Bruno Ruiz « Rendre visible une vie d’écriture »
Sauvé dans Anne-Marie Panigada, En scène, Festivals, Francis Panigada, L'Équipe
Tags: Barjac 2021, Bruno Ruiz, Nouvelles
Retour sur un moment surprenant et atypique de ce festival de Barjac 2021 qui aura pu dérouter ceux qui s’attendaient à un récital classique. Il n’était pas question ici de tour de chant mais de nous faire découvrir Le poète invisible, trace chronologique et exhaustive de 54 années d’écriture en douze volumes de 400 pages. Comment alors rendre compte en un court instant d’une vie d’écriture, comment rendre visible ce poète invisible, somme de tout ce que Bruno Ruiz a écrit, dit, chanté au cours des ans ? Défi insensé et choix impossible qu’il se proposa de relever avec la complicité du public de façon aléatoire.
Ce n’était pas un jeu mais une manière de montrer la démarche de ce poète invisible : donner tout à lire, à entendre, « l’atelier comme la vitrine », le bon comme le moins bon, le mauvais même, puisque tout contribue à une œuvre en mouvement. Au fil des tirages au sort, des numéros ayant été attribués aux textes, Bruno nous livrera quelques unes des multiples facettes de son travail: refrains fantaisistes ou absurdes, scénettes courtes et ironiques, tranches de vie et portraits, poèmes ou chants fidèles à son impératif de vie, textes de jeunesse ou de maturité, entre humour et tendresse, lyrisme et surréalisme. Difficile de livrer ici un compte-rendu exhaustif de ce qui n’était que fruits du hasard et de l’inattendu, quelques pépites extraites du long fleuve du temps, traces toutefois signifiantes de l’hétérogénéité du travail d’écriture de Bruno, de son étonnante diversité.
Pour parfaire la compréhension de cette démarche, j’ai eu l’occasion de converser avec Bruno afin qu’il m’apporte quelques pistes, quelques éclaircissements. Pour lui, il y avait nécessité de ne pas laisser en friche cette masse incroyable de textes écrits, dit-il, à tort et à travers, tout azimuts, aphorismes, nouvelles, récits, théâtre et chansons qui, a elles seules, se dénombrent à 440. Urgence donc de mettre de l’ordre dans cet héritage, d’en assurer la transmission en ne laissant pas cette tâche à sa propre descendance.
A partir de là, il aura fallu un travail de cinq ans pour tout ordonner, organiser dans la juste chronologie avec un parti pris : ne pas choisir ni sélectionner, placer l’ensemble des textes y compris ceux estimés « pas très bons ». Car, en effet : « Qu’est-ce qu’un texte bon ? A quel moment il l’est, ne l’est pas, le redevient, ne l’est plus ? » D’où l’idée de donner à lire la totalité de ces écrits en les replaçant dans leur contexte, dans leur dynamique afin de démontrer qu’une œuvre est quelque chose de mouvant, une suite d’échecs et de réussites, que des textes jugés mineurs ont donné naissance à d’autres, qu’écrire est toujours un chantier.
C’est pourquoi le poète invisible est organisé en périodes, chacune désignée par un verbe : balbutier, apprendre, accepter, tenter, chercher, essayer, choisir, mélanger, chanter, continuer, revenir, renaitre, ranger, aller. Autant de charnières, d’étapes, de bascules qui fondent une vie d’écriture. L’ensemble des écrits de chaque période est commenté dans des notes qui permettent de souligner l’importance de certains textes, la fonction et la place d’autres dans l’ensemble de l’œuvre.
Bruno Ruiz se revendique avant tout poète, la chanson n’étant pour lui qu’une des formes de la représentation de la poésie orale, mais il se veut éloigné de l’image élitiste du poète qui prévaut aujourd’hui, notamment en France: il est ouvrier du verbe, artisan. Nous ne connaissons de lui bien souvent que la partie visible de son travail, celle qu’il donne à voir et entendre au public, partie émergée et accomplie. Cette intégrale nous permet d’en découvrir l’aspect invisible, cette « œuvre vive » immergée qui touche à l’intime, cette poésie intérieure qui nous permet d’en savourer toute la cohérence, toute la richesse.
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Le site de Bruno Ruiz, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit, c’est là.
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