nous permet de mettre en exergue des soirées qui nous ont semblé plus belles que d’autres, plus intenses, plus rares, de faire vivre des souvenirs récents, d’à nouveau les partager. Une sorte de tableau d’honneur très, trop partiel, qui ne peut en aucun cas être tenu pour palmarès, mais qui (nous) fait plaisir. MK
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Les disques de l’année 2021 par les rédacteurs de NosEnchanteurs, c’est ici.
AGNES ANDRE
©Dominique, Court-Circuit
Korafoland (Buffet de la gare à Veynes, 14 juillet 2021). D’un tel concert, personne n’en ressort indemne. Hervé Lapalud et Dramane Bembele savent mieux que quiconque vous dérider les doigts de pied du bout de leur kora et faire naître le sourire et la béatitude sur le visage du plus grognon des individus. On sort de ce concert tout flottant, l’envie d’écrire des lettres à sa banquière et de rechantonner cette petite chanson, là, sur les cailloux. Mieux qu’un sauna ! Mieux qu’une séance de yoga ! Mieux qu’une boîte de chocolats !
Louise O’sman (Festival de poche à Miramas, 17 octobre 2021). Assister à un concert de Louise O’sman, c’est un peu comme aller au cinéma, sauf qu’ici c’est la voix et ses doigts, hors pair à l’ivoire de l’accordéon et à la peau du tambour, qui nous content l’histoire. Sans souci aucun, l’artiste nous métamorphose une petite salle un peu froide d’aspect en véritable tableau humain : s’arrêtant sur une robe rouge au loin tournoyant, un regard resté au seuil sans horizon ou le palais des pluies d’une sœur, ce sont autant d’images créées de tous mots qui nous hypnosent, tous poils dressés. Simplement envoûtant.
Jack Simard (Chantons sur le quai à Veynes, 29 septembre 2021). « Je m’appelle Jack Simard et j’écris des chansons » – certains seront peut-être agacés par le personnage et sa théâtralité façon music-hall, d’autres non. Je fais partie de celles et ceux qui auront été saisis par ses textes ciselés, arrache-cœurs et rentre-dedans, par sa faim de la scène, sa fusion avec le micro (oui !) et par, aussi, la complicité installée avec ses deux beaux et bons musiciens Vincent Cegielski et Yannic Villenave, d’ailleurs premiers et derniers sur scènes, trio inséparable clavier-voix-batterie. Sauvage !
Aussi en mémoire : le magique Piano du lac avec Delphine Coutant et le prometteur jeune rappeur briançonnais Loo K.
NICOLAS CÉLÈGUÈGNE
©Clara Lafuente
Côté concerts, contexte sanitaire oblige, je n’ai pu en voir qu’un seul cette année et non des moindres : Manu Katché en concert One Shot, sous le ciel étoilé du Théâtre Silvain à Marseille le 18 juillet 2021 au Festival de jazz des Cinq Continents, avec la complicité de ses amis Ludovic Louis (fabuleux trompettiste), les chanteuses Krystle Warren puis Sophie Hunger (quelles voix !). Enfin, et nous étions sans doute venus nombreux pour cette raison, il a invité Michel Jonasz et son fidèle pianiste Jean-Yves d’Angelo.
POL DE GROEVE
©Chistophe Dehousse
Raphaël (Les Solidarités de Namur, 28 août 2021). Chaque occasion de l’applaudir permet d’apprécier combien la maturité lui sied. Raphaël n’est plus le chanteur pour adolescentes qu’il a pu être, mais un artiste qui trace sa voie, entre Bashung et Christophe, guidé par ses seules envies musicales, sans souci de commercialité. Son concert était à cette image : sec et âpre, sans aucun de ces trucs putassiers qui font chanter le public. Du rock sans concession, excellemment joué par une bande de musiciens talentueux. Coup de poing et coup de cœur à la fois.
Debout sur le Zinc (Ottignies-LLN, 11 novembre 2021). Un concert où le qualificatif « festif », trop souvent connoté péjorativement, retrouve toutes ses couleurs. La bande de multi-instrumentistes de DSLZ s’y entend pour refiler à son public d’irrésistibles fourmis dans les jambes. Comme ce dérouillement des muscles va de pair avec la joie d’écouter des chansons bien tournées, que demander de plus ? D’aller les revoir peut-être…
Renan Luce (Bruxelles, le W:Halll, 8 octobre 2021). Un magnifique concert, mais que vous n’aurez malheureusement plus l’occasion d’applaudir, puisqu’il s’agissait de la dernière date de la tournée du Sinfonia Pop Orchestra. Sachez donc que les heureux veinards présents ce soir d’octobre auront goûté au charme d’une belle formation de 16 musiciens et plongé dans des ambiances nostalgiques et légèrement surannées collant à merveille aux petits bijoux issus de la plume mélancolique de Renan Luce. Une soirée magique.
