Michel Cloup duo et Pascal Bouaziz « Travailleurs de l’usine »
À quoi pensent mes collègues en triant leurs crevettes
Quelles chansons entêtantes encombrent leur crâne
Où prennent-ils plaisir à fredonner
J’entends parfois à travers les bouchons d’oreille
Et le bruit sourd de l’usine
Monter du Balavoine
Du Christophe Maé se demandant où est le bonheur
Michel Cloup duo et Pascal Bouaziz
Texte Joseph Ponthus, Musique Michel Cloup, Pascal Bouaziz et Julien Rufié. Extrait de l’album « À la ligne – Chansons d’usine » 2020
Alors que Mendelson autour de Pascal Bouaziz s’apprête à sortir son septième et ultime album (nous disent-ils, mais on espère qu’il y en aura d’autres) dont NosEnchanteurs vous parlera, on se repenche sur l’album Chansons d’usine (écouter ici) que Bouaziz et Michel Cloup, avec Julien Rufié ont adapté en musique d’après le poème en prose « À la ligne » de Joseph Ponthus, nom de plume de Baptiste Cornet.
Cette œuvre impressionnante rend compte de l’expérience de Baptiste Cornet, ancien éducateur spécialisé, en tant qu’intérimaire d’abord dans une conserverie de poissons, puis dans un abattoir. Sans ponctuation, l’essai rend compte du travail dénué d’humanité, à la chaîne, dans le bruit, les odeurs, la graisse, le sang, des ouvriers employés à cette tâche où « les pensées vont à la ligne ». Cette œuvre très forte, immédiatement succès de librairie, a été récompensée en 2019 du Gd prix RTL-Lire et du Prix Eugène-Dabit du Roman populiste, puis en juin 2020, du prix littéraire des étudiants de Sciences Po. Le sujet comme la forme sont immédiatement entrés en correspondance avec les univers et les engagements de Cloup et de Bouaziz.
Le rythme de cette prose lui-même musical, a suscité l’attention de Michel Cloup, lui a suggéré cadences et mélodies, dans des réalisations choc (écouter Il y a « Il y a qu’il n’y aura jamais de point final / à la ligne »), exprimant la souffrance des ouvriers et la dégradation psychologique qui s’ensuit, particulièrement dans le titre Cauchemars. Mais aussi la fraternité de ces hommes, et leur indestructible faculté à s’évader, parfois, dans le rêve, comme dans la chanson ci-dessus. Dix-sept textes dits ou chantés, répétés en mantra, soulignés par les cordes, les percussions, les chœurs. La nuit semble pause douce, propice à l’évasion. Une mise en son et en émotion, en révolte, en espoir qui rend bel hommage à l’écrivain engagé Joseph Ponthus, à l’homme Baptiste Cornet.
Baptiste Cornet est décédé à 42 ans d’un cancer généralisé en février 2021.
On peut se procurer l’album sur le site bandcamp de Michel Cloup duo.
En concert le 2 octobre 2021 à Strasbourg, autres dates sur leur page.
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