Juliette Armanet, le rouge est mis
Incandescence, embrasement ; incendie et autres références à l’enfièvrement des sens, le nouvel album de Juliette Armanet ne laisse pas de glace. Elle nous avait prévenu de ce coup de chaud à venir en évoquant des chansons qui inviteraient à danser. Sans pour autant évacuer ses mots souvent teintés de solitude et de chagrins d’amour et qui restent sa marque de fabrique. Avec ce Brûler le feu et après le premier déjà distingué pour son originalité (Petite amie sorti en 2017), l’ancienne journaliste et documentariste inscrit sa carrière dans une perspective longue dans le registre de la chanson.
Chansons passions donc et chansons charnelles qui déclinent les saisons du désir. « Dans la chanson il y a une part d’invention de soi-même qui est tout aussi belle que la vérité par laquelle on est passé. Parfois, nos fictions sont aussi puissantes, aussi « métamorphosantes » que nos vérités…Chanter c’est un geste de survie » a expliqué au micro de France culture (dans l’émission Par les temps qui courent une Juliette Armanet très présente dans les médias. Dans le même stimulant entretien la présentatrice évoquait de son côté une scène du film de Truffaut La femme d’à côté où Fanny Ardant, hospitalisée pour cause de souffrances amoureuses, recevait la visite de Gérard Depardieu qui lui changeait les piles de sa radio. Radio que l’héroïne blessée n’allumait que pour écouter des chansons bêtes, seules aptes à dire la vérité selon elle. « Que disent ces chansons ? Ne me quitte pas ; sans amour on est rien du tout ». Un programme propre à dessiner des répertoires, des émotions, des musiques. La chanson relie tous les moments d’une vie, de la naissance à la mort, célébration profane de l’humaine condition.
L’amie Catherine Laugier déploie ci-dessous à la façon d’une peintre toutes les nuances inscrites dans les treize chansons d’un album dédié aux vertiges de l’amour. La couleur rouge, comme sang ou coquelicot, y est dominante. Juliette Armanet a trouvé également sa voix pour exprimer une telle ardeur. Auteure et compositrice la fille de musicien s’est entourée de réalisateurs, dont SebastiAn (Daft Punk) et Yuksek, aptes à secouer la routine et lui permettre de se lâcher. Au diapason d’un titre « Sauver ma vie » qui au-delà des mots et des rimes souligne un tournant sinon la fin d’un tourment. En une forme d’autobiographie rêvée tout autant que réelle Juliette Armanet s’impose une nouvelle fois : « Imaginer la vie / Que je n’aurais jamais / Et tout cas pas ici ». Tout un programme.
ROBERT MIGLIORINI
Vertige de la pop
Première impression désagréable pour le début de l’album, très pop avec boîte à rythme envahissante sur Qu’importe, Tu me play, Boum boum Baby (peut-être un titre aux paroles volontairement parodiques) et qui gâche Le dernier jour du disco, à l’écriture plus originale que ne le laisse anticiper son titre – en fait une allusion au film The Last days of disco de Whit Stillman, 1998.
Mais l’album vire très vite vers des titres moins tape-à-l’œil, plus intimes.
De la sincérité sur Je ne pense qu’à ça, sur L’épine. Un vrai slow (à l’écriture touchante) qui rappellera bien des souvenirs à ceux qui avaient 20 ans dans les années 70 ou 80, J’te l’donne. On a beau dire, le piano de Véronique Sanson était pour beaucoup dans son succès, avec sa voix cascadeuse, et l’on retrouve la même impression avec Juliette Armanet…
Vertigo commence d’ailleurs à la manière de Véronique Sanson, puis prend un virage plus actuel avec la voix retenue, voilée, tout en opposition, du DJ et producteur de musique SébastiAn.
HB2U débutant avec le sacro-saint auto tune, s’adonnant au mix franco-anglais de rigueur, monte musicalement dans une pop lyrique, originale et agréable, digne de la pop des 70′s plutôt que 80. Le solo piano et les chœurs discrets sur la fin sont très élégants, et l’ensemble ouvre les portes du rêve.
On peut avoir une préférence pour les « ballades bleues », même si elles parlent de Rouge aux joues, plutôt que pour les boules à facettes disco, et l’album aurait pu justement adopter le titre du premier morceau… Il vaut sans doute pour cet équilibre entre la braise et la flamme !
On est heureux de finir sur l’émotion d’Imaginer l’amour « voir des étoiles en plein jour… » et sur la chute calme, après l’embrasement, de Brûler le feu. « Il y a que du rouge là dans ma tête pour toi » Un silence qu’on perçoit après la musique et s’imprime dans les mémoires est toujours préférable. Et là il est palpable.
CATHERINE LAUGIER
Juliette Armanet, Brûler le feu, Romance Musique 2021. Le site de Juliette Armanet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. En tournée à partir du 27 janvier 2022, dont à Paris, l’Olympia, 16-17 février et au Zénith, le 23 novembre.
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