Gilbert Bécaud, vingt ans déjà
Il y a quarante ans disparaissait Brassens. Il y a tout juste vingt ans ce 18 décembre, en 2001, c’était le tour de François Silly, plus connu sous le nom de Gilbert Bécaud. Si l’on célèbre à juste titre et sur tous les tons Brassens, dont c’est également le centenaire de la naissance, en 2021 comme tout au long des années depuis son décès, si ses chansons sont reprises partout dans le monde et dans toutes les langues, il n’en est pas de même de celles de Bécaud.
Pour quelle mystérieuse raison ? Parce qu’il n’était « que » compositeur (et quel compositeur !) ? Il aurait été « de droite » (parce que gaulliste) alors qu’il était de bon ton d’être de gauche ? Mais même quand la société se droitise, voire s’ultra droitise, ce n’est pas pour autant que ces nouveaux militants n’entonnent ses chansons. Il faut dire que les auteurs choisis par Bécaud (Aznavour, Louis Amade, Pierre Delanoë, Maurice Vidalin ou Claude Lemesle) pour évoquer ses préoccupations et ses émotions ne poussent guère la barre à tribord : L’orange lutte contre les a priori racisés, Nathalie rend grâce à une guide soviétique qui chante les louanges de la révolution d’octobre et de Lénine, Charlie est un cousin du Voyou (Je suis un -) de Brassens et Marie la petite cousine de Margot (de la madone…le portrait), Le petit oiseau de toutes les couleurs est un hymne à la liberté qui peut se comprendre comme un chant anti-raciste, Le jour où la pluie viendra, 1957, repris en anglais, en allemand, en italien, peut s’entendre comme une chanson écologiste, L’indien défend les peuples autochtones. La vente aux enchères, sur un texte de Maurice Vidalin, qui met en valeur le violoneux québécois Paul Cormier, alias Monsieur Pointu, est une pièce de vie à elle seule.
Beaucoup de chansons d’amour, ou d’empathique amitié : La solitude, Un peu d’amour et d’amitié, L’absent...qui sont toutes ou presque devenues des références à chaque décennie de sa carrière, ont marqué leur époque. De la poésie, du folk… et les mélodies et le rythme de Bécaud, compositeur de ses chansons. On n’oublie pas que Salut les copains est d’abord le titre d’une de ses chansons, ni qu’il fut le premier, avant Johnny, à déchaîner les foules qui cassaient des fauteuils à l’Olympia en 1955, emportées par son incroyable dynamisme…
De son vivant ses titres ont été adaptés en anglais et sont devenus des standards internationaux (What now my love après Et maintenant, dont on ne compte plus les interprètes après Shirley Bassey, trois cents, estime-t-on ; Let it be me après Je t’appartiens reprise entre beaucoup d’autres par Bob Dylan, Elvis Presley, Nina Simone, Neil Diamond…). Ses plus grands contemporains l’ont chanté : Edith Piaf, Aznavour, Montand, Jacqueline Danno, Les compagnons de la chanson, Johnny Hallyday, ici en improvisation sur La bête en duo avec Bécaud, Dalida, Sheila sur un remarquable L’absent… et Serge Lama lui a dédié une chanson, Gilbert.
Si de nombreux anonymes reprennent ses titres les plus emblématiques, peu d’artistes chantent de nos jours ses chansons en dehors du Québec, où il reste très populaire (Isabelle Boulay, Linda Lemay, Bruno Pelletier, Garou, Céline Dion…). Citons Adamo, qui lui a consacré un album de quinze titres en 2014, avec un rare Croquemitoufle, de 1957 enregistré en 1958 par Bécaud, et quelques beaux arrangements musicaux (Un peu d’amour et d’amitié, Viens danser…), et d’émouvants L’absent ou Je t’attends ; Julien Clerc, ici en duo avec Bécaud sur Et maintenant en 1998, qui n’oublie pas qu’il a fait sa première partie à ses débuts, et ne manque pas de chanter l’une de ses chansons en hommage lors de ses concerts ; récemment Catherine Ringer aux Césars 2021 ou Anne Sila au service de Je reviens te chercher, ou PetiDéj le duo Michel Ycardent et Odile Husson, qui ont consacré tout un spectacle à son répertoire, « Banco Bécaud », s’attachant à faire reconnaître ses titres les moins connus en soulignant leur troublante actualité et l’incroyable palette de ses émotions. Rappelons aussi l’émouvant duo Annie Cordy – Cyrille Gallais sur L’Indifférence. Il serait temps que de jeunes artistes redécouvrent l’extraordinaire richesse de ses musiques, de ses thèmes et des textes de ses auteurs et se les approprient comme une belle matière à travailler… Quand il est mort le poète, il faut le chanter…
En novembre 2021 Warner publie « Je reviens te chercher » en trois volumes : une sélection d’enregistrements studio, un concert inédit Musicorama de 1975 passé sur Europe 1, et des raretés et reprises dont un duo inédit, My Emotions, duo virtuel avec Emily, la fille de Gilbert Bécaud qui chantait déjà avec lui en 1999 La fille au tableau.