Feu ! Chatterton (Bruxelles, Arena 28 juillet 2021). Le groupe nous propose du rock mêlant la tradition des guitares tranchantes à la modernité de l’électro. Des chansons enlevées pour danser ou sensuelles pour s’aimer. Des morceaux souvent efficaces, jamais faciles pourtant. Avec un chanteur charismatique en diable, complice et roublard, grand sorcier d’un univers hypnotique. Vous mélangez tout cela et vous obtenez un concert du feu de Dieu.
Les Innocents (Les Solidarités de Namur, 26 août 2021). Le grand retour aux affaires d’un groupe-phare de la pop française des années 90. Les deux comparses (JP Nataf et JC Urbain), solidement secondés par trois musiciens experts, propose un set parfait, mêlant titres récents et classiques de leur répertoire. Un univers musical irrésistible, un métier et une maîtrise de la scène irréprochable, un concert savamment construit, mêlant les ambiances pour finir en apothéose. Comme on dit toujours, c’est dans les vieux pots…
MICHEL KEMPER
© Vincent Capraro
Karimouche (Les Oreilles en pointe, Le Chambon-Feugerolles, novembre 2021). Tendre, violente, résolue, séductrice, soumise et dominatrice, gouailleuse et rockeuse, Berbère et Charentaise à la fois, un peu Lyonnaise, Karimouche est tout ça. Et la somme de tous les maux du réchauffement scéno-climatique : incendies, tornades, éruptions volcaniques, implosions et explosions, inondations, fonte des glaces, température hors de tout contrôles. Un cas unique, une Karimouche.
Yoanna (Barjac m’en chante, août 2021). Concert collector improvisé sous l’orage, où Yoanna, certes une de mes préférées, a montré à qui ne le savait pas encore l’étendue de son vaste talent, de son charisme, de sa proximité. De quoi nous la rendre plus indispensable encore.
Juliette (Barjac m’enchante, août 2021). Est-elle de toutes la plus grande ? Je le suppute. Son récital nocturne, lui aussi sauvé des eaux sous chapiteau, fut pour moi une des plus belles fusées de l’année. Comment résister devant sa voix, son sourire d’ange et ces verres de pinard qu’elle s’enfile en scène et font d’elle l’ivresse de la chanson française ?
Natasha Bezriche C’est une fille (Captation vidéo Lyon, 1er avril 2021). Je ne peux, ne veux, ni ne sait écrire, décrire, un concert en streaming : je bloque. Là, je ne sais pourquoi, le charme opère, tout enchante. La chanteuse même immobile, les mots, les chansons qui elles bougent, vivent, respirent par Natasha. Et ce pianiste, Sébastien Jaudron… Un beau moment qui m’a fait oublier que j’étais devant mon ordinateur. Bravo !
Merci Anne Sylvestre (La Cigale, Paris, 30 novembre 2021). Relire l’article de Patrick Engel. Dix en scène et une absente étonnement présente. Une soirée belle qu’on ne saura dire pourquoi ni comment, un état de grâce absolu. Associons à ces deux soirées à La Cigale, d’autres, avec d’autres casting, à Lyon, à Montpellier. Anne Sylvestre ne fait qu’entrer dans l’éternité… (si j’avais à soumettre un projet à Juliette, c’est de nous faire un album complet de reprises d’Anne Sylvestre, pour plus encore sublimer Anne, notre sœur Anne).
Et, en plus : dans ce classement exclusivement féminin, qu’il me soit permis de saluer ici, encore et toujours, nos quatre gaillards d’Entre 2 Caisses (vus pour ma part à deux reprises : Viricelles puis Barjac) qui ont donné leurs ultimes concerts avant cessation d’activité. Durant vingt-cinq ans, ils ont été tout ce que j’aime en chanson, le vieux comme le neuf, le populaire, le litron et le lettré. Ils sont pour toujours mon « coup de chapeau ».
CATHERINE LAUGIER
©Lionel Pesqué
Jourdaà, Chanson (Off d’Avignon, L’Arrache-Cœur, 27 juillet 2021). S’il n’en fallait qu’un, Jourdaà a du poète les images hardies, du hip-hop les sonorités, du danseur la grâce, de l’acrobate l’aisance, de l’homme la fragilité et la force. Un seul en scène qui résume tout le spectacle vivant, une chanson sensée, sensuelle, « …pour adoucir l’hiver, apaiser la colère, accompagner le rire d’un enfant… »
Jules & Jo, Mathias Billard et Julie Legait, Chaise de jardin (Off d’Avignon, L’Arrache-Cœur, 9 juillet 2021) Numéro irracontable – même si on essaye – de poésie absurde, qui décortique la vie à la pointe de son scalpel. Déjanté, philosophique, féroce et tendre.
Kent, Frédéric Bobin, Tant qu’il y aura des hommes (MJC Allain-Leprest à Venelles, 12 juin 2021). Croyez-le si vous voulez, ces deux lyonnais là n’avaient fait que des collaborations ponctuelles. Cette idée de Bruno Durruty de les réunir en duo pour la réouverture des salles de concert est de génie, tant les chansons de l’un répondent aux chansons de l’autre et vice-versa. Occasion d’une partie de ping-pong en s’échangeant les chansons ou de chœurs à cœurs battants. Cette collaboration fructueuse, on l’espère, ne devrait pas s’arrêter là.
Ben Herbert Larue, Aux lendemains (Off d’Avignon, L’Arrache-Cœur, 20 juillet 2021). Encore un homme orchestre que cet « Ogre de paroles » du nom de son premier album en 2018. Comédien, circassien, poète, diseur, chanteur, il a la voix et la poésie d’un Allain Leprest, d’un Loïc Lantoine, et l’humour sous l’émotion. Bien soutenu par ses deux musiciens, contrebasse, et clavier, cuivres, accordéon. Trois petits tours (les 20, 21 et 22) et puis s’en va, on le souhaite à Avignon pour un mois complet.
Léonid, Du vent (Le Petit Duc à Aix-en-Provence, 12 décembre 2021) À nouveau un spectacle qui vous en met plein la vue, plein les oreilles, la tête et le cœur : deux musiciens jongleurs dont un auteur compositeur, une chanson poétique engagée où la dérision empêche la vie d’être trop triste ou découragée. Spectacle complet à ne pas manquer.
Et aussi, Ni Brel Ni Barbara (Off d’Avignon, La Factory-Théâtre de l’Oulle, 27 juillet 2021) Les Monsieur Monsieur (Laurent Brunetti et Mario Pacchioli) pour son questionnement sur l’éternel sujet, doit-on reprendre ou pas, et comment, les chansons des chanteurs disparus, et pour la réponse qui n’est en aucune façon manichéenne. Et pour l’originalité de l’intrigue qui superpose à la complicité de Barbara et Brel l’histoire personnelle du duo. Une œuvre qui se lit à de multiples degrés, un théâtre musical qui fait honneur tant au Cabaret qu’à la Chanson francophone.
Sans oublier le beau Cabaret Arrache ta chanson (Off d’Avignon du 7 au 31 juillet 2021) pour redonner de la voix à de multiples artistes, différents chaque soir, autour de Nicolas Bacchus.
ANNE-MARIE & FRANCIS PANIGADA
©AM Panigada
Au Café du canal (Barjac m’en chante, 5 août 2021). Une joyeuse troupe d’épicuriens du verbe autour de Dominique Babilotte pour se délecter des savoureuses chansons de Pierre Perret, un spectacle astucieusement mis en scène, un enthousiasme communicatif et le plaisir de nous faire redécouvrir cette langue malicieuse entre tendresse et humour, poésie et engagement, un cocktail bien dosé concocté par des amoureux de la chanson !
Clotilde Moulin (Barjac m’en chante, 4 août 2021). Présence envoûtante, silhouette élégante, maîtrise des instruments que ce soient la harpe, la guitare ou le piano, voix juste dans tous les registres, le tout au service d’une écriture fine et incisive, voila les ingrédients d’un spectacle idéal ! Clotilde Moulin sait passer de l’humour décapant à l’émotion pure et jouer aussi de la corde sensible du public. Belle découverte !
Alissa Wenz (Théâtre Clavel, Paris, 12 décembre 2021). Elle s’inscrit dans la lignée des grandes figures de la chanson : Juliette, Véronique Pestel, Barbara ou Anne Sylvestre, c’est dire les qualités de cette jeune artiste ! Ecrivaine également, elle sait de chacune de ses chansons faire une histoire singulière. Son spectacle habilement mené passe de l’humour à la mélancolie, de la passion à la nostalgie. Remarquable dans la sensibilité et la justesse !
Merci Anne Sylvestre (La Cigale, Paris, 1er décembre 2021). Pas un hommage, le terme lui aurait probablement déplu, mais une réunion d’artistes amis pour un public amoureux de ses chansons. Une soirée chargée d’émotion où sa présence était palpable. Des moments forts : le témoignage d’Anne Goscinny, l’évocation par Jamait du « Kiosque de Baptiste », les voix conjuguées de Michèle Bernard et de Juliette… Des sourires, des souvenirs et des larmes !
Lila Tamazit trio (Maison des Arts et de la Musique, Orléans). Rares sont ceux qui se lancent dans la reprise du répertoire de Colette Magny, pour cela il faut une voix et Lila Tamazit en possède une au spectre large. Elle est celle, douce, d’Arte, mais sait aussi prendre le parti de l’énergie et la colère. Un mélange de chants engagés et d’autres plus intimistes servis par de remarquables musiciens. Un pari réussi !
Korafoland « Marchons »
Manu Kache, Michel Jonasz « Joueur de blues »
Raphaël « Maquillage bleu »
Karimouche « L’écume des sourds »
Ben Herbert Larue, « On se bat »
Alissa Wenz « Entre 16 heures et 16h30″
Bernard Joyet & Anne Sylvestre en 2016, « Malentendu » et en duo avec Anne « Depuis l’temps que j’l'attends mon prince charmant »
Natasha Bezriche « Une sorcière comme les autres »
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