Un livre signé Claude Lemesle et Jacques Pessis « Bécaud, on revient te chercher » avec trois CD contenant des inédits paraît également en novembre 2021 aux Editions L’Archipel.
Plusieurs hommages à la télévision, on retiendra le documentaire Et maintenant sur LCP le 18 décembre, l’hommage que lui rend la Web-Tv du Var TV 83 à la même date, et l’histoire de Et maintenant sur France Info. À la radio, sur France Musique deux archives rares dans Les trésors de France Musique, dont l’une avec Charles Trenet, un documentaire audio sur L’Opéra d’Aran dans Maxxi Classique (réédition de 2020), et une émission d’1h30 dans Étonnez-moi Benoît du samedi 18 décembre 2021, avec Emily Bécaud et Claude Lemesle. Toute une émission en novembre au Québec sur Radio-Canada disponible en Ohdio.
La page facebook de Gibert Bécaud c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Sur YouTube une chaîne officielle lui est dédiée et plusieurs playlists sont disponibles sur l’INA.
Quelques albums ou anthologies :
Deux albums posthumes publiés par son fils Gaya chez EMI en 2002, « Je partirai » (voir notre article de 2019) et 2005 (« Suite »).
Parlophone/EMI a publié en 2011 pour les dix ans de sa disparition une intégrale de 267 chansons en douze CD « Bécaud, le coffret essentiel » avec quinze concerts en public à l’Olympia.
Warner sort en 2016 une luxueuse « Anthologie 1953-2002″ de 20 CD, plus de 420 titres, dont 220 en version remasterisée d’après les bandes masters d’origine plus livre biographique avec photos.
EPM choisit en 2017 la période des débuts « Le turbulent baladin », 1955-1962, avec trois CD dont un consacré aux interprètes de Bécaud
PetiDéj, « La maison sous les arbres » (film de René Clément, 1971), 2021
Anne Sila, « C’est en septembre » avec Yvan Cujious au Loft Music
Emily et Gilbert Bécaud, « My emotions », duo virtuel 2021
Et en cadeau de Noël, la Cantate « L’enfant à l’étoile » (1960)
Le « Musée Sacem » de Gibert Bécaud
https://musee.sacem.fr/index.php/ExhibitionCMS/ExhibitionCMS/View?id=3701
On me rappelle l’apport de Laurent Viel à la cause de Gilbert Bécaud. En effet il s’est inspiré de la chanson La vente aux enchères (qu’il chante) pour le titre de son spectacle Chansons aux enchères (mise en scène Xavier Lacouture) qui mêle chansons à texte et de variétés.
https://www.youtube.com/watch?v=cM9P0GJ8PSc
Et auparavant dans Rue de la Belle Ecume qui donne vie aux personnages de chansons célèbres, il fait parler Nathalie (chant Emily Pello) dans la chanson Babouchka Natalia, sur les beaux textes de Christian Faviez.
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2017/08/01/off-avignon-2017-barjac-2017-rue-de-la-belle-ecume-leurs-chansons-courent-encore/
Beau papier pour un recensement hélas réaliste.
juste une précision : Gilbert Bécaud n’était pas « gaulliste ». Pas politiquement. Il aimait le personnage de de Gaulle. Ce n’est pas pareil.